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“Nous, les matahiapo, avons de gros problèmes”


“Nous, les matahiapo, avons de gros problèmes”
Moorea, le 23 février 2025 – La colère monte de plus en plus à Moorea concernant le transport scolaire mais également le régulier. Cette colère couve depuis plusieurs mois, puisqu’au début, tout allait bien. Mais au fur et à mesure que le temps passait, la société Warren Transports a finalement eu beaucoup de problèmes et n’a finalement pas pu assurer tout ce qu’elle a promis.
 
“Tout allait bien, mais aujourd'hui, il n’y a plus de transport pour nos enfants le matin. Il n’y a qu’un seul bus le matin à 4 heures”, assure Tetiamana Hanere, un administré de Moorea. Ce dernier fait référence aux propos tenus par le gérant de Warren Transports, Warren Guilloux, en janvier 2024 au micro de Tahiti Infos. Alors qu’il a repris il y a un an le transport scolaire sur l’île Sœur, celui-ci déclarait effectivement, dans un live Facebook, qu’il mettrait deux bus le matin pour aller au bateau, un exclusivement pour les étudiants et un autre réservé aux salariés.

“Tout se passe mal ici à Moorea pour le transport scolaire”

Tetiamana Hanere affirme recevoir de nombreux coups de fil émanant des parents d’élèves de Moorea qui se plaignent du service rendu ou non rendu par Warren Transports. “J’ai eu mal au cœur car j’ai reçu des appels de parents qui m’ont dit que le bus a refusé leur fils par manque de places (…). Tout se passe mal ici à Moorea pour le transport scolaire (…). Et pour les parents qui n'ont pas les moyens, l'enfant rate ses cours la journée à cause de ça (...). Il n'y a plus de bus.”
 
Cet ancien convoyeur dénonce également le fait que les secteurs de ramassage des scolaires à Moorea ne sont pas non plus respectés. Il affirme que chaque bus a une zone bien définie pour ramasser et ensuite déposer les élèves à leur établissement scolaire. Sauf que selon lui, “ce plan de transport”, dont la Direction générale de l’éducation et des enseignements (DGEE) est destinataire, n’est plus respecté aujourd’hui. “Il ramasse de Tahiamanu et va directement vers Ti’ahura pour y ramasser les élèves (au lieu de déposer les élèves à l’école à Papetoai et se rendre ensuite à Ti’ahura, NDLR). Cela fait une balade pour les enfants, mais il n’y a pas de sécurité à ce moment-là. Ils sont hors secteur. Imaginez qu’il y ait un accident.”
 
Et ce système, toujours selon Tetiamana Hanere, fait que les élèves, même ceux inscrits en maternelle, se lèvent beaucoup plus tôt le matin, puisque le bus passe à 6 h 30 au lieu de 6 h 55 auparavant, pour commencer à 7 h 30. “Ils n’ont même pas encore fini de prendre leur petit déjeuner (…). Les enfants sont fatigués. Raison pour laquelle les parents déposent eux-mêmes leurs enfants à l’école.”
 
Tetiamana Hanere invite le gouvernement à venir sur le terrain pour voir ce qui s’y passe réellement. “Il ferme les yeux sur ce qui se passe à Moorea ? (…). Il (Warren Transports, NDLR) est là à empocher l'argent simplement ?”

“Je n'ai jamais eu ce genre de problème”

Convention signée entre tavana Evans Haumani et Warren Guilloux le gérant de la société Warren Transports pour la « poursuite du service public » à Moorea-Maiao à partir du 1er février 2024.
Convention signée entre tavana Evans Haumani et Warren Guilloux le gérant de la société Warren Transports pour la « poursuite du service public » à Moorea-Maiao à partir du 1er février 2024.
“Il y a un sacré problème au niveau du régulier”, insiste également Tetiamana Hanere. Comme pour le transport scolaire, il assure que pendant les trois premiers mois, la société Warren Transports avait assuré. Aujourd’hui, c’est la catastrophe, selon lui. “C’est en voie de disparition (...) il n’y a plus de bus. (..). Il y a des personnes âgées qui n’ont pas de moyen de locomotion ou pas les moyens de louer une voiture pour se rendre à leur cabinet médical qui ouvre à 8 heures. Elles se réveillent à 3 heures du matin, prennent le bus à 4 heures. Elles arrivent à Maharepa et attendent l’ouverture du cabinet à 8 heures. Une fois leur consultation terminée, elles sont obligées d’attendre le bus de 16 h 45 pour rentrer chez elles. Vous trouvez cela normal ? C’est pour cela qu'on se lève aujourd'hui, cela ne peut plus durer.”
 
Juliano Poroi, un administré de la commune de Haapiti âgé de plus de 70 ans, assure que c’est la première fois qu’il vit cette situation. “Cela fait plus de trente ans que je vis à Ti’ahura et je n'ai jamais eu ce genre de problème (avec le transport régulier, NDLR).”
 
Au bout du rouleau, cet administré lance un appel au gouvernement. “Nous, les matahiapo, avons de gros problèmes. Quand on va à Papeete et qu’il n’y a pas de bus, on loue une voiture. Et l’argent sort de notre poche et nous sommes au-dessous du Smig. Alors faites quelque chose. Ici, quand on va quelque part, on loue une voiture.” Pour ce dernier, ce système est fait pour que la population “se soumette ou se serre la ceinture (…). Dans notre pauvreté, vous n'allez pas rajouter encore sur les matahiapo.”
 
Il pointe du doigt le tāvana Evans Haumani qui avait déclaré au micro de Tahiti Infos que pour les matahiapo et les enfants de moins de 2 ans, la gratuité serait appliquée. Sauf que depuis plusieurs mois, Warren Transports n’assure plus les transports réguliers, contrairement à ce qu’il nous avait annoncé dans une interview.
 
Tetiamana Hanere et Juliano Poroi considèrent que Warren Transports n’a pas les reins solides pour assurer les marchés du transport à Moorea. “Cette société, on voit très bien qu’elle a des problèmes. Et elle n'a pas les mêmes moyens que l’autre société (RTU, qui assurait auparavant le transport scolaire et qui s’était désistée, NDLR). Cela veut dire qu’il faut arrêter.”

Un appel d’offres en octobre dernier

Pour rappel, un appel d’offres pour le transport scolaire a été lancé en octobre dernier, les professionnels sont d’ailleurs en attente du résultat qui devait être annoncé au mois de janvier. 
 
Dans le statut de la Polynésie, il est précisé que “les communes sont compétentes en matière de transports communaux”. Une compétence précisée par le Conseil d’État : les communes sont “seules compétentes pour organiser des services de transport de personnes d’intérêt communal ayant pour objet la desserte de différents points de leur territoire”. Cette compétence incombe au Pays lorsque la desserte concerne plusieurs communes, comme à Tahiti. Par contre, la loi organique permet aux communes d’avoir des partenariats avec le Pays.
 
Contacté, le tāvana de Moorea-Maiao Evans Haumani affirme être en attente de l’appel d’offres du Pays relatif au transport scolaire pour pouvoir ensuite mettre en place une convention avec l’entreprise qui aura eu le marché scolaire. De son côté, Warren Guilloux est resté injoignable tout le long du week-end.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 23 Février 2025 à 19:03 | Lu 2651 fois