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Le Tahiti Mahana Beach créerait une "concurrence déloyale" aux hôteliers


Christophe Faure est le co-président du Conseil des professionnels de l’hôtellerie.
Christophe Faure est le co-président du Conseil des professionnels de l’hôtellerie.
PAPEETE, le 21 août 2014. Les mesures dérogatoires proposées dans le projet de loi de Pays pour les nouveaux salariés dans la zone du Tahiti Mahana Beach sont très mal vues par les hôteliers qui craignent pour la sauvegarde de leurs emplois, hors de cette zone prioritaire. Les professionnels du tourisme l’ont fait savoir aux membres du CESC : si le projet de loi de pays est adopté en l’état, ils l’attaqueront immédiatement par un recours devant le Conseil d’Etat. En effet, la mise en place de ces conditions de travail dérogatoire dans la zone franche du Tahiti Mahana Beach constituerait une concurrence déloyale avec les opérateurs touristiques situés à l’extérieur de cette zone de 52 hectares. «Les professionnels de l’hôtellerie consultés affirment que leurs charges salariales seront 35% plus élevées que celles des exploitants situés à l’intérieur de la zone Mahana Beach, étant précisé que cette masse salariale représente 50% des charges d’exploitation d’un hôtel. De manière plus générale, toutes autres mesures dérogatoires au droit commun porteraient en elles les germes d’une concurrence déloyale» selon l’avis rendu ce jeudi par le CESC.

Christophe Faure, co-président du Conseil des professionnels de l’hôtellerie précise la situation : «comment penser que l’Intercontinental qui jouxte la zone du Tahiti Mahana Beach continue à pratiquer des salaires au moins 20% plus cher, sans qu’il y ait de conséquence ? D’un côté vous aurez un établissement avec un salaire minimum à 120 000 Fcfp et à quelques mètres de là un établissement avec un SMIG à 149 000 Fcfp ! Forcément le premier établissement pourra pratiquer des prix plus attractifs, cela ne pourrait pas cohabiter longtemps !» Au final, la crainte est que dans l’espoir de réduire le chômage en Polynésie française, les mesures présentées dans le projet de loi de Pays pourraient s’avérer contre-productives et créer des menaces sur des emplois pérennes. «Si le gouvernement s’entête dans ce projet il y aura une levée de boucliers des professionnels de l’hôtellerie et des syndicats. Ce texte porte beaucoup plus d’inconvénients sur le plan social qu’il n’en résout» poursuit Christophe Faure.

Dans un registre plus large, le Conseil des professionnels des hôteliers critique également la faisabilité du projet d’aménagement de la zone de Tahiti Mahana Beach tel qu’il a été présenté il y a quelques semaines à peine. Le seuil de rentabilité des 3100 chambres du futur complexe (tel que présenté par le groupe hawaiien, Group 70), nécessite un taux d’occupation à 80%. «Ce qui n’arrivera pas avant quatre ou cinq ans au moins après la fin de la phase de construction. Même en tablant sur 60% de taux d’occupation sur les premières années d’exploitation, cela implique l’arrivée sur le territoire de 400 000 touristes en plus chaque année et jusqu’à 700 000 touristes par an lorsque le taux d’occupation de 80% sera atteint ! Imaginez le nombre d’avions gros porteurs pleins à ras bord chaque jour, ce serait presque sept avions à débarquer chaque jour à Tahiti. Il faut donc espérer que les infrastructures vont réellement suivre».



Une idée : multiplier les créations d’emploi avec des temps partiels

Alors que le gouvernement n’a pas pris en compte les propositions des partenaires sociaux émises lors des commissions tripartites, de nouvelles idées émergent sur ce qu’il serait possible de faire dans la zone franche du Tahiti Mahana Beach en matière d’emploi. «Si la problématique du président Flosse est celle de la création d’emplois afin de ne pas laisser des milliers de Polynésiens sans ressources, plutôt que de baisser le SMIG dans cette zone, pourquoi ne pas faire des contrats de travail à temps partiel qui seraient payés 75 000 Fcfp pour 20 heures/ semaine ?» propose Eric Minardi à la tête d’une société de promotion immobilière.

«L’avantage de cette formule est qu’elle fournirait du travail à des personnes qui en sont privées depuis longtemps et permettrait de rééquilibrer le nombre d’actifs avec celui des bénéficiaires du régime de solidarité. Financièrement, pour les entreprises ce ne serait pas moins cher mais ce dispositif permettrait d’éviter le dumping social du projet gouvernemental qui crée un vrai malaise. Ces salariés au SMIG sont le plus souvent des personnes non qualifiées employées sur des postes de manœuvres : pour une entreprise avoir deux salariés sur un même poste garantit un meilleur rendement et une qualité accrue du travail effectué. En cas d’absence maladie de l’un, l’autre peut prendre le relais, sans qu’il y ait rupture de l’activité de l’entreprise et être payé plus le temps de cette absence. Pour ces salariés à temps partiel, garder une référence au SMIG, comme partout ailleurs en Polynésie, est quand même plus acceptable, plus juste aussi».

Le chef d’entreprise est en revanche très favorable à la suppression de l’indemnisation par l’employeur des trois premiers jours de maladie (délai de carence) et souhaite «des contrôles plus virulents de la CPS avec l’instauration de véritables sanctions à l’encontre de ceux qui fraudent». Le retour du temps de travail à 40 heures par semaine est également une mesure appréciée.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 21 Août 2014 à 17:40 | Lu 3491 fois