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Vente à l'essai de médicaments à l'unité: les pharmaciens réservés


Vente à l'essai de médicaments à l'unité: les pharmaciens réservés
PARIS, 26 septembre 2013 (AFP) - La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a créé la surprise en annonçant une expérimentation visant à dispenser les médicaments à l'unité et permettre à la Sécu de réaliser des économies, une proposition accueillie avec réserve par les pharmaciens.

"A ce stade, il s'agit de voir comment nous pouvons mettre en place les mécanismes qui permettront de dispenser des médicaments à l'unité, ce qui permettra d'éviter qu'on se retrouve avec des armoires à pharmacie pleines de médicaments qu'on ne consomme pas" ou "mal", a déclaré la ministre à la presse.

"Il y a un certain nombre de pays où l'on vous donne exactement le nombre de pilules ou de cachets dont vous avez besoin pour votre traitement". Mais "chaque Français, je dis bien que chaque Français, pas chaque ménage, a 1,5 kilo de médicaments dans son armoire à pharmacie", a-t-elle martelé.

"Ce sont donc des médicaments qui soit ne sont pas utilisés, soit font l'objet d'automédication dans des conditions qui ne sont pas toujours sécurisées, je pense en particulier aux antibiotiques, et c'est pour cela que nous allons commencer notre expérimentation par certains antibiotiques", a précisé Mme Touraine

Les expérimentations auront lieu dans certaines régions et certaines pharmacies volontaires, dont la liste n'a pas encore été établie.

Selon Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, premier syndicat des pharmaciens d'officine, l'expérience aura un double but : tester la vente à l'unité et contrôler certains antibiotiques par rapport à la résistance de certains patients pour lesquels ces médicaments n'ont plus d'effets.

"Nous sommes très favorables à pouvoir accompagner ces expérimentations car l'antibiorésistance est une vraie problématique", a-t-il dit à l'AFP, tout en reconnaissant que cela va être "un peu compliqué".

De fait, les pharmaciens français ne sont pas habitués à la vente à l'unité. "Cela va nous poser des problèmes de logistique, il faudra que l'on soit aidé", a déclaré à l'AFP Alexandre Fryburger, pharmacien à Paris.

"Certains laboratoires proposent déjà des boîtes avec très peu de médicaments, mais la dispensation à l'unité va être difficile. Si vous avez une officine de campagne avec 50 clients par jour, ça va encore, mais quand vous en avez 2.000..."

Le secrétaire général de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine, Gilles Bonnefond, ne croit pas à un retour à "la vente en vrac" qui, selon lui, remonte à un siècle.

Non respect des traitements prescrits

"Franchement, peut-on se passer de toutes les informations obligatoires sur les boîtes comme les risques de somnolence, les contre-indications, les conditions de conservation?" interroge-t-il. "Revenir à l'époque du vrac en perdant la traçabilité de ces informations, je ne suis pas sûr que cela soit un progrès", estime-t-il.

"Tout cela ne me semble pas très rationnel au vu des règles de sécurité, de stockage, d'information", lance-t-il.

Pour la présidente du Conseil de l'ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot, les pharmaciens concernés par les expérimentations "sauront faire". "On le fait déjà pour des médicaments anti-douleur très puissants, à base de morphine, délivrés à l'unité", assure-t-elle.

Mais la vente à l'unité limite-t-elle à elle seule les gaspillages ? "Lors d'un voyage récent au Canada, en Colombie-Britannique où l'on pratique la vente à l'unité j'ai été étonnée de voir des cartons remplis de médicaments non utilisés retournés par des patients pour recyclage", a-t-elle indiqué.

Selon elle, le principal problème est le non-respect par les patients du traitement qui leur est prescrit.

M. Bonnefond veut également des preuves "que c'est le conditionnement qui provoque le gaspillage" alors que sleon lui "c'est la non-observance des prescriptions de médicaments, comme cela s'est passé après les débats sur le Mediator, les statines, la pilule, les médicaments dangereux".

"Comment voulez-vous après cela que les patients continuent leur traitement ? Il les stockent (...) et les jettent de temps en temps."

La non-observance des prescriptions est aussi la principale cause du gaspillage pour Patrick Errard, président de la fédération de l'industrie pharmaceutique (Leem) : "Ce n'est pas par le déconditionnement et la délivrance à l'unité qu'on va résoudre ce problème, c'est plus par l'éducation des patients et la lutte contre le mésusage", estime-t-il.

Rédigé par Par Hervé LIONNET le Jeudi 26 Septembre 2013 à 06:16 | Lu 249 fois