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Polyfoc édite de nouvelles vidéos


Tahiti, 1er décembre 2025 - La plateforme Polyfoc édite de nouvelles “ressources” à l’attention des professionnels de l’éducation. Des vidéos captées en classe enrichies par des analyses de spécialistes de la pédagogie. L’enseignement du fait nucléaire, le travail en groupe ou encore “les élèves à besoins éducatifs particuliers” sont les thématiques sur lesquelles les professionnels de l’éducation se sont penchés parce qu’elles “s’imposent à nous par rapport à la réalité du terrain”.
 
Les membres du groupe de travail de production de “ressources” pédagogiques de la plateforme de l’Observatoire et conservatoire des pratiques enseignantes en Polynésie (Polyfoc), tous professionnels de l’éducation (enseignants, inspecteurs, formateurs du premier et du second degré) qui travaillent en partenariat avec la Direction des enseignements et de l’éducation, le vice-rectorat et l’université, ont présenté des nouvelles “ressources” destinées à leurs collègues et accessible via la plateforme Polyfoc. Anita Yu et Teraitua Yvon, tous deux enseignants et formateurs, sont d’ailleurs à la barre de cette plateforme.
 
Ainsi trois thèmes ont été abordés, “travailler en îlot ou en groupe”, “les élèves à besoins éducatifs particuliers” ainsi qu’une “question socialement vives”, à savoir l’enseignement du fait nucléaire.
 
Cette plateforme a surtout pour objectif “la formation initiale des futurs enseignants et professionnels de l'éducation, ainsi que la formation continue, c'est-à-dire ceux qui sont déjà sur le terrain et qui ont besoin de renouveler leurs pratiques”, explique Anita Yu.

“Des ressources adaptées et ancrées dans la réalité de la Polynésie”

Anita Yu rappelle que la création de Polyfoc, en 2024, était devenue une évidence pour les professionnels de l’enseignement qui ne se reconnaissaient pas toujours dans les supports nationaux : “La Polynésie est unique, dans son insularité, la distance, son histoire, la culture, son rapport au monde et nos élèves sont aussi uniques. Il nous a paru important, en complément des ressources nationales qui existent, de proposer aussi des ressources qui soient adaptées et ancrées dans la réalité de la Polynésie, et dans lesquelles les enseignants puissent se reconnaître, et reconnaître également les élèves qui sont en face d’eux. Voilà, c'est ça qui nous a paru important, il y a plein de ressources, mais on a voulu proposer quelque chose qui soit vraiment proche de notre contexte à nous, sans s'enfermer.”
 
Comme l’explique Teraitua Yvon les courtes vidéos qui servent de “ressources” sont filmées en classe et illustrent des cas pratiques : “On va identifier un geste de métier, c’est à dire un choix pédagogique ou la façon dont on va donner une consigne. Un choix pédagogique sur lequel on va pouvoir ensuite réfléchir.” Pas de mise en scène, insiste-t-il : “Les enseignants préparent leur séance comme d'habitude on filme la réalité.” La captation vidéo se fait sur la base d’un “contrat éthique” avec les enseignants qui acceptent d’être filmés en classe. “On leur garantit que c'est eux qui décident ce qu'on peut diffuser ou pas sur la plateforme.” En outre, ces vidéos ressources ne seront visibles que par des professionnels de l’éducation. “C'est vraiment la part éthique dans notre démarche, elle est importante et c'est pour ça qu'on propose aussi une démarche d'analyse des vidéos."

“Ce qui nous intéresse ce sont les réussites des enseignants et donc des élèves”

Pour analyser ces “ressources” le groupe de travail peut demander l’expertise de personnes extérieures, cela dépend du sujet traité. “On se dit, ok, ce collègue-là, il est un peu expérimenté dans ce domaine, et si on allait lui montrer pour avoir son avis. Ce collègue débutant, il rencontre ce souci-là, peut-être va-t-il se reconnaître là-dedans, et tel chercheur travaille dans ce domaine, il peut compléter l’analyse”, résume Teraitua Yvon.
 
Ce travail réalisé par ces professionnels de l’éducation pour éditer de tels contenus pédagogiques est très chronophage. “Ça prend au moins une année au groupe, parce que ce n'est pas notre métier. Notre métier c'est d’être enseignant, formateur. Et on fait quelque chose en plus là. Et donc ça prend beaucoup de temps, et ça demande beaucoup de réflexion”, explique Anita Yu.  
 
Teraitua Yvon ajoute qu’après la captation il y a aussi “tout le traitement, il faut choisir les séquences, rédiger les textes, faire l’analyse, et nous on investit du temps et de l'énergie pour que justement ça puisse servir à un grand nombre de personnes et que les collègues puissent s'identifier”.
 
La professeure de physique-chimie au collège de Tipaerui, Servane Ruggieri admet qu’avec “ces vidéo-formations, ces captations vidéo, on progresse”. Elle utilise également ces vidéos lors des formations qu’elle donne pour “aider les jeunes enseignants ou les collègues”. Elle considère ces supports comme étant des “atouts pour effectuer et pour concevoir notre formation (…). Et on se rend compte qu'on progresse aussi au niveau de notre posture d'enseignant”.  
 
Anita Yu insiste sur le fait que “nous ce qui nous intéresse ce sont les réussites des enseignants et donc des élèves” mais pas seulement car les difficultés que chacun traverse au quotidien peut amener à une réflexion commune et un travail d’analyse. “Ça dédramatise parce qu'on se dit, ‘Ah ok je ne suis pas le seul, la seule, à avoir ces difficultés ou ces questions en classe, et c'est normal’. Et après on se base sur l'intelligence collective pour pouvoir trouver des solutions.”
 
Pour ceux qui n’ont pas beaucoup de temps, un texte d’accompagnement avec un résumé, une description de l’activité et une analyse sera désormais disponible sur la plateforme Polyfoc. Il est même possible de s’y “auto former” car pour telle ou telle problématique les enseignants en demande sont orientés vers des analyses guidées, sur les éléments pertinents à observer dans la vidéo. “Le but, c’est vraiment de les aider à naviguer sur la plateforme.”
 

Servane Ruggieri enseignante de physique-chimie au collège de Tipaerui “On enseigne aussi le vivre ensemble et toutes les compétences psychosociales”

“Au départ, il y a eu une émulation et tout le monde disait qu’il faut faire travailler les élèves en groupe. On a eu peur (…) car on ne savait pas trop pourquoi on le faisait. Et en travaillant sur ce parcours-là, en interviewant et en ayant le retour d'experts et de jeunes enseignants, on a vu qu’ils n'avaient pas envie de mettre les élèves en groupe parce qu'ils ont vu que ça augmente les difficultés dans les apprentissages, et qu'on ne sait pas comment les évaluer. Du coup, le parcours, il est fait pour nous faire comprendre que finalement, il faut faire travailler peut-être les élèves en groupe, mais une fois qu'ils sont bien autonomes. Et là, ça développe ce qu'on appelle les compétences psychosociales, apprendre à vivre ensemble. On se rend compte, dans la société d'aujourd'hui, que les gens ne savent pas s'écouter. Il y a toujours des interprétations (…). En classe, qui est une microsociété, c’est pareil, il y a toujours un problème, toujours des choses à régler. C'est vrai qu'on est enseignant d'une certaine matière, mais on enseigne aussi le vivre ensemble et toutes les compétences psychosociales.”
 

Teraitua Yvon enseignant au Lycée du Diadème et formateur “Le français, le parler local, on peut peut-être le démocratiser »

“À chaque fois que je travaille sur un parcours, je me dis que si ça m'intéresse, ça va intéresser mes collègues. J'ai travaillé sur le parcours “Ça hape” car je ne savais pas comment je devais faire en classe. Qu'est-ce que je dois faire quand un élève dit “ça hape” ? Le réflexe, c'est de le corriger, mais au final, il y a d'autres façons de faire et c'est intéressant de se dire, le français, le parler local, on peut peut-être le démocratiser.
On peut peut-être s'en servir, parce qu'il y a des enfants qui ne parlent que comme ça. Donc si on ne se met pas à leur niveau, et si on leur dit, vous parlez mal, ça va être quoi la vision de l'école qu'ils auront ? Donc c'est important de diffuser la formation. Travailler sur un parcours, c’est ce qui me motive, et de me dire qu’il faut le terminer pour le rendre accessible. À chaque fois qu'on met un parcours en ligne, c'est une réussite, et c'est une réussite qu'on doit fêter tous ensemble car c'est l'aboutissement de tellement d'heures de travail, c'est important qu'on puisse célébrer ça tous ensemble."

Ariimoana Garbutt professeur de SVT, formateur et chargé de mission d’inspection “Ce pan de l’histoire qui explique la société d’aujourd’hui”

“Cela va permettre à un enseignant, de travailler cet enseignement spécifique. Donc, ça permet aussi de développer chez nos élèves ce qu'on va appeler l'esprit critique : pouvoir avoir une vision autonome, donc seul, et avoir un avis avec des arguments sur pourquoi est-ce qu'on se forme telle ou telle opinion sur un sujet, notamment le fait nucléaire. Cela nous aide parce que déjà, en tant que Polynésien, cela nous permet déjà d'avoir aussi une connaissance sur l'histoire de notre pays. Moi, je suis d'une génération pour laquelle le fait nucléaire n’a pas été abordé à l'école. C'est aussi une part d'histoire qu'on n'a pas. Donc, on se forme dessus. Et puis, c'est aussi, je pense, très utile de former nos élèves sur ce pan de l'histoire qui est quand même important et qui explique la société d'aujourd'hui." 

Nadia Kellil-Benali professeure d’histoire géographie, formatrice “On ne forge pas la pensée de nos élèves, mais on les guide”

“L'enseignant est un médiateur de sens, notamment dans la pratique des questions socialement vives, puisqu’elles sont en prises à la fois avec les savoirs scolaires et les savoirs sociaux. Cet enseignement que je qualifie d'hybride va permettre aux élèves de pouvoir se forger une opinion, va pouvoir développer différentes compétences comme l'argumentation.
Et cela nous interroge aussi, notre posture d'enseignant, puisque je suis enseignante d'histoire géographie et d'éducation morale et civique. Et c'est vrai qu'on apporte quand même des éléments qui sont factuels à nos élèves. Mais comme ils sont en prise avec la société, eh bien, il nous faut garder une posture à la fois de neutralité, parce que nous sommes des fonctionnaires d'État, mais qui permette également à nos élèves de se forger une opinion. Nous sommes des passeurs de sens : on ne forge pas la pensée de nos élèves, mais on les guide pour pouvoir faire en sorte qu'ils créent leur propre schéma de pensée.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 2 Décembre 2025 à 07:00 | Lu 1692 fois