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Travailleurs sociaux: Armelle Merceron répond à Sandra-Lévy Agamy


Travailleurs sociaux: Armelle Merceron répond à Sandra-Lévy Agamy
Armelle Merceron a souhaité réagir aux propos tenus la semaine dernière par Sandra Levy Agamy au sujet du travail effectué par les travailleurs sociaux:

Courrier d'Armelle Merceron:

Vous avez fait état dans votre édition du jeudi 16 février de critiques sévères à l’égard des travailleurs sociaux, émises publiquement par madame Sandra Lévy-Agamy.
J’espérais une réaction du ministère en charge de la Solidarité, tutelle administrative de la direction des Affaires sociales à cette attaque publique. Comme elle ne vient pas, je me décide à vous écrire pour apporter un autre éclairage et corriger certains points qui me paraissent erronés.

J’ai fait l’expérience extrêmement riche à plusieurs points de vue de diriger les Affaires sociales entre 1998 et 2001, puis d’assurer par la suite des fonctions ministérielles incluant la responsabilité de l’action sociale polynésienne. Ces responsabilités m’ont donné une vision beaucoup plus profonde et exacte de la réalité du travail des professionnels du social. Et je peux en parler en connaissance de cause. Depuis la situation économique et sociale de notre pays s’étant très largement dégradée alors que le nombre de postes occupés a été réduit par la force des « coupes budgétaires », j’imagine que leur travail social est encore plus difficile.

Contrairement à ce que croit Madame Lévy-Agamy, l’ampleur du travail d’un agent ne se mesure pas au nombre et au montant des aides qu’ils proposent d’octroyer à une personne en difficulté. Selon la nature du poste qu’un agent social occupe dans l’organisation d’une équipe de circonscription d’action sociale, les aides matérielles et financières peuvent être de sa responsabilité ... ou pas. Ce n’est donc pas un critère objectif pour juger du travail et classer les travailleurs sociaux (TS) à partir de statistiques nominatives, surtout lorsqu’elles ne sont pas officielles. Laissons au chef de service la responsabilité de juger et de prendre les mesures nécessaires.

Réduire la tâche d’un professionnel du travail social (il faut 3 ans de formation après le bac pour être éducateur spécialisé ou assistant social) à l’attribution d’aides alimentaires et autres aides urgentes est forcément réducteur, voire caricatural et peut conduire à des comportements d’assistanat que chacun critique.

En fait la tâche est plus noble et bien plus difficile puisqu’il faut aussi protéger, écouter, informer, remobiliser la personne et sa famille à travers un projet éducatif ou de vie, élaboré avec la personne. Cela prend du temps et ne réussit pas à tous les coups. Je dis souvent que les TS portent la misère du monde sur leurs épaules, ils sont à l’avant poste de tout ce qui ne va pas dans notre société. Alors de grâce ne les utilisons pas comme munition pour les querelles politiques.

J’aurais largement préféré que l’attention de tous les citoyens et en particulier des élus politiques et du gouvernement soit attirée sur la réalité, notamment :
- l’insuffisance du nombre de travailleurs sociaux pour répondre à la précarité croissante et à l’isolement dans les îles éloignées,
- l’arrêt des formations de travailleurs sociaux polynésiens en Polynésie qui vont manquer dans les années à venir (fera-t-on venir des TS européens ?),
- la réorganisation du secteur sanitaire et social pour faire mieux avec moins de moyens,
- le déséquilibre réel du budget 2012 du Régime de solidarité de Polynésie française (RSPf) puisqu’ il manque près de 4 milliards ! Ce qui est d’autant plus inquiétant que les aides sociales dont il est question sont financées pour la quasi-totalité par le budget du RSPf !

Ces sujets de fond vont nous rattraper bien vite et je suggère que les élus de tous bord s’y intéressent rapidement.

Je vous remercie, madame la Rédactrice en chef, d’accepter de publier ma lettre.
Armelle Merceron


Rédigé par Armelle Merceron le Lundi 20 Février 2012 à 17:17 | Lu 2253 fois