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La filière de la pêche a des atouts mais navigue à vue


La filière de la pêche a des atouts mais navigue à vue
PAPEETE, lundi 29 octobre 2012. La discussion à l’assemblée de Polynésie française, sur le rapport de la Chambre territoriale des comptes (CTC) concernant la société d’économie mixte port de pêche de Papeete (S3P), publié le 20 septembre dernier, a nourri un riche débat entre les représentants et avec le ministre des ressources marines Temauri Foster. De ce débat, qui a duré une heure environ ce lundi en ouverture de la 4e séance de la session budgétaire en cours, il est clairement ressorti que la pêche dispose d’atouts certains en Polynésie française, de possibilités de développement, mais que la stratégie fait encore défaut. Or, dans certains secteurs, particulièrement en ce qui concerne le thon, les quotas accordés à chaque pays seront en discussion très prochainement, dans les instances internationales. Il faudra alors que la Polynésie française, forte de 5 millions de km2 d’océan Pacifique puisse faire entendre sa voix, pour avoir droit au chapitre et faire évoluer positivement ses droits sur cette ressource. Lors de la dernière réunion de la Commission régionale de la pêche, la WCPFC (Western and central Pacific fisheries commission), il a été notamment annoncé que le Pacifique sud, bénéficierait d’un quota de 80 000 tonnes par an sur la pêche. «Il va falloir défendre notre part sur cette ressource. J’espère que nous pourrons obtenir 10 000 tonnes» expliquait Temauri Foster, le ministre de la pêche.

Quant à la S3P, la société d’économie mixte du port de pêche de Papeete va devoir évoluer
. Créée officiellement en 1994, elle n’a, en fait, réellement assuré son existence que depuis six ans environ. «Même si elle a 18 ans d’existence, durant 15 ans, cela n’a été qu’une coquille vide, un bateau fantôme dans le port de pêche» expliquait Eleanor Parker. La représentante de Te Mana O Te Mau Motu explique par ailleurs, qu’en dépit des recommandations du rapport Bolliet, puis de la Chambre territoriale des comptes, qui suggéraient une dissolution de la S3P, c’est la solution inverse qui a été mise en place. «Avons-nous eu raison d’aller à l’encontre de ces recommandations ?» s’interroge l’élue des Îles du Vent, qui pointe du doigt, l’augmentation des frais de personnel depuis que la Sem a repris à son compte des missions assurées précédemment par la Chambre de commerce ou le port autonome. «Une telle situation mène tôt ou tard à un déficit d’exploitation» prévient l’élue qui demande au gouvernement de «donner à cette société les moyens juridiques pour qu’elle puisse bénéficier de recettes pour atteindre un équilibre d’exploitation». Mêmes remarques de la part de Robert Tanseau de To Tatou Ai’a qui a repris à son compte une des conclusions du rapport de la CTC : «l’inertie dont fait preuve l’autorité délégante est incompatible avec le pilotage d’une activité traditionnellement déficitaire qui nécessite des prises de décision univoques et rapides». Car, c’est bien de cela qu’il s’agit. La Sem S3P bien que société privée au regard du droit reste trop dépendante des décisions gouvernementales. Elle attend depuis un an et demi par exemple une revalorisation des tarifs existants, et une valorisation des installations et outillages jusqu’alors demeurés en dehors du champ de la facturation (fournitures d’eau, d’électricité, l’évacuation des déchets, ainsi que les droits d’amarrage. Des décisions approuvées en Conseil d’administration de la société en juin 2011, mais qui n’ont pas encore reçu l’aval du Conseil des ministres.

Effectivement, reconnaît Temauri Foster, «le poids de l’intervention du Pays dans cette société est considérable». Le ministre de la pêche admet que les tarifs du port de pêche seront revalorisés, «mais ce sera insuffisant», car toute la filière de la pêche est «soutenue par le Pays et non par les actionnaires» de la société port de pêche de Papeete. Le ministre rappelle que 23% du capital de la SEM seulement appartient à la Polynésie française, le reste de l’actionnariat est réparti entre le port autonome, la CCISM et des partenaires privés. «Est-ce que c’est juste que ce soit toujours le Pays qui finance les investissements ? Il faudra bien un jour clarifier la situation. Ou bien ils restent partenaires ou bien ils cèdent leurs actions. C’est un objectif que je me fixe».
Les autres pistes de réflexion du gouvernement Temaru au sujet du développement de la pêche sont aussi d’appuyer l’augmentation du nombre de bateaux dédiés à cette activité. Sur une centaine de bateaux de pêche, déjà soutenus il y a quelques années, seuls une soixantaine est aujourd’hui réellement en activité. Mais, selon Temauri Foster «une dizaine d’armateurs a des projets de nouveaux bateaux et ont sollicité le soutien du Pays». Le problème est que pour les thoniers qui ont des campagnes de pêche de plusieurs mois, la main d’œuvre locale ne se bouscule pas. «Si le Polynésien est un excellent pêcheur, il ne faut pas se voiler la face, c’est un pêcheur des côtes. Il ne veut pas voir sa montagne disparaître. Aujourd’hui, les armateurs ont de plus en plus de difficulté pour avoir des équipages de longue durée». Aussi le ministre posait la question d’une éventuelle ouverture de l’entrée de main d’œuvre étrangère à ce sujet. «Il faut y réfléchir et prendre des décisions». Surdimensionné, le port de pêche de Papeete ne traite que 6 000 tonnes de poisson par an, quand ses installations ont été construites pour en traiter cinq fois plus. Quinze ans plus tard, la possibilité d’une meilleure rentabilité de cet outil en est toujours au stade de la réflexion, quand bien même le gouvernement actuel affiche ce secteur comme l’une de ses priorités.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 29 Octobre 2012 à 14:07 | Lu 1054 fois