Tahiti Infos

​L'exception Makemo sur l'électricité


Tahiti, le 23 septembre 2021 – Le dernier rapport de la chambre territoriale des comptes sur la gestion de la commune de Makemo consacre une partie de son rapport à la situation assez unique en Polynésie française de la gestion du service public de l'électricité sur l'atoll des Tuamotu, gérée par le Pays.
 
Après “l’échec” reconnu par le Pays du fameux projet d'éoliennes porté par la société d'économie mixte Te mau iti api –et la liquidation judiciaire de cette société début 2019– c'est le Pays qui gère directement “en régie” le service de l'électricité de l'atoll, à travers le Service de l'énergie auquel ont été transférés les deux anciens employés de l'ancienne société d'économie mixte. Une situation unique en son genre, à l'exception de la concession de Tahiti-Nord, puisque l'intégralité des autres communes des îles éloignées de Polynésie française gère son service public de l'énergie en régie directe ou en délégation de service public. Avec souvent de grandes difficultés pour équilibrer ces budgets…
 
Le rapport détaille la situation “au plan organisationnel” de l'électricité de Makemo depuis 2019. Un programme d’investissements d’un montant total de 165 millions de Fcfp prévoit la “mise aux normes des moyens de distribution” de l'électricité, avec notamment une opération récente de remplacement des coffrets électriques attribué par marché en avril 2020. Le rapport indique également que le Pays consacre une dépense annuelle de 30 à 35 millions de Fcfp à l'achat d'hydrocarbures nécessaires au fonctionnement de la centrale électrique. Et même si la Polynésie considère qu'elle “n’a pas vocation, au travers du service des énergies, à assurer directement l’exploitation du service de l’électricité de Makemo”, sa tentative de lancement d'un appel d'offres pour une délégation de service public en avril 2019 n'a pas fonctionné. Déclaré infructueux en l’absence d’offre…
 
Des pistes à l'étude
 
Seule porte de sortie évoquée par la chambre territoriale des comptes, une deuxième consultation pour une délégation de service doit être lancée par le Pays au second semestre 2021 dans un nouveau contexte d'application de la future péréquation des tarifs de l'électricité. Une solution qui “pourrait favoriser l’émergence d’offres privées”, espère la chambre. Dans ses recommandations, la juridiction financière propose également une solution globale à la gestion de l'électricité sur l'ensemble de la commune de Makemo et de ses communes associées de Katiu, Taenga, Raroia et Takume. Celle de la “globalisation de la gestion déléguée” sous la forme d’un groupement d’achat Pays- Commune qui “pourrait s’avérer économiquement viable pour un fermier privé dans le cadre de la nouvelle réglementation instaurant d’une contribution de solidarité dans le domaine de l’électricité.”
 
Mais dans sa réponse au rapport de la chambre territoriale des comptes, le maire de la commune Félix Tokoragi indique que sa position initiale en faveur de la délégation de la gestion de ce service “doit être un temps suspendu pour deux raisons essentielles”. D’une part, parce que le tavana souhaite obtenir de la part du Pays les “éclairages utiles” sur la récente loi du Pays sur la péréquation. D'autre part, parce qu'il a pris l’option de réaliser un audit dans les mois à venir faisant apparaître, dans chacune des communes associées, “l’état de l’existant et les pistes d’actions à conduire, constructives et éclairées, permettant ainsi aux élus de la commune de décider de l’orientation à donner à ce dossier”. Le Pays a été consulté concernant ce groupement d’achat Pays-Commune, mais “n’a pas fait connaître sa position sur ce sujet”. En attendant, Makemo reste toujours la seule commune dont l'électricité est gérée par le Pays.
 

​Des communes associées qui coûtent cher

Dans les autres communes associées de Makemo (Katiu, Taenga, Raroia et Takume), c'est la commune qui gère en régie la production et la distribution d'électricité. Une régie structurellement déficitaire, dont la situation financière est rendue encore plus tendue par la “réalité économique” dans ces petits atolls. Les atolls de Katiu et Taenga étant déjà équipés de centrales électriques, la commune a réalisé deux grosses opérations d'investissement pour équiper les atolls de Takume et Raroia d'unités de production d'électricité. Sur l'atoll de Raroia, qui s'est équipée d'une nouvelle centrale électrique fin 2020 pour 98,8 millions de Fcfp, la situation est particulièrement critique.
 
En effet, la chambre explique que cet investissement devait soutenir le développement des activités de l’atoll à court ou moyen terme. Il devait même “inciter la population originaire de l’île à effectuer un retour sur leur terre d’origine à la faveur de ces nouvelles conditions de vie”. Problème, cet objectif n'a pas du tout évolué comme prévu. L'atoll de Raroia ayant vu ses deux plus grosses fermes perlières arrêter leur activité et contraindre certains habitants à quitter cet atoll. “Les 75 foyers, abonnés potentiels recensés lors du lancement de l’opération ne seraient plus que 17 selon les statistiques issues de la commune lors de la mise en service de l’installation en décembre 2020”, indique la chambre.
 
La commune de Makemo doit donc assumer chaque année le déficit croissant de sa régie par une subvention importante de son budget général. Près de 30 millions de Fcfp en 2020, dont le montant devra être réévalué lors de l’entrée en service des centrales de Raroia et de Takume. Pour la chambre, la gestion de ce service par “une commune de cette strate géographique” fait peser sur son organisation et ses finances “des contraintes majeures qu’il conviendrait de faire évoluer à court terme”.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 23 Septembre 2021 à 21:50 | Lu 1604 fois