Tahiti Infos

Vie de marin à bord du Maris Stella IV



Tikehau - le 2/09/2015- Embarquée sur un navire qui rallie Tahiti à Tikehau aux Tuamotu pendant 48 heures, notre journaliste dépeint la vie de ces marins qui donnent tout pour le Saint Xavier Maris Stella. Plus qu'un travail, une vie.

17 heures, la nuit commence à tomber - L'odeur de coprah provenant de l'huilerie de Tahiti parfume les quais de Motu Uta à Papeete. À peine embarqués c'est l'heure du tama'a. Les marins mangent dehors, devant la cuisine ; les officiers à l'intérieur dans le carré. Après la prière, on s'échange les dernières nouvelles en tahitien. Les marins ne se quittent jamais vraiment. "C'est une famille, c'est une vie. Nous travaillons main dans la main. Tant que tu n'es pas en congé tu ne t'arrêtes pas", explique Raymond, le chef mécanicien. Avant de naviguer sur les Maris Stella, Raymond a travaillé en machine sur les cargos internationaux. "Cela va faire 30 ans que je suis sur un navire", dit-il. Aujourd'hui, il prépare sa succession et forme des jeunes, comme Dominique, son second à bord.

Le crépuscule au port de Papeete
Le crépuscule au port de Papeete
18 heures, le navire démarre, le ciel se couche sur Papeete - La manœuvre pour quitter le quai demande de la technicité. Heimana Salem, le fils de l'armateur est aux commandes : il a quitté le Maris-Stella III il y a quelques semaines pour rejoindre le IV. Plus gros, plus rapide, répondant à de nouvelles normes, le navire demande un temps d’adaptation. C'est pourquoi, l'armateur et commandant du Terevau, Tino Fa Shin Chong vient le seconder pendant quelques voyages.



Les marins travaillent avec les cartes maritimes électroniques et les cartes maritimes papier.
Les marins travaillent avec les cartes maritimes électroniques et les cartes maritimes papier.
19h45, la passe de Papeete est derrière nous, s'offre alors la mer sous nos pieds pendant 13 heures, jusqu'à Tikehau, l'île des Tuamotu - Savoir se taire et goûter la mer. Après le repas, l'heure du repos en cabine a sonné. Le cargo ne dort jamais vraiment. Chacun son tour, que ce soit en machine ou en passerelle, marins et officiers prennent leur quart. Loïc, le lieutenant passerelle scrute sa carte. "On garde toujours le même cap entre Tahiti et Tikehau, nous n'avons pas vraiment d'obstacles et la météo sera bonne", annonce-t-il. Le navire est plongé dans le noir mais pas question de s'endormir aux commandes. C'est l'heure des discussions où l'on parle des familles restées à terre, de cette vie impossible à quitter et des pays lointains qu'on rêve de visiter.

Patrick s'occupe des aussières
Patrick s'occupe des aussières
6h30 du matin, place aux manœuvres - Tous sur le pont. Le petit-déjeuner au Nescafé et à la baguette Nutella est déjà loin. Lors des manœuvres, des déchargements et chargements, tout l'équipage met la main à la pâte. Le repos attendra. Patrick, le cuisinier et marin de métier revient aux commandes pour les manœuvres. Aujourd'hui il s'occupe des aussières, qui permettent de s'amarrer au quai, sous l'ordre de Josélito, le bosco (maître d'équipage). Josélito aurait dû être chanteur à cause de son prénom (Josélito est un jeune chanteur prodige espagnol des années 50 -60). Il est parti de ses Australes natales pour être embauché sur le Maris Stella 1 en 1996. Depuis, il n'a plus quitté la compagnie et n'est jamais retourné aux Australes. "J'en ai vu des choses, une fois on s'est échoué sur le sable. Avant, dans les Tuamotu, il n'y avait pas de quai. Dans nos îles, nous sommes de bons marins, on connaît la mer. Et c'est pour ça qu'on nous garde sur les cargos", raconte-t-il.

Josélito, le bosco
Josélito, le bosco
7h30, le bleu du lagon se dessine - Josélito chante quelques airs tahitiens accoudé à la proue du cargo. Les requins pointes noires accueillent le navire "signe de bon présage", explique le capitaine Tino Fa Shin Chong.

L'équipage au complet- arrivée à Tikehau
L'équipage au complet- arrivée à Tikehau
8 heures, à quai - C'est l'effervescence, pour la première fois le nouveau navire de la société de navigation des Tuamotu vient à Tikehau. Arnaud, le second, veille à ce que la coupée (escalier) soit bien placée pour que l'équipage puisse descendre. Avant de commencer à décharger, on prend le temps de fêter l'arrivée du cargo avec des colliers de fleurs, des danses, des cocos et des pastèques locales.

Le Maris Stella à quai à Tikehau
Le Maris Stella à quai à Tikehau

Chargement de coprah dans le Maris Stella
Chargement de coprah dans le Maris Stella
9 h, le déchargement - Pour ce premier voyage, le Saint Xavier Maris Stella IV amène des marchandises pour l'aéroport de l'île. "Avec notre nouveau navire, nous allons plus vite qu'avec le Maris Stella III, nous arriverons désormais le jour pour décharger et non plus la nuit", explique Heimana Salem à la population. Ici, tout le monde sur l'île le connaît et le respecte. Les coprahculteurs font leurs affaires avec lui. Aujourd'hui, le vendeur de coprah, Felix Henry, charge 50 tonnes dans les cales. Ensuite, Heimana le paye puis l'huilerie de Tahiti le rembourse. Sur les îles, beaucoup de gens n'ont pas de compte en banque et les capitaines des navires les payent en espèces. Seulement, depuis le 1er septembre, le paiement en espèce est limité à 119 000 francs, ce qui pose un "grave problème" pour les transactions avec les coprahculteurs. " Cette mesure n'est pas du tout adaptée à la Polynésie française et aux transactions pour le coprah", confirme le comptable de la compagnie. D'autant plus que ce mode de paiement est le même pour tous les caboteurs chargeant du coprah dans les îles.

Rosina est revenue sur son île natale depuis plusieurs années. Elle cultive du coprah avec ses fils.
Rosina est revenue sur son île natale depuis plusieurs années. Elle cultive du coprah avec ses fils.
11 heures, le Dory a jeté l'ancre à côté du Maris Stella, le navire attend son tour pour décharger - Les va-et-vient des goélettes font vivre l'île. Comme ces pêcheurs de Tikehau qui sont sortis au petit matin pour livrer le Dory à temps. Ils envoient du poisson à leur famille ou sur le marché. "C'est moins cher de l'envoyer plutôt que de l'acheter là-bas", explique Rosina, une habitante de l'île. Elle parle en connaissance de cause : elle a longtemps travaillé à Papeete, puis est revenue sur son île avec ses enfants. Aujourd'hui, ils cultivent du coprah en famille. "Mes enfants ne retourneraient jamais à Papeete, il y a trop de bruits là-bas."


L'heure du tama'a
L'heure du tama'a
12 heures, après quatre bonnes heures de chargement, le moteur se met de nouveau en branle - Les marins profitent des derniers moments à terre pour téléphoner à leur famille. L'odeur de coprah monte des cales. La nuit tombe et le navire prend de nouveau la mer pour une longue traversée. Autour du ma'a préparé par Patrick et le poe potiron de la tante de Heimana, les conversations fusent de nouveau. Le travail est achevé. "Tu as su pour l'histoire du marin qui a eu un mauvais mana avec son tableau ?", lance l'un des officiers. " Il avait pris un tableau dans un bateau désossé qu'il a accroché dans sa cabine et il en a rêvé la nuit …". Récits et légendes de marins ne sont pas prêts de s'éteindre.




Le prix du fret est encadré

Sur l’ensemble de la Polynésie française, les tarifs maximaux de fret et de passages maritimes, hors TVA, sont fixés selon des barèmes fixés par arrêté ministériel (N° 767 CM du 20 juin 2012). Toutes les marchandises sont concernées : matériaux de construction, coprah, gazole, produits dans les frigos. Les barèmes de prix ne sont pas les mêmes selon les archipels.

Itinéraire habituel du Maris-Stella IV
Ahe, Apataki, Aratika, Arutua, Fakarava, Kauehi, Kaukura, Manihi, Mataiva, Niau, Rangiroa, Raraka, Takapoto, Takaroa, Tikehau, Tikei, Toau

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Mercredi 2 Septembre 2015 à 10:11 | Lu 2910 fois