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​Les armateurs ne veulent pas rester à quai


Tahiti, le 2 avril 2020 - S'il n'est pas au point mort, le secteur du transport maritime, qui emploie localement près de 900 personnes, est cependant en proie à une réduction d'activité. Les armateurs ont rencontré le gouvernement pour évoquer les conséquences de cette baisse et demander un allégement de leurs charges pour faire face à la crise actuelle et maintenir les dessertes.
 
A l'instar d'autres secteurs d'activité impactés par la crise sanitaire et économique du Covid-19, les armateurs ont souhaité faire part de leurs préoccupations au gouvernement et des difficultés de gestion rencontrées par les entreprises de transport maritime. Un appel à l'aide avait été adressé, selon Ethode Rey, à la Direction polynésienne des affaires maritimes (DPAM) il y a une dizaine de jours. Une bouteille à la mer qui a fini par atteindre les côtes et arriver sur le bureau du ministre en charge des transports interinsulaires, Jean-Christophe Bouissou.
 
Fret en baisse mais charges identiques
 
Une réunion s'est donc tenue à la présidence hier pour évoquer la fragilité du secteur en cette période de crise. Les conséquences de l'épidémie se manifestent surtout dans la baisse des volumes transportées alors que les armateurs doivent maintenir leurs effectifs pour réaliser le transport et supporter une facture de carburant inchangée. Cette baisse du fret est de toute évidence liée tout à la fois à la réduction de la consommation en période de confinement, à l'adaptation des comportements alimentaires mais également à la chute de l'activité économique dans les iles notamment touristique. Si la réduction d’activité est tangible, avec par exemple moins de matériaux de construction et de carburant livrés, la nécessité d’approvisionner les îles éloignées en denrées alimentaires et de maintenir ce lien vital avec les archipels continue à garantir un relatif remplissage des navires. Un trafic cependant jugé insuffisant par les armateurs qui, s'il ne nécessite pas pour l'instant de remettre en cause le maintien des dessertes, conduit à chercher des pistes pour réduire les charges supportées par les transporteurs et les maintenir au-dessus de la ligne de flottaison.
 
10 Fcfp de moins par litre de carburant
 
La rencontre qui s’est tenue entre les armateurs et les ministres Jean-Christophe Bouissou et René Temeharo a ainsi permis d'évoquer ces problèmes de volumes et de charges. Sur ces deux points, Bouissou a ainsi partagé le constat fait par les armateurs, “il s'agit aujourd'hui de redonner du volume sur le fret transporté et de voir des baisses de charges, et le carburant représente un poste de charges important dans les comptes d'exploitation”. Un double constat qui amène le ministre à orienter l'action gouvernementale à venir sur plusieurs points. Sur la question des volumes, Bouissou a ainsi évoqué l'augmentation des constructions des fare OPH dans les îles en sollicitant la main-d'œuvre locale pour les sortir de terre ainsi que la hausse des envois de matériaux de construction dans les archipels. Ces acheminements devraient ainsi participer à combler en partie les volumes manquant dans les soutes. Autre point de revendication, la baisse de la facture carburant des compagnies maritimes. Celles-ci ont ainsi mis en avant l'importance de ce poste de dépenses sur lequel le Pays peut faire un petit geste en prenant en compte la baisse actuelle des cours mondiaux du pétrole.  Une demande de baisse de 10 Fcfp le litre aurait été exprimée. Elle nécessitera notamment un examen plus attentif avec notamment l'équilibre du Fonds de Régulation du Prix des Hydrocarbures (FRPH) à maintenir.
 
Maintenir les dessertes
 
Si la réduction de certaines charges supportées au Port autonome a également été abordée, ce n'est pas le cas d'une éventuelle modification de la grille tarifaire de transport de fret. Les tarifs de transport sont en effet réglementés par le conseil des ministres mais ne devraient donc pas être revus à la hausse pour résoudre les problèmes financiers des compagnies maritimes. Un ensemble de mesures qui seront donc étudiées dans les prochaines par le gouvernement en vue de maintenir ce lien essentiel entre les archipels et assurer la pérennité des entreprises. “Aujourd'hui, il y a l'arrêt de la desserte aérienne, demain il ne faudrait pas que nous ayons un arrêt de la desserte maritime”, confirme Jean-Christophe Bouissou.

Jean-Christophe Bouissou : “L'allègement du coût du carburant pourrait aider fortement les armateurs”

Les armateurs parlent d'une baisse d'activité et d'une exploitation des dessertes de plus en plus difficile ?

“On sent globalement une baisse des volumes importés au niveau des iles. Il y a une évolution des comportements alimentaires, les gens consomment moins, ils font de l'autosubsistance dans les îles, ce qui amène moins de consommation dans les magasins. Cette baisse du volume de fret va amener un déséquilibre sur les comptes d'exploitation de ces navires. Les effectifs au niveau des navires sont maintenus pour assurer les rotations. La question sur l'allègement du coût du carburant pourrait aider fortement les armateurs pour pouvoir rééquilibrer rapidement leurs comptes, en sachant que cet allégement doit pouvoir différencier les archipels éloignés des îles Sous-le-Vent ou de Moorea."
 
Un assouplissement des obligations des armateurs est-il prévu ?

“Nous allons nous adapter en fonction des possibilités de desserte des iles et en fonction des volumes qui seront transportés. On ne va pas demander à un bateau de partir dans les îles lorsqu'il n'y a pas de fret. Cela serait un non-sens. Nous allons donner un assouplissement sur la question de la régularité des dessertes. Ce qui est important pour le gouvernement, c'est que l'ensemble des compagnies maritimes puissent continue à exister.”

​Tutehau Martin : “Nous avons des problèmes de volumes à transporter”

Vous avez demandé un allègement des charges, vous êtes confiants sur la prise en compte de vos demandes ?

“On est maintenant dans l'attente car les décisions doivent être prises en conseil des ministres avec le ministre de l'Economie. Nous avons demandé un allègement des charges. Celles sur lesquelles on peut agir directement sont les charges de carburant. On sait que le prix CAF du carburant a baissé de 8-9 Fcfp depuis un mois, nous avons demandé si l'on pouvait bénéficier de cette baisse qui pourrait être comprise en 9 et 10 Fcfp le litre. Sur les frais que nous supportons au Port autonome, le ministre de l'Equipement nous a parlé d'un allègement de ces charges, que ce soit les frais de quai ou encore les loyers des entrepôts. Ce sont des leviers sur lesquels on peut jouer sans porter préjudice au budget du Pays ou du Port autonome.”
 
Une modification des tarifs du fret a-t-elle été envisagée ?

“Aujourd'hui nous n'avons pas parlé de tarifs, nous avons surtout des problèmes de volume à transporter. Pour ma part, au niveau des îles Sous-le-Vent, on a quand même une baisse de 15 à 20% liée à la chute du tourisme (…) qui provoque une chute du volume transporté. Aujourd'hui, nous transportons les denrées alimentaires, le carburant et un peu de matériaux de construction. Nous avons aussi demandé que les chantiers dans les îles commandés par le Pays soient maintenus ou repris au plus vite.”
 
Compte tenu de la situation, avez-vous évoqué des arrangements entre armateurs pour optimiser les dessertes ?

“On en a discuté aujourd'hui. Peut-être qu'un jour entre armateurs, ce sera plus judicieux d'adapter les volumes en fonction des dessertes, se partager les volumes pour ne pas partir à trois navires avec un taux de remplissage de 20%, ça n'aurait pas de sens. Mais nous n'avons rien décidé de concret. Nous sommes quand même des entreprises différentes avec chacun nos charges. Il faudrait étudier ça de manière plus approfondie.”

Rédigé par Sébastien Petit le Jeudi 2 Avril 2020 à 23:56 | Lu 3929 fois