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La Sem Port de pêche structurellement déficitaire


La Sem Port de pêche structurellement déficitaire
La Chambre territoriale des comptes (CTC) de Polynésie française a publié le jeudi 20 septembre son rapport d’observations définitives sur la SEM «société du Port de pêche de Papeete (S3P)» concernant les années 2005 à 2011. Il en ressort principalement que l’équilibre financier de cette société d’économie mixte est difficile à trouver et ce, depuis sa création en 1994. Aussi la Chambre territoriale s’interroge sur le choix de déléguer ces activités au secteur privé et propose un éventuel retour à un système de régie publique, qui pourrait être subventionnée.

Dans ses premières années d’existence, la S3P véritable «coquille vide» a sous-traité la quasi-totalité de ses activités à l’un de ses actionnaires principaux, la CCISM. «Chargée de l’exploitation, puis de la concession du Port de pêche, la CCISM a supporté, à ce titre, des pertes importantes, découlant des conditions d’exploitation qui lui étaient peu favorables. Au total, la CCISM a supporté des pertes supérieures à 300 millions de Fcfp sur la durée de son exploitation, entre 1995 et 2009» précise le rapport d’observations de la CTC. En novembre 2009, alors que l’on pouvait s’attendre à une dissolution de cette Sem inutile, une décision du Pays remet entre les mains de la S3P «l’exploitation du marché d’intérêt territorial des produits de la mer du port de pêche de Papeete». Au début de l’année 2011, le port autonome fait de même en lui délégant les activités portuaires, telles que l’amarrage et la vente de certaines prestations aux bateaux, dans le périmètre du port de pêche. Les charges financières de la société s’alourdissent immédiatement : alors que les charges salariales n’étaient que 9,2 millions de Fcfp en 2009, elles passent à 57,7 millions de Fcfp en 2010.

Pour faire face aux difficultés financières, «au cours des exercices 2010 et 2011, l’assemblée générale de la S3P a pris plusieurs décisions d’ordre comptable et financier, visant à mettre à jour et à régler certaines situations pendantes. Toutefois, ces initiatives mettent largement à contribution la collectivité de la Polynésie française dont la S3P ne parvient pas à s’autonomiser». Pour faire face à de vieilles dettes accumulées et assurer plus de trésorerie à la société, la seule véritable solution envisagée dès la fin de l’année 2010 par l’assemblée générale de la Sem est de doubler son capital. Une solution qui aurait pour conséquence de renforcer encore la position de la collectivité territoriale de la Polynésie française dans le capital. Le Pays disposerait alors de 62% des actions de la Sem S3P.

Pourquoi la S3P est structurellement déficitaire ?
Tout d’abord la Chambre territoriale des comptes note que «les principes de tarification retenus dans le cadre de la convention ne paraissent pas pertinents. L’attribution de la délégation ne s’est pas faite sur des critères économiques (…) Le montage retenu par l’autorité délégante n’a pas cherché à déterminer quelles étaient les conditions nécessaires à l’atteinte de la rentabilité des activités». Au contraire, il n’y pas eu de vérification de la viabilité du projet. Pire encore, la S3P qui gère les installations du port de pêche, par délégation, n’est pas libre pour fixer les prix qui pourraient lui assurer sa rentabilité : «le mode de fixation des tarifs relève d’un grand dirigisme, et ignore la réalité des prix de revient, comme celle du fonctionnement du marché. Les tarifs sont arrêtés en conseil des ministres (…) Il est cependant remarquable de constater que les bases de départ de cette tarification n’ont donné lieu à aucune évaluation». Dans ces conditions la S3P est légitimement fondée à réclamer des compensations financières et la CTC pose directement la question : «le choix reste à faire entre une gestion publique, permettant le cas échéant le versement de subventions, et une gestion privée dans laquelle le délégataire exploite à ses risques et périls».

En attendant pour tenter de trouver son équilibre financier, le conseil d’administration de la S3P a approuvé, en juin 2011, à l’unanimité, une augmentation des tarifs existants, et une valorisation des installations et outillages jusqu’alors demeurés en dehors du champ de la facturation (fournitures d’eau, d’électricité, l’évacuation des déchets, ainsi que les droits d’amarrage). Mais là encore, ces décisions tarifaires doivent être approuvées en Conseil des ministres, ce qui n’a pas encore été fait : «l’inertie dont fait preuve l’autorité délégante est incompatible avec le pilotage d’une activité traditionnellement déficitaire qui nécessite des prises de décision univoques et rapides» analyse la CTC. En 2011, la S3P a présenté des comptes d’exploitation déficitaires : 12,5 millions de Fcfp «les recettes arrêtées au niveau actuel sont structurellement insuffisantes pour financer l’ensemble des charges exposées par la structure».


pfr201211.pdf PFR201211.pdf  (2.16 Mo)

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 21 Septembre 2012 à 11:06 | Lu 1291 fois