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Vaihere Doudoute, l’âme d’une guerrière


PAPEETE, 27 janvier 2018 - À 33 ans, Vaihere Doudoute fait un Accident vasculaire cérébral (AVC) puis deux semaines de coma. Elle se réveille handicapée, paralysée de tout le côté droit et elle ne peut pas parler. Six ans plus tard, la voici championne de France de rowing en ligne et sur le point de relever d'autres défis sportifs de haut niveau.

En février prochain, Vaihere Doucoute participera aux compétitions d'aviron de salle (Rowing) à Paris et à Washington. Retour sur le parcours inattendu d'une Polynésienne habitée par l'âme d'une guerrière.

"Je suis Vaihere Doudoute Raoul, j’ai 39 ans et je suis professeur de Français, Histoire-Géo ainsi que documentaliste au lycée professionnel Saint-Joseph de Punaauia. Je fais du sport, du rowing, de la rame en salle. Il y a bientôt 6 ans j’ai eu un AVC et il a fallu que je réapprenne à vivre", se souvient-elle. A la suite à son AVC à l’âge de 33 ans, Vaihere est tombée dans le coma pendant deux semaines. À son réveil, elle ne pouvait plus parler et avait tout le côté droit paralysé : "J’ai ouvert les yeux et je ne pouvais pas parler. Dans ma tête, je me suis dit ‘Pour mon fils, il faut que je me relève. C’est mieux ainsi, sinon je meurs’."

Pendant trois ans, elle suit des séances de rééducation, pour retrouver l’utilisation de son bras, de sa jambe, mais également au niveau du faciès. Vaihere a dû réapprendre à articuler, à bouger sa mâchoire. Elle s’est remise à parler, à marcher progressivement, à vivre comme tout un chacun. Grande sportive, elle est allée régulièrement à la salle de sport pour faire travailler son corps. Elle a réintégré ses fonctions au sein de l’Éducation. D’abord à mi-temps. "C’était dur, mais maintenant ça va. Au lycée, quand j’ai recommencé à travailler, c’était difficile pour moi de bien parler, de bien articuler mes phrases. Il fallait que je me concentre à fond. Ça va beaucoup mieux maintenant".

En 2017, Vaihere devient la championne de France en ligne de Rowing. "Celui qui m’a guidée vers le rowing, c’est mon 'kiné', Matthieu Forge". Vaihere constate les effets positifs de ce sport qui lui fait travailler à la fois le bras et la jambe. Sans hésiter, en décembre 2016, Vaihere rejoint l’association CAP Marara. Elle s’épanouit rapidement dans cette activité sportive : "J’avais essayé l’aviron, mais ça me prenait une éternité pour tout sortir, tout rentrer, porter le matériel et ça me perturbait. Du coup avec le rowing, c’est tellement mieux : je n’ai pas cette pression. Je suis rapidement devenue accroc à ce sport". 

Vaihere fait 3 à 4 heures de rowing par semaine. En mai 2017, le coach Kévin Scott l’invite à venir plus tôt que prévu à l’une des séances. C’est là que Vaihere apprend qu’elle a gagné le titre de championne de France en ligne de rowing : "Championne en ligne" signifie que la compétition s’est déroulée à la fois en France et en Polynésie, de façon différée, pour permettre aux rameurs qui ne pouvaient pas se déplacer en France d’y participer.

Aucune aide financière publique

Suite à cette double victoire, celle d’une femme handicapée qui participe à une compétition de sportifs de haut niveau sans handicaps, Vaihere a envie de relever d’autres défis et en septembre 2017, elle s’engage à participer à une compétition en France. "Je dansais avant, je m’exprimais avec mon corps, eh bien là, avec la compétition de rowing, je vais m’exprimer aussi !" Vaihere a ce petit côté guerrière et le regard qui pétille de joie à l’idée de s’aligner face à des sportifs qui n’ont pas connu ce qu’elle a vécu. Kévin Scott lui annonce qu’il y a une autre compétition en Amérique une semaine après. Qu’à cela ne tienne ! Vaihere décide de s’inscrire aux deux compétitions.

Elle sera donc à Paris, stade Charléty, les 9 et 10 février prochains et à Washington DC, Alexandria, le dimanche 18 février. Aucune aide du pays, aucune subvention pour aider cette championne hors-norme qui va représenter le Pays. Lorsque Vaihere se déplace pour demander une aide, on lui demande "As-tu été sélectionnée ?" Vaihere répond que non, que son inscription a été faite de sa propre initiative, tout en rappelant qu’elle est championne de France de rowing en ligne. Mais ça n’a pas convaincu. Vaihere s’est alors retournée vers la fédération Handisport ; mais là aussi on lui répond qu’il n’y avait pas d’argent pour financer son déplacement. Heureusement, la compagnie Air Tahiti Nui lui offre gracieusement un billet d’avion pour la France et la direction de l’Enseignement Catholique lui apporte également du soutien.

Le coût d’un tel déplacement, qui inclut les logements et commodités en France et aux Etats-Unis, lui reviendra à environ 600 000 Fcfp, tout en sachant que, puisque ces compétitions se déroulent sur son temps de travail, son salaire sera réduit de presque moitié. Ne se laissant pas décourager, Vaihere organise une vente de gâteaux roulés à 1500 Fcfp le gâteau, pour financer une partie de son voyage. "L’année prochaine, je m’y prendrai bien avant pour essayer d’avoir des sponsors", déclare Vaihere, en annonçant déjà qu’elle a bien l’intention de poursuivre la compétition.

La rage de vaincre

Vaihere va faire ce long voyage, seule, mais elle espère qu’une journaliste sportive de Polynésie 1er qui en a fait la demande, l’accompagne. Ainsi, nous pourrons suivre la compétition de rowing de cette Polynésienne courageuse.

"Quand j’ai décidé de faire quelque chose, je le fais ; personne ne peut m’en décourager", explique Vaihere. "Si je me plante, tant pis, c’est pas grave, je recommence mais je ne tiens pas compte de l’avis négatif des gens. Ma maman et mon papa m’ont élevée comme ça. Et par rapport à mon handicap, je dois avancer, c’est une obligation : soit tu meurs ; soit tu avances. C’est comme ça, pas au milieu. Je ne voulais pas rester paralysée et dépendante des autres, les voir venir me donner à manger. J’aurais préféré mourir que d’en rester à une paralysie, c’est pour ça que j’ai lutté. Quand tu vis, il faut vivre POUR TOI d’abord. Pas pour des personnes, pour toi, pour être forte, pour qu’après, si jamais tes enfants chutent, ou quelqu’un d’autre, tu puisses les porter. Mais pas l’inverse. Pas l’inverse parce que ça te tue". 

Nous souhaitons bonne chance à cette femme-courage, Vaihere Doudoute, qui porte en elle l’âme d’un Aito !

Rédigé par Ariirau Richard-Vivi le Samedi 27 Janvier 2018 à 10:38 | Lu 8362 fois