Tahiti Infos

Crématorium en Polynésie, c’est pour bientôt ?


Avec environ 1.800 décès enregistrés chaque année en Polynésie, dont 300 à 350 crémations réalisées à l’étranger, le potentiel existe. ©AFP
Avec environ 1.800 décès enregistrés chaque année en Polynésie, dont 300 à 350 crémations réalisées à l’étranger, le potentiel existe. ©AFP
Tahiti, le 20 août 2025- Nombreux sont ceux, maires et agents municipaux, qui évoquent aujourd’hui l’idée – encore lointaine mais de plus en plus discutée – de créer à Tahiti un crématorium pour soulager la pression croissante sur les cimetières. Mais est-ce culturellement acceptable ? Financièrement viable ? Et surtout, existe-t-il déjà de véritables projets en cours ?
 
Depuis 2021, la compétence de créer un crématorium a été transférée aux communes. Mais toute construction reste soumise à l’autorisation du haut-commissaire, après enquête publique, étude environnementale et avis sanitaire. En 2023, un arrêté du conseil des ministres a fixé les prescriptions techniques applicables à ce type d’installation. Pourtant, à ce jour, “aucune demande officielle n’a été déposée”, confirme le haut-commissariat à Tahiti Infos.
 
Une question culturelle et religieuse sensible
 
L’idée n’est pas nouvelle. En 2021, l’homme d’affaires Dominique Auroy avait proposé d’implanter un crématorium à Papenoo. Mais le projet avait provoqué une levée de boucliers. Jugé “contraire aux mœurs” et même “antiécologique” par ses détracteurs, il avait été abandonné après une consultation publique houleuse. “Personne ne veut d’un crématorium chez soi”, admet le tāvana de Hitiaa o Te Ra, Henri Flohr.
 
La crémation reste marginale en Polynésie. Longtemps considérée comme incompatible avec les croyances chrétiennes, elle gagne pourtant du terrain, certaines églises l’ayant désormais validée. Mais les réticences demeurent. “Quand on demande aux familles, beaucoup disent oui en principe, mais si on leur demande pour eux-mêmes ou leurs proches, ils répondent non”, observe Alexandre Bernier, responsable du cimetière de l’Uranie de Papeete. 
 
Punaauia, la commune la plus avancée
 
À Punaauia, le maire Simplicio Lissant assume : sa commune a réservé un terrain de plus de 1.000 m² dans l’extension du cimetière de Vaitavere pour accueillir un futur crématorium. “Les mentalités évoluent, comme pour les enfeus. Il faut offrir une palette de possibilités : pleine terre, caveaux, enfeus, ossuaire… et demain, la crémation”, explique-t-il. Selon ses estimations, le coût d’une incinération locale serait compris entre 200 000 et 300 000 francs, contre près d’un million pour un transfert vers la Nouvelle-Zélande ou la Californie. “Ce serait un service à moindre coût pour les familles, et une solution durable pour économiser des concessions”, insiste le tāvana. La commune envisage un partenariat public-privé et espère pouvoir lancer le chantier à l’horizon 2026-2027.
 
La commune de Pirae a, elle aussi, réservé du foncier dans son vaste projet d’extension de cimetière. “Nous avons déjà eu des contacts avec des investisseurs intéressés”, confirme sa direction générale des services. Des élus se sont même rendus en métropole pour visiter des crématoriums et s’inspirer des modèles existants. 
 
Un enjeu financier et logistique
 
Avec environ 1.800 décès enregistrés chaque année en Polynésie, dont 300 à 350 crémations réalisées à l’étranger, le potentiel existe. Mais la viabilité économique reste un enjeu. “À Tahiti, il y a de la place pour un, peut-être deux crématoriums. Pas plus”, estime le maire de Punaauia. Le coût des installations est évalué à plusieurs centaines de millions de francs. “C’est trop lourd pour une seule commune. Il faudra forcément mutualiser”, estime Alexandre Bernier. L’intercommunalité apparaît comme la solution la plus réaliste pour porter un tel projet.
 
Malgré les freins, beaucoup estiment que la crémation finira par s’imposer. “C’est une question de temps. Les générations évoluent, les mentalités aussi”, veut croire Simplicio Lissant. Dans une île où le foncier est rare et où les cimetières débordent, le crématorium n’est plus seulement une option, mais une alternative qui s’avère de plus en plus nécessaire.
 

Rédigé par Darianna Myszka le Mercredi 20 Août 2025 à 18:15 | Lu 4742 fois