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Un flot de Guinéens se déverse dans Conakry contre le président Condé


Conakry, Guinée | AFP | jeudi 07/11/2019 - Les Guinéens ont manifesté en masse jeudi dans la capitale, Conakry, contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, nouvelle expression d'une contestation qui ne faiblit pas, malgré les morts et la crainte d'une escalade.

Rouge aux couleurs de l'opposition, un flot dense et difficilement quantifiable mais enflant constamment s'est étiré sous un soleil accablant sur les plusieurs kilomètres menant au stade du 28-Septembre par l'autoroute Fidel Castro, a rapporté un correspondant de l'AFP.
"Nous avons réussi à mobiliser aujourd'hui un million et demi de Guinéens rien qu'à Conakry", a déclaré au milieu de la foule tapageuse mais pacifique Fode Oussou Fofana, un chef de l'opposition et membre du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), l'organisation qui mène la protestation.

- "Personne n'a été payé pour venir" -

"Personne n'a été payé pour venir", a-t-il ajouté, reprenant l'accusation formulée contre les partisans du président Condé quand ces derniers avaient organisé leur propre manifestation la semaine passée.
Ses chiffres sont invérifiables. Mais il s'agit d'une nouvelle démonstration de force des opposants à une troisième mandat d'Alpha Condé, après une précédente manifestation d'envergure il y a deux semaines suivant le même itinéraire.
Cette nouvelle mobilisation s'annonçait à hauts risques, trois jours après la mort de trois jeunes, atteints par les balles des services de sécurité, selon l'opposition, à l'occasion des funérailles de onze autres personnes elles-mêmes tuées au cours du mouvement trois semaines auparavant.
Elle s'est déroulée sans heurts.
Au moins 16 civils et un gendarme ont trouvé la mort depuis le 14 octobre et le début de l'intense contestation qui agite ce petit pays de 13 millions d'habitants, pauvre malgré des ressources minières considérables. 
Des dizaines d'autres personnes ont été blessées, des dizaines arrêtées et jugées.
Les défenseurs des droits humains dénoncent un usage excessif de la force par le gouvernement, des arrestations arbitraires et une répression visant à réduire l'opposition au silence.
 

- Pressions internationales -

 
La communauté internationale redoute l'escalade dans un pays à l'histoire tourmentée, coutumier des manifestations et des répressions brutales.
Le FNDC, coalition de partis d'opposition, de syndicats et de membres de la société civile, avait diffusé par avance sur les réseaux sociaux un "guide du manifestant" pour éviter les dérapages mortels survenus aux funérailles de lundi. Parmi les consignes : "Marchez pacifiquement et tranquillement", "pas d'enfants mineurs ni d'écoliers dans les rues", "ne répondez à aucune provocation des forces de l'ordre".
Des dizaines de 4X4 de la police et de la gendarmerie jalonnaient le parcours, canalisant une foule scandant "amoulanfe" ("ça ne passera pas" dans la langue locale), réclamant la "justice pour nos morts" et la libération des opposants emprisonnés.
D'autres rassemblements étaient prévus à travers le pays. Contrairement aux premières manifestations, celles-ci ont reçu le feu vert des autorités.
Le FNDC veut faire barrage au projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de réviser pour cela la Constitution qui limite actuellement à deux le nombre des mandats présidentiels.
L'opposition accuse de dérive "dictatoriale" l'ancien opposant historique qui fut le premier président démocratiquement élu en 2010, réélu en 2015, après des décennies de régimes autoritaires et militaires.
A 81 ans, M. Condé entretient le flou sur ses intentions, mais a lancé en septembre des consultations sur la Constitution.
L'ONU, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, les Etats-Unis, l'Union européenne et la France appellent les deux camps à la retenue et à la reprise du dialogue. Pour que cela soit possible, les opposants emprisonnés doivent être libérés, disent les Etats-Unis.
Les uns et les autres disent aussi attendre des résultats des enquêtes que les autorités ont promises sur les morts des dernières semaines. L'ONG Human Rights Watch a rappelé qu'elle dénonçait de longue date les abus des forces guinéennes, mais "les membres des forces de sécurité ne font littéralement jamais l'objet d'investigations ou de poursuites pour leur rôle" dans de telles affaires.

le Jeudi 7 Novembre 2019 à 06:38 | Lu 198 fois