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Vaitupa : le temps des “cerises”…


PAPEETE le, 4 octobre 2019 - Kerasion en grec ancien, cerasum en latin sont deux mots désignant un seul et même fruit, la cerise. Chez nous, ces gourmandises nous arrivent par avion, le plus souvent aux alentours de Noël, en provenance notamment du Chili. Mais sous nos latitudes, à défaut de cerisiers, nombre de fruits sont comparables, au moins par leurs formes, aux cerises des pays tempérés, quand on ne les appelle pas tout simplement cerise, en général d’un pays (comme la cerise de Panama par exemple). Ces fruits rouges, plus ou moins délicieux, étaient bien entendu présents à la Foire agricole de Vaitupa et il nous a semblé judicieux de tenter de les regrouper, ne serait-ce que pour les trier et les reconnaître...
 
Les cerises des pays tempérés appartiennent au genre Prunus et disons-le de suite, aucune “cerise” tropicale dans nos îles n’appartient à ce genre. Il n’empêche, des “cerises”, on en récolte et on en mange à Tahiti et tant pis si l’appellation vernaculaire n’est pas vraiment correcte pour ces fruits “cerasiformes”. 
En voici quelques espèces représentatives.
 

Cerise du Brésil, grumichama - Eugenia brasiliensis

Le cerisier du Brésil n’a pas usurpé son nom, puisque son fruit mérite bel et bien d’être comparé à une cerise. A l’extrémité d’un pédondule de quatre à cinq centimètres, se développe une baie d’abord rouge, presque noire à complète maturité, légèrement aplatie. Sa chair, orange foncé à rouge, est très juteuse, enfermant une ou plusieurs graines ; cette cerise se consomme immédiatement cueillie, car elle se conserve très mal (malheureusement, les oiseaux se régalent de ce fruit qu’il est bien difficile de récolter à temps). Sa fragilité fait qu’elle est très peu commercialisée. Elle n’en demeure pas moins excellente, sa pulpe sucrée et acidulée ayant une saveur très fine en bouche. La cerise du Brésil se prête parfaitement bien à la confection de confitures, de jus ou de gelées.

Cerise de Cayenne - Eugenia uniflora

Le fruit de cette myrtacée, “pitanga” au Brésil, est considéré comme le meilleur de cette famille. Le petit arbre qui les porte a une croissance lente et ne dépasse guère huit mètres de hauteur. Son fruit est reconnaissable à sa forme très particulière, une cerise rouge orange vif, comptant une dizaine de côtes bien saillantes. La chair est très juteuse, sucrée, légèrement acidulée, au goût assez dépaysant. Cuite, elle permet la préparation de sorbets, de confitures ou de gelées.
La cerise de Cayenne est parfaitement acclimatée à la Polynésie, mais sa culture n’y est pas développée : on lui préfère les petites surettes. Si cette petite cerise à côtes est un excellent réservoir de vitamines et si ses propriétés médicinales sont très nombreuses (anti-hypertension, analgésique, anti-tumoral, aidant à contrôler le diabète), en revanche, le cerisier de Cayenne a une nette tendance à se reproduire, ce qui en fait une espèce envahissante.

Cerise du caféier - Nom tahitien : taofe Coffea arabica

Depuis 1965, la Polynésie française n’exporte pratiquement plus son excellent taofe. Malgré la vulgarisation de variétés plus performantes (résistantes à la rouille) et de techniques de culture pour favoriser la récolte (taille) et augmenter les rendements (culture en plein soleil avec fertilisation), aucun développement significatif n’a eu lieu, alors qu’une demande existe pour un café local reconnu de qualité (surtout celui des Australes, qui a un arôme très particulier).
Le caféier est un très bel arbuste ornemental, qui demande toutefois à ne pas être exposé en plein soleil (hormis certains cultivars). Ses fleurs blanches courant le long des branches sont très belles ; quant aux petites drupes rouges, elles renferment chacune deux graines, les fameux “grains de café” que l’on peut torréfier chez soi. Une petite production artisanale subsiste ici et là, notamment aux Australes.

Prune du gouverneur - Flacourtia indica Salicacée

Pas plus grosse qu’une vraie cerise, la prune du gouverneur se récolte sur de petits arbustes ne dépassant guère six mètres de hauteur (on a toutefois signalé des spécimens de quinze mètres). Cette plante est devenue très à la mode dans les expositions florales et horticoles depuis une dizaine d’années, même si, il faut bien le reconnaître, le goût de ses fruits n’a rien de follement attirant. Ils ne sont pas, non plus, très agréables en bouche, comme peut l’être une cerise enfermant un seul noyau, puisque la prune du gouverneur renferme six à dix graines par fruit (de deux à trois centimètres de diamètre), dans une pulpe pouvant être blanche à jaunâtre. Compte tenu de ces petits inconvénients, il y a meilleur compte à savourer cette “prune” sous forme de gelée ou de confiture. 

Cerise de la Barbade, acérola - Malpighia emarginata (Malpighiacée)

Voilà indubitablement le fruit vedette de ces dernières années, à qui toutes les qualités sont prêtées par un marketing “santé” fort bien fait, surfant sur la vague du retour à la nature. Ce petit arbre de quelques mètres de hauteur est parfaitement acclimaté à nos îles et il est donc très facile d’en planter dans son jardin pour profiter des bienfaits de ses fruits tout frais cueillis.
L’acérola, il faut le reconnaître, est un concentré de vitamine C extraordinaire, bien supérieur à l’orange, puisque, à poids égal, il en contient vingt à trente fois plus ! Les atouts  de ce petit fruit rouge, une baie, ne s’arrêtent pas là, puisqu’il contient aussi de la vitamine B1, de la vitamine B6, de la vitamine A, des flavonoïdes et une flopée de minéraux : magnésium, potassium, phosphore, calcium, fer. 
L’acérola est devenu aujourd’hui le fruit antioxydant par excellence, qui promet une longue vie, une “éternelle jeunesse” et une santé de fer à ceux qui se convertiront à son culte. 

Cerise de Panama - Muntingia calabura (Muntingiacée)

Ce petit cerisier tropical (de sept à douze mètres de hauteur), surnommé parfois “bois ramier”, passerait pratiquement inaperçu si les enfants n’aimaient pas ses fruits, des petites cerises rose rouge au goût noisette peu marqué et qui donnent l’impression que l’on a un peu de sable dans la bouche quand on les mange.
En vérité, plus grand monde ne s’intéresse aujourd’hui à cette cerise, qui est loin d’avoir les attraits de beaucoup d’autres fruits tropicaux. 
Dans de nombreux pays, eu égard à sa faculté de croître dans les milieux les plus variés, le cerisier de Panama est considéré comme une plante invasive.

Cerise d’Australie - Eugenia reinwardtiana (Myrtacée)

Très peu connue du grand public car encore peu répandue, la jolie cerise d’Australie, pyriforme, affiche  une belle couleur rouge à maturité. L’arbuste qui les porte ne dépasse guère six mètres de hauteur. Le fruit est très sucré et se déguste nature, même s’il est plus fréquemment utilisé pour fabriquer des jus, des marmelades, des confitures ou des sorbets. Comme l’acérola, cette cerise est très riche en antioxydants et à ce titre, elle mériterait d’être bien plus présente dans nos jardins. La reproduction de cet arbuste est facile à partir de graines. Une variété indigène existe en Polynésie française mais ne semble pas être cultivée (nioi).

Baie du lovi lovi - Flacourtia rukam (Salicacée)

Arbre de petite taille, le lovi lovi est d’une grande élégance dans les jardins. Il est essentiellement utilisé à des fins ornementales, alors qu’il produit directement sur son tronc ou ses branches une multitude de petits fruits rouges à peine plus gros que des cerises. 
Crue, la chair de ces baies est un peu astringente, certes, mais en revanche, une fois cuite, la “cerise” du lovi lovi est parfaite pour faire des confitures, des gelées, des compotes, des jus, des marmelades et autres tartes dont les enfants raffolent. La baie du lovi lovi contient également une substance antimicrobienne aux vertus reconnues, un phénol baptisé “2,3-acide dihydroxybenzoique”.

Prune-coton, icaque - Chrysobalanus icaco (Chrysobalanacée)

L’icaquier (introduit en 1922)  est un petit arbuste décoratif  de deux à six mètres de hauteur, planté à profusion sur les terre-pleins des carrefours giratoires et le long de certaines routes.
Son fruit, l’icaque, ou prune-coton, est une drupe rose violacée à maturité, de deux à quatre centimètres, à pulpe blanche, douce mais sans réelle saveur, qui peut se manger crue ou cuite. Elle ne fait pas l’objet d’une consommation régulière dans nos îles. Elle contient une graine striée de grosse taille. Mauvais point pour cette plante, l’icaquier devient envahissant dans des zones riches en espèces endémiques. Les botanistes considèrent aujourd’hui que la prune coton menace la flore de l’archipel de la Société et d’une partie des Marquises.

Goyave de Chine - Nom tahitien : tuava tinito Psidium cattleianum (Myrtacée)

La goyave de Chine est un petit fruit de couleur rouge à lie de vin, parfaitement comestible, ayant un goût qui rappelle celui de la fraise (on l’appelle, dans certains pays, la goyave fraise). Elle n’est malheureusement pas plus grosse qu’une noix, ce qui en diminue l’éventuel intérêt économique. Cependant, la goyave de Chine cultivée en verger donne des fruits plus gros que les fruits sauvages.
À Tahiti, ce goyavier ne fait pas l’objet de mise en culture et son fruit n’est pas récolté pour être proposé dans le commerce, au contraire de la véritable goyave, tuava Tahiti, consommée comme dessert, ou proposée sous forme de jus de fruits. C’est même une plante envahissante.

Bunchosie - Bunchosia armeniaca (Malpighiacée)

La bunchosie est un arbuste pouvant atteindre plusieurs mètres de hauteur, peu répandu en Polynésie française. Par bunchosie, on désigne d’ailleurs communément autant l’arbuste que les fruits qu’il porte, appelés en anglais “peanut butter fruits”, en l’occurrence le fruit au beurre de cacahuètes, en référence à son goût. Ces fruits, de la taille d’une grosse olive, sont mous à maturité, et renferment deux grosses graines, à partir desquelles il est facile d’obtenir de nouveaux jeunes plants de bunchosie. C’est la pulpe qui entoure ces grosses graines qui a la réputation, du fait de sa texture, de ressembler au beurre de cacahuètes (avec un goût de figue séchée) ; elle en a certes la consistance, mais elle est plutôt acide. Les fruits peuvent s’utiliser comme condiments dans la cuisine et se prêtent à quelques autres usages une fois cuits et sucrés : confitures, gelées, marmelades.

Trois Solananées

Trois petites plantes de la famille des Solanacées (comme les aubergines par exemple) produisent des fruits ressemblant, au moins par la forme et la couleur, à de petites cerises. Ces plantes vivaces n’ont, en réalité, pas grand-chose à voir avec de véritables cerises, mais cette ressemblance leur vaut d’être citées... 

Tomate cannibale - Nom tahitien : poro, ‘oporo, porohiti - Solanum viride -Solanacée

La tomate cannibale est, sans doute, le plus populaire des fruits servant à fabriquer des ornements dans nos îles. Cette petite “tomate” est un fruit rempli de petites graines ; traversé de part en part, il permet de réaliser des colliers spectaculaires, toujours délicieusement “exotiques”.
La tomate cannibale serait une introduction polynésienne et aurait été amenée de l’est de la Mélanésie. 
En Polynésie française, la tomate cannibale est généralement cultivée, mais elle s’est aussi naturalisée, notamment aux Tuamotu et aux Australes.
On reconnaît ce fruit ornemental (de deux centimètres de diamètre environ) à la brillance de sa robe rouge carmin, qu’il s’agisse de la variété à fruits ronds ou de celle à fruits pointus. La plante produit toute l’année. A noter qu’il existe des variétés à fruits jaunes.

Tomate cerise - Solanum lycopersicum var. cerasiforme (Solanacées)

La petite tomate cerise n’est pas originaire de la Polynésie française mais bien d’Amérique du Sud, comme toutes les autres tomatesElle envahit sans complexe bas-côtés, terrains vagues et fossés où elle s’est tranquillement naturalisée. Quasiment inconnue il y a quelques décennies, la tomate cerise, par ailleurs largement cultivée dans le monde entier, a très vite conquis ses lettres de noblesse, en même temps qu’elle s’acclimatait à notre région, jusqu’à devenir une gourmandise que l’on peut manger crue, à la croque au sel, en salade, ou même dans des plats plus sophistiqués. 
Il en existe un très grand nombre de variétés et cultivars, les plus petites étant de la taille d’une cerise de Panama et les plus grosses de la taille d’une balle de golf. La tomate cerise naturalisée dans nos îles est plutôt de petite taille.

Pomme soda, pomme d’amour - Nom tahitien : poro, oporo, porohiti - Solanum capsicoides (Solanacée)

La pomme de Sodome (Bahamas), la pomme d’amour (Haïti) ou la pomme soda (Floride) a mille et une appellations vernaculaires ; elle est originaire de la côte atlantique du Brésil et a été introduite en Polynésie française par les Européens ; elle s’est si bien naturalisée et fondue dans le paysage qu’elle est, la plupart du temps, confondue avec Solanum viride. Elle s’en différencie pourtant par son enveloppe externe, moins rouge (de rouge vermillon à orange), et surtout par sa peau mate (alors que S. viride est très brillante). La plante qui la produit est souvent couverte d’épines. Pour les gastronomes curieux, signalons que ces deux “tomates” (S. viride et S. capsicoides) sont comestibles, la tomate cannibale (S. viride) devant son appellation au fait quelle était servie, aux îles Fidji, en accompagnement de la chair humaine.

Jusqu’au 6 octobre

La foire agricole, rappelons-le, se tient encore jusqu’au 6 octobre sur le site de Vaitupa à Faa’a. Vous pourrez y découvrir nombre de ces “cerises” en cherchant bien auprès des pépiniéristes présents.

À lire

  • Guide des fruits de Tahiti, par Daniel Pardon (Editions Au vent des îles)
  • Le grand livre des fruits tropicaux, par Fabrice Le Bellec et Valérie Renard (Editions Orphie)
  • Fruits d’Océanie par Anne Walter et Chanel Sam (Editions IRD)

Rédigé par Daniel Pardon le Vendredi 4 Octobre 2019 à 12:10 | Lu 3418 fois