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​Débats de pré-campagne sur le budget


Tahiti, le 8 décembre 2022 – Le budget 2023 a été voté jeudi par les 36 voix du Tapura et 21 abstentions de l'opposition, au cours d'une séance surtout marquée par des débats convenus de pré-campagne des territoriales et quelques escarmouches entre autonomistes de la majorité et de l'opposition.
 
La séance marathon portant principalement sur l'examen du budget 2023 s'est ouverte dans une relative monotonie jeudi matin à l'assemblée, avant quelques débats plus saillants dans l'après-midi. Deux lois fiscales ont été présentées préalablement à l'examen du budget, suscitant dès l'entame de la séance les mêmes critiques générales de l'opposition sur la politique économique du gouvernement que celles entendues lors du débat d'orientation budgétaire. Aux côtés de son gouvernement pour une fois au grand complet, le président du Pays Édouard Fritch s'est lancé dans un long discours défendant ses mesures de “lutte contre l'inflation”, affirmant pouvoir bientôt présenter un bilan du plan de relance 2021-2023 dont “un tiers des 72 mesures est totalement achevé ou en phase de finalisation, un tiers est en cours et 25% sont initiés et enfin présentant par le détail son projet de budget.
 
L'occasion pour Édouard Fritch de s'expliquer sur un “questionnement légitime” entendu dans l'opposition sur l'opportunité de la fameuse TVA sociale pour financer la protection sociale généralisée (PSG), alors que les recettes de TVA auraient pu couvrir ces dépenses. Pas question de financer des dépenses durables avec une “augmentation conjoncturelle de nos recettes”, a répondu le président du Pays. Le financement de la PSG passera donc à court terme par une TVA sociale et – peut-être – par un appui ponctuel de l'État au titre de la solidarité nationale, puis plus durablement par une réforme profonde de la PSG.
 

Dette et inflation
 
Dans l'opposition, trois anciens ministres de l'Économie ont procédé à une critique en règle du budget. Teva Rohfritsch reprochant à son successeur Yvonnick Raffin de réappliquer des mesures qu'il avait arrêtées à son arrivée au ministère “en prétextant la nouveauté et l'innovation”. Nuihau Laurey en insistant sur l'état de l'endettement du Pays “que nos enfants et leurs enfants devront rembourser”. Et Antony Géros pointant plus généralement du doigt une “politique dépassée, révolue, qui n'a plus rien pour convaincre” et qui se résume en un “saupoudrage politique” pré-électoral. L'opposition fustigeant également un manque de réaction suffisante face à une inflation “étouffante” pour les Polynésiens, dénonçant une “pression fiscale” affublée du même qualificatif ou encore insistant sur le couac récent sur la hausse du Smig ou sur les retards de l'État pourtant attendu sur la solidarité nationale et sur le remboursement à la CPS des maladies radio-induites.
 
La majorité est tout de même montée au créneau pour défendre le gouvernement. La présidente du groupe Tapura, Tepuaraurii Teriitahi, reprenant notamment de volée les critiques assenées sur l'état de l'endettement du Pays et renvoyant Nuihau Laurey à ses années de Grand argentier du Pays. “En 2015, vous étiez à 20% d'endettement rapporté au PIB et c'était très acceptable. Aujourd'hui, nous sommes à 21% et c'est la fin du monde !” L'élue de Paea rappelant également à l'ancien sénateur ses velléités “d'emprunter 60 milliards de Fcfp” dès le début de la crise Covid…
 

“Andouille”, “minus”
 
Plutôt calme en matinée, la séance s'est agitée dans l'après-midi avec quelques échanges houleux entre l'opposition et le gouvernement. Particulièrement en verve, le sénateur Teva Rohfritsch a tancé la majorité après le vote de l'amendement de Lana Tetuanui au Sénat la semaine dernière, imposant à l'État de verser 5 milliards de Fcfp à la Polynésie. “Pourquoi n'inscrivez-vous pas la recette au budget ?”, s'est amusé le sénateur. “Peut-être avez-vous peur d'une insincérité budgétaire.” Réponse sèche de Lana Tetuanui reprochant à Teva Rohfritsch d'avoir choisi ses appuis parisiens plutôt que l'intérêt de la Polynésie : “Soit on porte le costume du sénateur, soit on porte le costume du ministre des Outre-mer. Soit on est là pour les Polynésiens, soit on est là pour nous-même.”
 
Le ton monte. Les représentants se coupent la parole. Le gouvernement s'en mêle. “Andouille”, “minus”, lâche Édouard Fritch à l'adresse du sénateur. “Vous êtes vexé ?”, s'amuse Teva Rohfritsch. “Je suis triste de constater comment les deux sénateurs que j'ai soutenu jusqu'au bout sont en train de se bouffer le bec, alors que vous devriez travailler pour la Polynésie au lieu de défendre vos intérêts personnels”, répond le président du Pays. “Je n'ai pas l'argent, je n'inscris pas l'argent. (…) Mais vous vouliez déposer l'amendement vous-même c'est ça ?”
 
Pré-campagne
 
En bref, une séance dominée par une ambiance de pré-campagne électorale où l'opposition autonomiste aura beaucoup voulu se montrer. Côté majorité, les tensions post-législatives semblent dépassées et le Tapura plus durablement re-soudé. Côté Tavini, la stratégie est inchangée : surfer sur la vague des législatives sans faux-pas jusqu’aux territoriales de 2023.
 
Le budget a finalement été voté à 19h30 par les 36 voix “pour” du Tapura et 21 “abstentions” de l'opposition. Édouard Fritch a salué la “le travail de la majorité et de l'opposition”, s'est “excusé des termes utilisés” et dit sa “tristesse pour ce petit incident”. Une fois le budget voté, la séance a pu continuer. Seuls trois des 19 textes du jours avaient été examinés…
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 8 Décembre 2022 à 16:59 | Lu 1286 fois