Tahiti Infos

Le cocotier



Fara est capricieuse, elle réclame à Grand-père un coco vert. Pas le temps, il y a une commande de coprah à honorer. Un regard sec suffit à lui rappeler qu’il faut aider, rassembler les noix et les trier pendant que les hommes les fendent d’un coup sec. La fillette s’applique à ranger les noix éclatées en tas, à les empiler les unes sur les autres, dos au ciel. Dans quelques jours il faudra décortiquer tout cela. Le Grand-père se redresse avec difficulté, il repère une belle noix de coco intacte, jette un regard à l’enfant, qui comprend qu’il faut la ramasser. Le vieil homme se dirige vers la mer, elle le suit. Ensemble ils déposent la noix dans l’eau calme. C’est comme ça qu’on remercie, à chaque fois. Dans la tête de Fara il y a beaucoup de questions : la baleine qui souffle au loin va-t-elle l’engloutir ? Tonton Caillou la trouvera-t-elle sur son retour de pêche ? Est-ce qu’elle va pourrir sur l’eau ? Elle s’imagine à la place du fruit, flotter dans l’océan. Grand-père lui a expliqué que nous sommes comme des noix de coco, qui flottent à la dérive, au gré des courants. La fin du voyage est une terre où l’on peut choisir de s’enraciner et de l’enrichir de nouveaux fruits. Tonton Caillou disait souvent que Mamita était arrivée au motu comme une noix de coco. Elle est différente, elle a toujours parlé en chantant, même en colère sa voix chante. D’ailleurs on l’entend chanter, il faut finir de nettoyer la cour. Mais avant, Fara a droit à son coco vert. Grand-père s’est saisi d’une perche pour faire tomber le coco idéal, il ne grimpe plus aux cocotiers depuis quelques années à cause de son dos. Son choix se porte sur un coco légèrement orangé, bien à l’ombre pour que l’eau ne soit pas trop tiède. D’un coup franc il fait tomber le fruit. Fara lui tend alors la machette. De quelques coups nets, l’extrémité de la tête est taillée, créant une belle ouverture. Fara se saisit alors de la grosse noix lourde et lisse. Elle savoure plusieurs gorgées sous le rire moqueur de son Grand-père. C’est comme les limonades dans les bouteilles en verre pense-t-elle, ça pétille dans la bouche ! On devrait mettre des noix vertes à la mer, les gens comme Mamita qui naviguent de très loin, pourraient boire de la limonade sur l’océan songe-t-elle. Voici Tonton Caillou qui revient de pêche, il apporte à Mamita quelques bleus et un beau nanue nettoyé. Il a dans un grand sac en toile de jute, un crabe de cocotier. Fara veut observer la bête. Il doit bien faire trois kilos, ses yeux sont rouges, sa carapace est bleutée et ses grosses pinces sont habilement attachées. En voyant ces dernières, Fara tressaille et se dit qu’elle ne voudrait pas être un coco découvert par ce Kaveu. Et pourtant, sans cocotiers il n’y aurait pas de crabes, il n’y aurait pas non plus les bons plats au lait de coco ni le monoï parfumé de Mamita. Fara observe l’horizon et rêve de voyager au-delà du lagon bleu et de retrouver alors tous les cocos qu’elle et son Grand-père ont semés à la mer.

Autrice : Vahinetua Caire Tetauru