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Waterman - Grande première : Tahiti-Huahine en pirogue V6 à voile

Stéphane Lambert et ses amis watermen ont décidément toujours un temps d’avance. Au moment où vient de démarrer le Channel Crossing en Holopuni, qu’ils ont eux mêmes contribué à développer à Tahiti, voici qu’ils se lancent sur une traversée Tahiti-Huahine ce jeudi en pirogue V6 à voile. Nous les avons rencontrées samedi après leur première journée de tests.


Une grande première à Tahiti, une V6 à voile
Une grande première à Tahiti, une V6 à voile
Parole à Stéphane Lambert
 
Qu’est ce qui vous a poussés à développer ce projet ?
 
« Logiquement, après le V3, on a voulu aller vers un engin plus performant, pour avoir d’autres sensations. Le V6 était au programme depuis longtemps dans notre stratégie. Le V3 c’est un karting, plus maniable, et le V6 une formule 1. Cela va plus vite, d’abord parce qu’il y a trois propulseurs en plus, cela fait une grosse différence. »
 
Quelques mots sur sa construction ?
 
« Cette pirogue est faite à partir d’une coque de va’a ono faite par Are Va’a. Elle a été rehaussée et renforcée, elle fait quasiment 280 kilos. Elle est en bras asymétriques, il y a un flotteur qui est plus loin de la coque que l’autre et un flotteur surélevé par rapport à l’autre. Cela nous permet de pouvoir naviguer principalement sur la coque centrale en jouant sur l’équilibre. Il y a moins de frottement et donc plus de vitesse. »
 
« Le mat en bois est derrière le siège n°2, avec des haubans pour le sécuriser, il est un guide qui tient un autre mat, en carbone. Tous les sièges sont des compartiments indépendants. Les flotteurs sont fait à partir de OC1 de chez Are, de pirogues à quille renforcées. »
 
Quelques mots sur votre journée de tests ?
 
« On a quelques réglages d’inclinaison à faire mais même avec un vent de face, on a pu faire une moyenne de 11 km/h, la pirogue glisse vraiment bien, elle a ce shape polynésien tendu qui a un effet de dérive peu important. Elle est aussi très « bananée » donc elle aime bien surfer, il faut voir dans le gros comment cela se passe. »
 
La prochaine étape ?
 
« On va partir jeudi en début d’après midi de Taapuna ou Papeete jusqu’à Huahine, avec six personnes à bord. On prévoit entre 15 et 25 heures. Cela fait plus de 15 ans que l’on fait des traversées en pirogue à voile pour annoncer l’ouverture du Ironmana qui se déroule cette année à Huahine, le 4 décembre. On ouvre ainsi une nouvelle voie, on fera un temps de référence qui nous permettra d’envisager l’année prochaine de prêter la pirogue à d’autres équipages, ou d’en faire d’autres, pour améliorer ce temps là. »
 
Pourquoi en une étape ?
 
« On l’a fait en plusieurs étapes pendant huit ans. Si tu fais huit fois le même repas, tu as envie de manger autre choser pour le neuvième. La mémoire physique de cet effort est là, donc il est important d’avoir de nouvelles expériences. On a fait Tahiti-Moorea, Moorea-Huahine, donc pourquoi ne pas faire Tahiti-Huahine d’un coup, en plus on devra naviguer de nuit, ce sera magnifique. Il faut juste trouver l’équipe qui tient le choc. »
 
Steeve Teihotaata et Rete Ebb pourront être là ?
 
« Non, ils ont un gros problème liés aux congés. Ils vont participer aux tests mais l’équipage qui va partir sera composé de Bruno Tauhiro, Damien Girault, Clayton Ellis, Fred Deruelle, Thierry Tching et moi-même. »
 
Un dernier mot, un remerciement ?
 
« En priorité à Baptiste et Yvon de Are Va’a pour avoir pris le temps de mettre en place ce projet, d’avoir réfléchi à la structure de l’engin. Merci aux sponsors qui nous soutiennent sur les channel crossing, c’est à dire Air Tahiti Nui, Air Tahiti, Tahiti Tourisme, Da Kine voilà pour les principaux, pardon si j’en oublie après cette journée d’effort ! » Propos recueillis par SB

Après la journée de test, départ jeudi pour Huahine
Après la journée de test, départ jeudi pour Huahine
Parole à Thierry Tching :
 
Premières sensations de navigation ?
 
« C’est une première pour moi qui était habitué à mon Holopuni trois places. Il y a besoin de beaucoup plus de marge de manœuvre car la pirogue est plus imposante, plus lourde…Tout est plus grand. On a eu de bonnes sensations. Un va’a ono équipé en voile, je ne crois pas que cela s’est déjà fait à Tahiti, c’est une grande première. »
 
Il y a forcément des choses à améliorer ?
 
« Bien sûr, on verra ça au fur et à mesure de la traversée que l’on va faire. Mais déjà pour un premier jet, - même si Stéphane a déjà expérimenté une V6 à voile à Bora Bora -, avec des balanciers complètement nouveaux, cela me semble bon à 75%. Tout le reste, c’est du détail, de la sécurité, du renforcement de cordage. Je suis assez bluffé du résultat. »
 
C’est un retour aux sources pour le va’a ?
 
« Naviguer sur une pirogue à voile, c’est émotionnellement fort. Les ancêtres polynésiens qui ont découvert les îles se sont déplacés comme ça. On peut ressentir ce qu’ils ressentaient, à notre niveau bien sûr. Il m’est déjà arrivé de naviguer de nuit, de voir le coucher de soleil, d’être dans le noir. Il y a une appréhension, c’est effrayant mais en même temps avec les étoiles comme toiture on se dit « wouah »…Naviguer aux étoiles, comme le faisaient les pionniers de la navigation qui ont découvert nos îles, c’est bluffant. »
 
Cela fait quelque chose ?
 
« Quand on est en pleine mer, il y a le côté effrayant, excitant, le côté émotion, il y a plein de choses qui se passent dans notre tête. Si on est un peu sensible à la culture, on ne peut qu’être ébloui et étonné de ce qu’on peut faire avec une pirogue à voile en Polynésie. C’est un terrain de jeu fabuleux. Nos îles sont à la fois éloignées entre elles et à la fois pas tant que ça, les traversées sont vraiment réalisables. Il y a peu d’endroits dans le monde où on bénéficie d’un tel environnement de jeu. »
 
Tu es un touche-à-tout, comme Stéphane ?
 
« Dès que ça glisse sur l’eau, c’est mon kif. En plus là ça touche la culture. Je ne sais pas si c’est l’âge qui fait ça mais au fur et à mesure de tous les sports nautiques que j’ai pratiqués, je me sens attiré vers ça parce que ça englobe tout, le kite, le va’a...Tout est réuni dans le même engin. En plus, et c’est le plus important, dans tous les sports pratiqués, j’étais seul. »
 
« Là, on partage notre passion avec le copain. On a les mêmes émotions, on se regarde et on se comprend tout de suite. Forcément, c’est plus fort. Ce sont des émotions…difficilement descriptibles car il faut les vivre pour les comprendre. En pirogue à la rame, on partage beaucoup de fatigue, d’efforts, là il y a l’effort mais il y a beaucoup plus de glisse, de fun et de plaisir, du coup c’est plus rentable ! (rires) » Propos recueillis par SB

Fred Deruelle, Thierry Tching et Stéphane Lambert
Fred Deruelle, Thierry Tching et Stéphane Lambert

Rédigé par SB le Dimanche 26 Novembre 2017 à 12:52 | Lu 3968 fois