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BYE BYE SAO



Août 2028
– Qu’est-ce que tu fais ?
Cela ne te regarde pas !
– Bien évidemment, plus rien ne me concerne, tu n’as que quinze ans et tu veux changer le monde ! Tu ne trouves pas ça un p’tit peu ambitieux ?
Comment tu oses dire ça maman ?! Qui va changer les choses alors ? Nous les « jeuns » d’aujourd’hui on VEUT que ça change ?! En tout cas, je vois que toi et papa vous rêvez sans cesse d’une vie meilleure et vous passez votre temps à vous disputer ! C’est toujours le même « maniania » ! C’est carrément fiu ! Moi j’ai envie que ça change !
Après cette dispute mémorable avec ma mère, tout avait basculé dans toutes les dimensions de ma vie ! Personne ne pouvait m’arrêter ! J’avais trop souffert de ma passivité jusque-là et du sentiment de désespoir qui envahissait mon entourage de jour en jour, nous entraînant toujours un peu plus dans la misère. Mon ventre et tout mon être criaient famine ! Malgré tous leurs efforts, mes parents ne nous nourrissaient plus qu’aux paquets de soupes Maggi bleues, au Milo et au SAO. Ma mère faisait de son mieux … Papa, quant à lui, ne mangeait presque plus, enfin il « mangeait liquide ». Sa Hinano à la main, il nous souriait, les traits de son visage témoignait de sa journée harassante ; ses mains, brûlées par le soleil et abîmées par le béton, tremblaient.
J’avais mal au cœur en pensant à ma vie de famille, pendant ma scolarité et toutes les récrés, je prenais quelques SAO pour calmer ma faim et avoir un peu d’énergie. J’avais également une autre faim qui me tenaillait, celle du Savoir. Apprendre était une passion pour moi et je la partageais avec Mamie Taina, la voisine du quartier.
Tous les mercredis après-midi, je rejoignais mamie Taina qui me faisait découvrir de nouveaux livres.
Mon père la trouvait bizarre, moi, elle m’inspirait le bonheur et la sobriété. Dans sa maison, il y avait une belle bibliothèque. J’avais pour habitude de me poser dans le hamac de son jardin pour lire. Je découvrais les ouvrages de Pierre Rabhi, Pablo Servigne… Ses livres m’offraient une grille de lecture complètement différente. Je fis alors comme un bond de conscience, comme si l’on m’ouvrait un rideau sur un monde caché mais bien réel. Je pouvais enfin entrevoir d’autres possibles ! Mes parents nous répétaient chaque jour : « D’abord ton école après tu trouves un travail tu t’achètes une maison et une voiture et tout ira bien » ! Mais je voyais bien que c’était exactement ce qu’ils avaient fait avec les peu de moyens qu’ils avaient et les galères que ça impliquait, crédit et dettes en tout genre, et qu’en les observant ça ne respirait pas le bonheur ! Mais alors pas du tout !
Aujourd’hui, on est en 2050, je suis pleinement heureuse de savoir que tout le monde bénéficie de la sécurité sociale de l’alimentation ! Elle a vu le jour il y a maintenant trois ans et avec le recul nous pouvons dire ce qu’elle a apporté.
Après des années de lutte, quelle JOIE de constater que toute cette faim est enfin enrayée !
Maintenant je suis heureuse de voir toute la population polynésienne regagner en dignité et retrouver de vraies conditions de vie grâce à leur carte vitale de l’alimentation qui leur donne accès à une nourriture saine et produite localement. Le droit à une vie digne est un droit de naissance !
Aujourd’hui je suis fière de pouvoir enfin dire : BYE BYE SAO !

Autrice : Vaiana Samg Mouit