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​La justice aux Marquises à l’écoute des réalités insulaires


Nuku Hiva, le 11 décembre 2025 - Pour la première fois, Gwenola Joly-Coz, première présidente de la cour d’appel de Papeete, et Frédéric Benet-Chambellan, procureur général, sont en mission aux îles Marquises. Ce déplacement a pour but de découvrir le fonctionnement du tribunal des Marquises, d’adapter la politique pénale à l’archipel, de se rapprocher des réalités et des défis spécifiques auxquels sont confrontés les justiciables des archipels éloignés.

Depuis quelques jours, les Marquises accueillent les deux plus hauts fonctionnaires des services judiciaires de Polynésie française : Gwenola Joly-Coz, première présidente de la cour d’appel de Papeete, et le procureur général Frédéric Benet-Chambellan.
 
Leur déplacement en terre des Hommes – une première pour ces deux magistrats – marque une volonté forte de se rapprocher des justiciables de cet archipel éloigné, souvent confronté à des défis logistiques et juridiques spécifiques.
 
Dès leur arrivée, les deux magistrats se sont plongés dans le fonctionnement du tribunal de Nuku Hiva. Objectif : mieux comprendre les enjeux locaux et les difficultés rencontrées par les justiciables, les professionnels du droit et les acteurs institutionnels.
 
“Je suis, en liaison avec la première présidente, gestionnaire de la cour d’appel et de tout le ressort, a expliqué le procureur général Benet-Chambellan, donc il est important que nous voyions l’ensemble des lieux de justice de Polynésie. C’est la première raison de ce déplacement. La deuxième c’est qu’il est important de voir ce qu’il se passe sur le terrain avec l’ensemble des partenaires de la justice, et enfin il s’agit aussi d’exprimer quelles sont les priorités de la politique pénale en Polynésie, et donc ici aux Marquises, pour le procureur général. Il est vrai qu’aux Marquises on a un certain nombre de priorités qui sont liées notamment aux violences intrafamiliales. Par ailleurs, nous n’avons pas ici les mêmes problèmes de stupéfiants qu’ailleurs en Polynésie, mais c’est quand même très important d’être vigilent et très ferme à cet effet. Pour le moment nous n’avons pas de procédures relatives à l’ice aux Marquises, néanmoins avant même d’en arriver là, il faut rappeler à tous nos concitoyens combien le danger est extrême de toute forme de stupéfiants, y compris le cannabis contrairement à ce que je peux entendre ici ou là.”
 
Cette visite a également été l’occasion de rencontrer l’ensemble des autorités des îles du groupe nord de l’archipel : représentants de l’État et du Pays, maires, gendarmes, gardiens de prison, ainsi que les acteurs de l’éducation, notamment les responsables de l’académie marquisienne et des établissements scolaires publics.
 
Jeudi matin, les deux magistrats ont présidé la cérémonie de remise de la médaille d’honneur des services judiciaires à Pierre Taata. Cet événement empreint d'émotion et de solennité a été l'occasion de mettre en lumière non seulement la qualité du travail accompli, mais aussi l'esprit de service public qui ce greffier marquisien au sein du tribunal de l’archipel depuis sa prise de fonction, il y a 39 ans.
 
D’autres part, les échanges avec Cécile Brunet, la juge des Marquises, et son équipe, puis avec les forces de l’ordre, ont permis d’aborder des sujets concrets : délais de traitement des dossiers, moyens humains et matériels, adaptation des procédures aux réalités insulaires. “Cette justice aux Marquises, précise Gwenola Joly-Coz, n’a rien de classique et tout d’original. Elle est rendue au plus près des citoyens, puisque les Marquisiens et les Marquisiennes ont la chance d’avoir une juge à temps plein installée sur place, une section détachée, une salle d’audience et un greffe, pour pouvoir leur rendre les services dont ils ont besoin en tant que justiciables. Cette justice est originale à tous égards notamment en raison du contentieux foncier et de sa prééminence dans les affaires amenées par les Marquisiens. Nous sentons bien que la question foncière, la question des héritages, celle des lots qu’il faut se répartir à chaque génération est un sujet d’importance majeure et donc nous tentons de rendre efficacement cette justice foncière de façon à pouvoir apaiser les familles et permettre à chacun de poursuivre sa vie.”
 
Il y a quelques jours, la première présidente de la cour d’appel de Papeete a animé une grande conférence sur les violences faites aux femmes à Taiohae. Intervention à laquelle ont assisté un grand nombre de femmes et quelques hommes issus de toutes les vallées de Nuku Hiva. “Bien sûr, je ne peux pas ne pas parler des violences intrafamiliales qui sont un véritable fléau aux Marquises comme ailleurs, a indiqué Mme Joly-Coz. Des familles entières sont anéanties par cette violence. Il faut travailler sur ce sujet. C’est pour cela qu’avec Mme Galenon [vice-présidente, ministre en carge de la Famille et de la condition féminine] nous avons voulu monter un observatoire des violences faites aux femmes en Polynésie, pour mieux connaitre, pour compter, pour dénombrer, afin de mieux agir, car c’est en connaissant la réalité locale, en ne la niant pas, en la regardant en face même si elle est difficile, que nous pourrons penser des politiques publiques pour demain.”
 
D’autres parts, les deux haut-fonctionnaires de la justice ont annoncé leur intention de tout mettre en œuvre pour améliorer l’efficacité et pérenniser la proximité de la justice aux Marquises. “Je pense que cette justice aux Marquises est déjà très sophistiquée, et très adaptée à la réalité locale, a précisé la première présidente de la cour d’appel de Papeete. Bien sûr pour aller plus loin et faire encore mieux, il faut permettre à cette justice de rester implantée dans le territoire marquisien et lui permettre tout au long de l’année de se rendre sur l’ensemble des six îles des Marquises car je n’oublie pas qu’il n’y a pas que Nuku Hiva. Je suis allée cette semaine à Ua Pou et je sais qu’il existe partout une demande de justice. Donc il faut permettre à la juge de Nuku Hiva de se déplacer régulièrement en audience foraine sur l’ensemble des îles de l’archipel. Et c’est de ma responsabilité de lui permettre d’en avoir les moyens logistiques, organisationnels, informatifs et budgétaires car derrière il y a toute une intendance, dont je suis comptable, pour que la justice puisse être rendue aux Marquises dans ces conditions exceptionnelles.”
 
Le procureur général achèvera sa première mission marquisienne dimanche, en revanche la première présidente de la cour d’appel de Papeete restera aux Marquises jusqu’au 17 décembre.

Rédigé par Marie Laure le Jeudi 11 Décembre 2025 à 18:21 | Lu 496 fois