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​Souveraineté : Flosse souhaite se "mettre d’accord" avec le Tavini


PAPEETE, 20 novembre 2018 - Gaston Flosse demande à la ministre des Outre-mer de mettre un terme aux travaux de toilettage du statut d’autonomie. Le leader orange promeut un statut offrant plus de souveraineté à la Polynésie et l’organisation à terme d’un scrutin d’autodétermination.
 
La question serait : "Voulez-vous que le Polynésie française accède à la pleine souveraineté en association avec la France ?" Pour le leader du Tahoera’a Huiraatira, ce référendum pourrait être organisé entre 2025 et 2030. En attendant, la Polynésie française bénéficierait dès 2019 d’un statut de Pays associé à la France et disposerait de 5 ans pour négocier avec l’Etat des accords lui donnant plus de compétences, notamment dans le champ régalien, avant l’organisation de la consultation par référendum. Le projet ne manque pas d'ambition. Mais encore faut-il au Vieux Lion disposer de relais d'influence à Paris pour faire entendre ce projet au plus haut niveau de l'Etat. Il assure les avoir.

Les deux groupes de l’opposition à l’assemblée ont en attendant émis un avis minoritaire défavorable au projet de toilettage du statut d’autonomie qui leur était présenté jeudi 15 novembre, à Tarahoi. Ils se sont manifestés sous couvert de l’article 9-1 de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Les huit élus Tavini dénoncent, dans ce projet de toilettage, la non-prise en compte de la réinscription de la collectivité, en mai 2013, sur la liste onusienne des pays à décoloniser et du processus d’autodétermination auquel il doit donner lieu. Pour les neuf élus Tahoera’a, et leur leader, Gaston Flosse, la perspective d’une douzième modification de la loi organique en 14 ans "appelle un véritable débat de fond sur un nouveau statut d’autonomie" avec des compétences élargies au champ régalien. C’est le statut de Pays associé, dans un premier temps, puis l’accession à plus de souveraineté jusqu’à la consultation référendaire souhaitée en 2026-2030.

Le leader orange a adressé un courrier à la ministre des Outre-mer, mardi, pour lui demander de cesser les travaux engagés depuis 2014 dans le cadre du toilettage du statut d’autonomie, alors que l’assemblée a rendu jeudi dernier un avis favorable au projet de loi organique qui lui était présenté, par 40 voix sur 57 représentants.

Minorité majoritaire

Mais pour président du Tahoera’a Huiraatira, comme pour les élus indépendantistes, avec 68 969 voix exprimées soit en faveur de son parti, soit du Tavini Huiraatira, la majorité populaire est avec eux, lors des Territoriales de mai dernier, à 2200 voix devant la liste Tapura Huiraatira conduite par Edouard Fritch. Pour Gaston Flosse, comme pour le Tavini Huiraatira, ce constat est suffisant pour palier l’apparent déficit de légitimité dont pourrait souffrir leur position défavorable au projet de toilettage statutaire, à 40 contre 17.

Ce germe d'entente montre au fond que, dans l’adversité, Tahoera‘a Huiraatira et Tavini Huiraatira sont enclins à faire fi de leurs oppositions de façade et tomber d'accord sur un avenir institutionnel à défendre de concert pour la collectivité.

Restera ensuite à s'entendre sur la portée sémantique du terme "souveraineté". Pour le Vieux Lion, dictionnaire à l'appui, "la souveraineté n'est pas l'indépendance". Mais cette affirmation est très discutable. Et le moment venu, le principe de souveraineté, quel qu'il soit, pourrait bien sceller l’union politique Tavini-Tahoera'a avortée aux dernières élections territoriales. Une telle perspective offre aux deux partis l'opportunité d’une ligne de communication claire et facile à promouvoir auprès de leurs électeurs. Mais le chemin est encore long jusqu’en 2023.

Quatre questions à Gaston Flosse

Vous avez adressé un courrier, le 20 novembre, à la ministre des Outre-mer. Que lui demandez-vous ?
Je lui demande d’arrêter les travaux sur la modification de la loi de février 2004, puisque la majorité que nous représentons, le Tahoera’a Huiraatira et le Tavini Huiraatira, c’est-à-dire 50,78 %, s’est prononcée contre ce toilettage. (…)
 
En mai dernier vous n’avez pas obtenu la majorité à l’assemblée de la Polynésie française. Qu’est-ce qui vous laisse croire aujourd’hui que vous serez entendu à Paris ?
Ce sont les résultats. M. Fritch dit « Nous avons la majorité et les Polynésiens sont contre la souveraineté et l’indépendance ». Mais c’est faux. Il n’a pas la majorité. Les deux partis cumulés : je ne dis pas moi, Tahoera’a Huiraatira, seul. Je dis que le Tavini Huiraatira et le Tahoera’a Huiraatira cumulés, nous faisons 50,78 %. Bon, c’est vrai que l’écart est faible. Mais nous avons la majorité.
 
Vous pensez que vous serez entendu à Paris ?
Ah, j’espère qu’ils nous entendront. Faut-il que le pays soit dans la même situation que la Nouvelle-Calédonie, en 1985-88 ? Faut-il qu’il y ait une guerre civile pratiquement ? Nous sommes contre tout cela. Nous voulons agir dans la négociation. Mais à condition bien évidemment que la France nous entende.
 
Etes-vous prêt à faire cause commune avec le Tavini sur cette question-là ?
Ah oui, sur l’intérêt de la Polynésie… L’intérêt de la Polynésie c’est d’aller vers un autre statut d’autonomie, aujourd’hui. (…) Moi je propose, le Tahoera’a propose la souveraineté. Peut-être eux, un autre statut. Nous essaierons de nous mettre d’accord. (…) On ne va pas vivre éternellement avec l’autonomie. Il faudra bien qu’un jour nous passions à autre chose. Lorsque le président Macron dit : "Nous voulons être pleinement responsables de notre destin." Et pour nous, Polynésiens, qui sera responsable ? Qui va décider pour nous ? Qui va décider pour notre avenir ? Nous aimerions que ce soit nous qui décidions pour nos enfants.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 20 Novembre 2018 à 15:39 | Lu 2517 fois