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La commission Géros retoquée par le tribunal administratif


Tahiti, le 16 décembre 2025 – Ce n’est pas une surprise, mais c’est un revers politique majeur pour Antony Géros. Le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé, ce mardi, la délibération créant la commission d’enquête chargée d’estimer la “valeur” de la Polynésie française et de sa zone économique exclusive. Une décision attendue puisqu’elle va dans le sens des conclusions du rapporteur public rendues à l’audience du 2 décembre.

 
Dès cette audience, le sens de la décision ne faisait guère de doute. Le rapporteur public avait estimé que l’objet de la commission dépassait largement le cadre légal fixé par le statut d’autonomie et le règlement intérieur de l’assemblée. Le tribunal a confirmé cette analyse, jugeant que la commission ne relevait pas du contrôle de faits déterminés ou de la gestion des services publics, mais d’une démarche politique globale.
 
Dans son jugement, la juridiction souligne que “la très vaste mission ainsi confiée (…) excède notablement le recueil d’éléments d’information sur des faits déterminés”. Elle relève surtout que les “enjeux géostratégiques, environnementaux, économiques et financiers” invoqués “englobent une grande part, sinon la totalité, du champ politique”, sans circonscrire de question précise. Une formulation qui reprend l’essentiel du raisonnement développé par le rapporteur public et qui scelle le sort de la commission.
 
Rappelons que deux recours avaient été déposés contre la délibération du 3 juillet : l’un par le haut-commissaire de la République, l’autre par six élus de la minorité (Tapura et Ahip). Tous dénonçaient une initiative juridiquement fragile, conçue pour servir de support institutionnel à un discours politique sur les relations entre la Polynésie française et l’État.
 
Une commission aux allures de manifeste politique
 
Dès son adoption à Tarahoi, la commission avait ainsi suscité de vives tensions. Officiellement chargée d’établir un bilan des flux financiers et économiques entre la France et la Polynésie, d’évaluer les bénéfices et les coûts respectifs, et de proposer des scénarios d’évolution, elle était présentée par Antony Géros comme un outil nécessaire à “l’établissement d’un dialogue de décolonisation”. Un objectif politique assumé, mais qui, aux yeux de la juridiction administrative, ne pouvait justifier le recours à une commission d’enquête dotée de pouvoirs spécifiques et de moyens coercitifs.
 
Le budget de 25 millions de francs, très supérieur à celui des autres dispositifs de contrôle parlementaire comme les missions d’information par exemple, avait par ailleurs fait tiquer les élus de la minorité qui étaient immédiatement montés au créneau. Tout comme l’intégration d’office de plusieurs élues de l’opposition, sans leur consentement, sous peine de sanctions financières en cas d’absence. Autant d’éléments qui, sans être tranchés par le tribunal, ont pesé lourdement dans le débat politique autour de cette commission.
 
Face aux recours, l’assemblée avait défendu sa liberté d’action et son droit à examiner les relations entre la Polynésie française et la France. Une ligne de défense que le tribunal n’a pas suivie, préférant rappeler que la liberté parlementaire s’exerce dans un cadre juridique strict.
 
En annulant la délibération sans examiner les autres moyens, la juridiction administrative adresse un message clair et prévisible : le combat politique ne peut se mener en détournant les outils institutionnels de leur finalité. La commission Géros est désormais définitivement enterrée. Un épilogue attendu, mais qui fragilise la stratégie d’Antony Géros, sans clore pour autant le débat de fond sur la place de la Polynésie française dans la République, et sur la nature de ses relations avec l’État.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 16 Décembre 2025 à 12:49 | Lu 1683 fois