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L'économie bleue en chiffres : une filière qui pèse lourd


Le Cluster maritime de la Polynésie française a lancé ce mardi sa dixième édition du forum de l’économie bleue, consacrée cette année à l'attractivité des métiers de la mer.
Le Cluster maritime de la Polynésie française a lancé ce mardi sa dixième édition du forum de l’économie bleue, consacrée cette année à l'attractivité des métiers de la mer.
Tahiti, le 14 octobre 2025 – Quatre-vingt-quatre milliards de francs de chiffre d'affaires en 2024. C'est le résultat majeur du baromètre annuel présenté ce mardi matin à l'ouverture du dixième forum de l'économie bleue organisé par le Cluster maritime. Une progression de 33 % en comparaison avec 2019. En dix ans, depuis 2014, la machine s'est accélérée : l'économie bleue représente désormais plus de 7 % du chiffre d'affaires global des entreprises et administrations polynésiennes et génère 81 % des exportations et des ressources propres du territoire.
 
Le Port autonome de Papeete a traité 1,4 million de tonnes de marchandises en 2024, soit une hausse de 3,4 % par rapport à 2023. Ce flux, dont 70 % sont à destination internationale, soutient l'approvisionnement des 78 îles et atolls desservis. Mais les chiffres masquent une inquiétude : l'âge moyen de la flotte atteint 27,5 ans. Un autre signal d'alerte retient aussi l'attention : le fret de matériaux de construction vers les îles a chuté de près de 30 % en 2024. “Cela peut s'expliquer par les changements de consommation des gens. De plus en plus de personnes font des maisons-containers, donc sans importer des matériaux de construction”, indiquait ce mardi Moetai Brotherson, lors de l’ouverture du dixième forum de l’économie bleue. 
 
Pêche : la filière “exemplaire”
 
8 790 tonnes en 2024. C'est la production des 82 palangriers polynésiens – des petits navires pour la plupart, 72 % mesurant moins de 20 mètres. Une légère progression par rapport à 2023, mais la filière plafonne. Même si l'export apporte plus de 2,2 milliards de francs, le prix moyen au kilo baisse tendanciellement à l'export. Résultat, même si le volume progresse légèrement, les revenus stagnent. 
 
La production de la pêche côtière, composée de 320 poti mārara et 24 bonitiers, est estimée à 2 404 tonnes en 2024. La pêche lagonaire produit 7 000 tonnes consommées intégralement localement. Ensemble, elles renforcent l'autonomie alimentaire du territoire. La filière pêche est 100 % intégrée localement grâce à la construction navale sur place, la formation polynésienne, le label MSC depuis 2018 (certification durable) et la transformation locale en progression. Et 80 % de la production se consomment ici – autant de poissons qu'on n'importe pas de l'étranger.
 
Perliculture et aquaculture : la dynamique relancée 
 
6,5 millions de perles ont été produites en 2024. C'est 30 % de moins qu'en 2023, année exceptionnelle et donc difficilement représentative. Retour à la normale, donc, en 2024 avec 7,3 milliards de francs en export. L'aquaculture grimpe modestement : 116 tonnes de crevettes en 2024. Il s'agit d'une hausse de 33 % après le creux de 2023, où l'écloserie a connu des déboires, causant une chute spectaculaire de la production. “Les travaux continuent sur le pôle de Faratea, donc on espère que cela va relancer et consolider la dynamique de développement de l'aquaculture”, souligne Stéphane Renard, coordinateur du Cluster maritime. 
 
 Tourisme maritime : leader régional
 
Là où la Polynésie est exemplaire : le tourisme nautique et maritime. Plus de 1 000 escales de paquebots par an. Vingt-cinq marques mondiales de croisière choisissent le Fenua. La particularité locale ? 89 % des navires embarquent moins de 600 passagers. Quant aux retombées, l'industrie de la croisière représente plus de 20 milliards de francs mais aussi un milliard de francs qui sont dépensés par les touristes, ce qui représente, dans l'ensemble, 20 % des retombées touristiques globales de la Polynésie française. Le charter nautique ajoute 2,5 à 3 milliards de francs de recettes. 
 
L'enjeu n'est plus de prouver l'importance du secteur, car les chiffres parlent d’eux-mêmes. C'est de le moderniser, le stabiliser et le rendre attractif pour les jeunes. Ainsi, le Pays apporte une partie de la réponse avec les 26 milliards de francs d'investissements en modernisation portuaire, étalés sur dix ans.
 

La formation maritime en transformation 
 
La dixième édition du forum de l'économie bleue a martelé un message : sans les hommes et les femmes formés, pas d'avenir pour l'économie bleue. Ainsi, Campus des métiers et des qualifications de la mer (CMQ Mer) a obtenu récemment sa labellisation. Certes, ce n'est pas un lycée maritime, qui, pour le président du Pays, “n'est peut-être pas la solution”, mais un pôle de qualification qui, selon lui, “va permettre de recueillir les besoins réels des entreprises. Cela ne sert à rien de former des gens si, derrière, ils ne trouvent pas de boulot”. Par ailleurs, un baccalauréat professionnel polyvalent pont-machine sera proposé à partir de 2026 au lycée agricole d'Opunohu.
 
De plus, grâce au partenariat entre l'École nationale supérieure maritime (ENSM) et le Centre des métiers de la mer de Polynésie française, des formations de capitaines illimitées pourront être dispensées localement. 
 
Enfin, le président Brotherson souhaite implanter localement une antenne de l'Université des Nations unies spécialisée sur les océans, dont l'Assemblée nationale a voté en avril la création d'un campus à Brest. 
 
Quant à la reconnaissance internationale du brevet maritime pêche, Moetai Brotherson est catégorique : “La vocation de la Polynésie n'est pas de former des Polynésiens pour qu'ils aillent travailler en dehors de la Polynésie. Notre besoin, c'est de former des Polynésiens qui travaillent en Polynésie.” 
 

Moetai Brotherson: “Le baromètre montre des fissures qu'il faut examiner”
 
Que retenez-vous des chiffres du baromètre ?
 
“Je retiens des chiffres positifs dans la globalité. Mais il y a des signaux qu'il faut examiner – des petites baisses sur l'exportation de matériaux de construction dans les îles, par exemple. Il y a aussi des signaux à surveiller sur la perliculture, sur l'aquaculture. En 2023, il y a eu un problème au niveau de l'écloserie qui a provoqué une chute spectaculaire de la production. La question d'une deuxième écloserie se pose. Tout ça, ce sont des questions qu'il nous faut examiner, à l'aune du développement de la zone biomarine de Faratea.”
 
Vous parlez beaucoup d'exporter le modèle polynésien de pêche. Ça marche ?
 
“Oui, ça commence à prendre. Il y a toujours cet enjeu d'essayer d'exporter un modèle polynésien de pêche, où on n'offre pas des licences par centaines à des armements. Regardez la comparaison : nous, on pêche 8 700 tonnes de thonidés cette année. Aux îles Cook, ce sont 30 000 tonnes. Beaucoup plus que chez nous. Mais la valeur économique qui revient aux habitants des Cook est moindre que celle que l'on a chez nous. Pourquoi ? Parce que toute notre filière pêche est polynésienne. Aux îles Cook, ils ont octroyé les droits de pêche à des armements étrangers. Ils reçoivent simplement des royalties en fin de saison. Ils commencent à se rendre compte de cette différence.”
 
Le thème central de cette édition du forum, c'est la formation. Êtes-vous satisfait de la vitesse à laquelle ces changements avancent ? 
 
Non, ça ne va pas assez vite, évidemment. Mais quand on navigue, on ne change pas le sens du vent ni le sens du courant – on ajuste les voiles. Ici, on a le CMQ qui se met en place, le pack pro-maritime polyvalent, les partenariats avec l'ENSM pour les formations de capitaines illimitées. Ça s'accélère.”
 

Rédigé par Darianna Myszka le Mardi 14 Octobre 2025 à 16:11 | Lu 1620 fois