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"Vie de carabin": un apprenti médecin s'adonne à la BD pour raconter l'hôpital


Paris, France | AFP | mardi 07/03/2017 - Dans certains services, les médecins eux-mêmes "ne veulent pas être hospitalisés", ironise Védécé, jeune interne de 27 ans, qui a choisi l'humour et la BD pour dénoncer les dérives de l'hôpital dans ses chroniques intitulées "Vie de carabin", dont un troisième album vient de paraître.

"Manque de moyens, personnels débordés", infirmières dépêchées d'un jour à l'autre "en neurologie, en néphro puis en hépato parce que c'est plus rentable que d'embaucher"... "Il ne faut pas généraliser, mais dans beaucoup de services la prise en charge est catastrophique", déplore l'apprenti médecin.  
Une réalité qui l'a "choqué" lors de ses premiers stages. Et qu'il s'emploie à retranscrire dans des vignettes caustiques, loin des fantasmes véhiculés "à la télé", sans épargner les médecins, pas toujours à l'écoute, ni les patients, parfois agressifs et irresponsables.  
Le dessinateur refuse de dévoiler sa spécialité ou le nom de son établissement. "Je tiens à garder l'anonymat", explique-t-il à l'AFP, soucieux de "préserver le secret médical" et sa liberté de ton, sans heurter sa hiérarchie. 
Mais "tout est vrai, même si certains éléments sont grossis" : par exemple, la blouse blanche XXL dont il affuble son personnage dans son deuxième album, tellement grande qu'elle "traîne par terre", est "exagérée". En revanche, le médecin qui "s'est fait renverser" et refuse d'aller en orthopédie car il sait comment sont traités les patients puisqu'il y travaille, "c'est du vécu" !
Quelque 134.000 fans sur Facebook, plus de 20.000 exemplaires vendus et des dessins repris dans les facs de médecine... Védécé - acronyme de Vie de Carabin -  était loin d'imaginer un tel succès lorsqu'il s'est mis à partager son quotidien sur internet, il y a un cinq ans.
"J'ai commencé en 5e année pendant un stage en pédiatrie. Les enfants, c'est très prolifique en termes d'anecdotes", explique celui qui dessinait dans ses cahiers, en "cinq minutes", pour décompresser.
Une démarche racontée dans son dernier ouvrage, "Dossiers médicaux", compilation de ses premières ébauches sortie début mars chez Hachette Comics.
Entre-temps, un éditeur spécialisé dans les livres de médecine, S-Editions, lui a permis de publier deux albums scénarisés. Une aubaine pour ce passionné de BD qui rêvait, "petit", de devenir auteur. 

- 'Je plains les patients' -

Il y retrace les journées passées enchaîné à son bureau sous une pile de livres, son addiction au café, ses premières consultations, l'indignation des infirmières quand les internes ne leur disent pas bonjour... sans tomber dans la grivoiserie associée à l'"humour carabin". 
Côté dessin, "je suis autodidacte, cela se voit d'ailleurs", concède l'interne au sujet de ses "bonhommes" un peu grossiers au visage rond et noir, "sa marque de fabrique".  
Difficile de perfectionner son coup de crayon quand on travaille de "60 à 80 heures" par semaine, bien au-delà du maximum légal de 48h. 
"Ca fait trois fois cette semaine que je travaille 24 heures d'affilée" explique-t-il dans l'une de ses images sur Facebook. "Mais je ne me plains pas. Je plains les patients qui ont été victimes de mes erreurs médicales".
"Poussé vers la médecine" par ses profs, ses bonnes notes et "la raison", il ne "regrette pas" son parcours. "Mais si j'avais su que ce serait si difficile, j'aurais peut-être choisi une autre voie".
Si ses histoires peuvent permettre d'"apporter du soutien" à ceux qui s'y reconnaissent, elles ne changeront "pas grand-chose", assure-t-il, résigné. "Les décisionnaires sont au courant des dysfonctionnements de l'hôpital, qui doit être rentable. Je ne me fais plus d'illusions sur leur cynisme", lance-t-il, convaincu que l'on s'oriente vers un "système à l'américaine".
Aujourd'hui en fin d'internat, il planche sur un nouvel album et ne sait pas encore où il poursuivra sa carrière, même si, "curieusement", il n'est "pas fermé à l'hôpital public".

le Mardi 7 Mars 2017 à 04:19 | Lu 597 fois