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Brotherson temporise la résolution Temaru


Tahiti, le 4 décembre 2025 - À la veille de l’examen en commission des institutions d’une nouvelle proposition de résolution portée par Oscar Temaru, le président du Pays Moetai Brotherson joue l’équilibriste. S’il souligne le caractère “symbolique et éminemment politique” du texte visant à proclamer la souveraineté du peuple polynésien sur ses ressources naturelles, il tempère aussitôt son propos : cette résolution n’a “aucune portée juridique” et ne remet pas en cause sa ligne ferme contre l’exploitation des fonds marins.
 
 
Mercredi, Oscar Temaru a déposé une proposition de résolution visant à proclamer la “souveraineté permanente, inaliénable et imprescriptible” du peuple polynésien sur l’ensemble de ses ressources – terrestres, marines, lagonaires, aériennes, et jusqu’aux sous-sols de la zone économique exclusive (ZEE). Une formulation maximaliste, habituelle chez le leader du Tavini, qui s’appuie une nouvelle fois sur les résolutions des Nations Unies relatives au droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles.
 
Un symbole politique plus qu’un acte normatif
 
Interrogé ce jeudi matin par Tahiti Infos, Moetai Brotherson qui dit avoir pris connaissance du document le matin même, a réagi avec philosophie, ne souhaitant pas alimenter la polémique. “La résolution ne parle pas d’aller exploiter les ressources, elle réaffirme simplement notre souveraineté. Elle n’a aucune portée juridique, ni constitutionnelle”, dit-il, avant d’ajouter : “C’est un acte symbolique, c’est politique, éminemment politique”. Rappelons en effet que contrairement aux lois du Pays ou aux délibérations, les résolutions sont dépourvues de valeur législative. Elles servent surtout à ouvrir le débat et à porter un message politique.
 
Le président du Pays insiste également sur le fonctionnement institutionnel et il n’est pas question pour lui de brandir une quelconque opposition frontale. “L’assemblée est souveraine, donc il n’y a pas de droit de veto. Je peux exprimer mon opinion lors des comités de majorité qui, la plupart du temps précèdent les sessions, mais sur cette résolution-ci, je n’ai pas d’opposition de principe”, a-t-il martelé. Une façon aussi de préserver l’unité de la majorité Tavini sans renoncer à sa ligne rouge : pas d’exploitation des grands fonds marins.
 
Brotherson minimise les divergences internes
 
Si cette exploitation des fonds marins censée rendre “milliardaire” chaque Polynésien est le “dada” d’Oscar Temaru, il fait aussi mention des “ressources aériennes” cette fois. De quoi laisser perplexe. Mais le président du Pays explique qu’il “s’agit des droits de passage dans l’espace aérien, ou encore de satellites. Des questions gérées au niveau international”, ajoutant non sans une pointe d’ironie, qu’”il n’y a pas de minerai dans le ciel, pas à ma connaissance en tout cas”.
 
Les prises de position répétées d’Oscar Temaru en faveur de l’exploitation minière, à rebours de celles du président du Pays, nourrissent régulièrement les interrogations sur une division au sein du Tavini. Mais Moetai Brotherson temporise encore une fois et rejette l’idée d’un bras de fer. “Sur le contenu de cette résolution, il n’y a pas de contradiction entre la philosophie du gouvernement et celle du Tavini. Il y a surtout une démarche vis-à-vis des Nations Unies. Cette résolution sera citée aux prochaines interventions du Tavini Huira’atira à l’ONU. C’est une pièce supplémentaire dans la stratégie engagée depuis la réinscription de 2013 où on demande à l’État de venir à la table des discussions.” Une manière subtile de désamorcer ce qu’il pourrait considérer comme une attaque de la part du chef de sa majorité à Tarahoi.
 
Un amendement clé déposé par Hinamoeura Morgant-Cross
 
Cette résolution sera examinée ce vendredi en commission des institutions et Hinamoeura Morgant-Cross déposera un amendement. Tout juste exclue du groupe Tavini par Oscar Temaru, et pas franchement en odeur de sainteté auprès de Moetai Brotherson, son amendement va néanmoins dans le sens de la position du président du Pays. Il vise en effet à encadrer strictement toute décision relative à l’exploration ou l’exploitation des ressources minérales des fonds marins en y mettant trois conditions : un référendum préalable auprès de la population, une étude d’impact environnemental indépendante et publique, et un débat suivi d’un vote de l’assemblée.
 
L’élue qui siège désormais sur le banc des non-inscrits, justifie sa démarche par la nécessité de garantir “l’effectivité de la souveraineté du peuple dans un cadre démocratique, transparent et respectueux de l’environnement”, en impliquant les Polynésiens dans ce processus.  
 
Une majorité Tavini à l’épreuve
 
Avec aujourd’hui 37 représentants depuis le départ forcé de Hinamoeura Morgant-Cross, le Tavini dispose toujours d’une large majorité à l’assemblée pour faire adopter la résolution Temaru. Reste à savoir si cet amendement ouvrira une brèche ou au contraire, resserrera les rangs autour d’un compromis. Entre l’ambition indépendantiste d’Oscar Temaru et la prudence institutionnelle de Moetai Brotherson, la majorité navigue à vue pour préserver à la fois unité politique et cohérence stratégique. Un fragile équilibre qui sera donc débattu en commission ce vendredi avant un débat en séance plénière. La prochaine étant prévue ce lundi.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 4 Décembre 2025 à 14:30 | Lu 351 fois