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​Thaïlande : les manifestants pro-démocratie ciblent la fortune royale


Photo : Photo by Lillian SUWANRUMPHA / AFP) AFP.
Photo : Photo by Lillian SUWANRUMPHA / AFP) AFP.
Bangkok, Thaïlande, mercredi 25 novembre 2020 - Plusieurs milliers de manifestants pro-démocratie thaïlandais ont demandé mercredi au roi d'abandonner son contrôle sur la fortune royale, évaluée à plusieurs dizaines de milliards de dollars, défiant les menaces de poursuites pour lèse-majesté brandies à l'encontre de plusieurs leaders du mouvement.

Douze de ses têtes d'affiche ont été convoquées par la police et risquent d'être mises en examen pour ce crime passible de 15 ans de prison, en vertu d'une loi qui n'avait plus été utilisée depuis près de trois ans.

Malgré les menaces judiciaires, des milliers de personnes sont descendues une nouvelle fois dans la rue, beaucoup arborant des petits canards en plastique jaune, symbole de la contestation.

Le lèse-majesté "ne va pas nous arrêter. Nous manifesterons jusqu'à ce qu'on obtienne gain de cause", a assuré à l'AFP Pi, une boulangère de 34 ans, avant que la foule ne se disperse dans le calme. 

Les protestataires demandent la démission du Premier ministre, le général Prayut Chan-O-Cha, au pouvoir depuis le coup d’État de 2014, une réécriture de la Constitution jugée trop favorable à l'armée ainsi qu'une réforme de la royauté avec notamment une plus grande transparence des finances royales.

Le roi Maha Vajiralongkorn doit céder le contrôle sur "chaque centime, chaque bath" de son immense fortune, "la réforme de la nation a commencé que vous le croyez ou non", ont lancé des leaders du mouvement dans des discours très virulents envers la monarchie. 
Ils avaient initialement prévu de marcher vers le Crown property bureau (CPB), qui gère la fortune royale.

Mais, pour éviter d'éventuels affrontements avec des ultra-royalistes qui voulaient également se réunir près du site, ils avaient finalement décidé de se rassembler devant les bureaux de la Siam Commercial Bank (SCB), première banque du pays, dont Maha Vajiralongkorn est devenu à titre personnel le premier actionnaire (23,53%).

Dizaines de milliards de dollars

Peu après son accession au trône, il s'est en effet fait transférer des parts de la SCB, détenues auparavant par le CPB. 

Il a aussi fait adopter une loi lui donnant un pouvoir total sur cette structure. Auparavant, le ministre des Finances siégeait au conseil, assurant un semblant de contrôle de la part du gouvernement. 

BTP, banque, chimie, assurances, immobilier : le CPB n’est pas tenu de publier ses chiffres, mais les analystes estiment qu’il administre entre 30 et 60 milliards de dollars d'actifs, ce qui fait de la monarchie thaïlandaise l’une des plus riches du monde.

"Nous ne savons pas comment tout cela est géré, comment le roi utilise ces fonds", a déploré Gail, consultant à Bangkok, estimant qu'il devrait vivre "très modestement" dans un pays frappé de plein fouet par la crise économique liée à la pandémie.

Après plus de quatre mois de rassemblements, la tension monte en Thaïlande.
La semaine dernière, la police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes contre des protestataires et six personnes ont été blessées par des tirs dont l'origine reste indéterminée.

La riposte des autorités intervient aussi sur le front judiciaire. Selon l'association des avocats thaïlandais de défense des droits humains, au moins 174 personnes ont été mises en examen, dont au moins 46 sont poursuivies pour "sédition", un crime passible de sept ans de prison.

Nous soutenons "le droit des personnes à manifester pacifiquement, mais nous sommes de plus en plus préoccupés par les tentatives de saper l’état de droit", a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Anucha Burapachaisri, avertissant que toutes les lois seraient appliquées.

Plusieurs dizaines d'ONG ont fait entendre leur voix pour protester contre le traitement de cette crise inédite dans le royaume où la monarchie a longtemps été un sujet totalement tabou.

"Personne ne devrait être arrêté ou emprisonné simplement pour avoir critiqué des responsables ou un régime politiques", a réagi l'avocate libano-britannique des droits humains Amal Clooney.

Monté sur le trône en 2016, Rama X est une personnalité imprévisible et controversée, dont les très fréquents séjours en Allemagne ont soulevé des interrogations. 
De retour en Thaïlande depuis plusieurs semaines, il multiplie les messages d'"amour" aux Thaïlandais.  

Rédigé par par Sophie DEVILLER et Lisa MARTIN (AFP) le Mercredi 25 Novembre 2020 à 09:40 | Lu 823 fois