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Un colloque pour repenser l’alimentation et le tourisme culinaire en Polynésie


Le colloque dure jusqu'au 27 novembre et reste ouvert au public.
Le colloque dure jusqu'au 27 novembre et reste ouvert au public.
Tahiti, le 25 novembre 2025- Le lycée hôtelier de Tahiti et l'Université de la Polynésie française accueillent, du 25 au 27 novembre, le premier Colloque international et pluridisciplinaire “Alimentation et tourisme culinaire en Océanie”. Chercheurs, chefs et professionnels s’y réunissent pour réfléchir à l’avenir alimentaire du Fenua et à la création d’une véritable signature culinaire polynésienne.
 
À Tahiti, l’alimentation est bien plus qu’une question de goût : elle touche à la santé, à l’économie, au tourisme et à l’identité culturelle. C’est tout l’enjeu du premier colloque “Alimentation et tourisme culinaire en Océanie”, organisé par le Campus des métiers et des qualifications Hôtellerie et restauration du Pacifique. Pendant trois jours, universitaires, chefs et étudiants se penchent sur un défi commun : relier la terre, la mer… et l’assiette.
 
On voulait prendre un peu de hauteur, poser l’alimentation comme un véritable objet scientifique”, explique Hina Grépin, directrice du Campus des métiers et des qualifications. L’événement mêle chercheurs du bassin océanien, professionnels du tourisme et de la restauration, ainsi que les élèves du lycée hôtelier de Tahiti. “La rencontre improbable entre des gens qui ne se voient pas d’habitude fait jaillir de nouvelles idées. 1 + 1 = 3”, sourit-elle.
 
Au cœur des échanges : la montée de l’obésité, la dépendance aux importations et la nécessité de retrouver une souveraineté alimentaire. La Polynésie s’interroge aussi sur la place de son patrimoine culinaire dans une offre touristique en pleine mutation. “Nous avons voulu créer une signature culinaire polynésienne destinée aux visiteurs. Mais très vite, on a compris qu’elle devait aussi parler à notre population, qui se détourne parfois des produits locaux”, poursuit la directrice.
 
De la santé à l’éducation, de l’économie à la culture, les problématiques s’entrecroisent. Les tables rondes abordent l’importance de relancer les filières locales et la richesse encore sous-explorée des cinq archipels. “Nous avons inventorié produits et recettes des archipels avec l’université. On découvre une diversité incroyable : le culinaire, c’est du patrimoine, de la transmission, mais aussi de l’émotionnel, souligne Hina Grépin.
 
Le colloque mise aussi sur les jeunes. “On veut qu’ils comprennent que la cuisine n’est pas qu’une technique : c’est un système global, une approche à 360 degrés”, insiste-t-elle.
 
Financé par le Fonds Pacifique et l’Université de la Polynésie française, l’événement pose les bases d’une réflexion appelée à revenir tous les deux ans. “Pour cette première édition, on pose le sujet dans toute sa largeur. Ensuite, on fera des focus plus ciblés. L’essentiel, c’est de construire ensemble”, conclut la directrice.
 
Mercredi et jeudi, les rencontres dans le cadre du colloque auront lieu à l'université et seront ouvertes au public. Parmi les sujets abordés, on trouvera : l'obésité en Polynésie française, les risques alimentaires ou encore les défis alimentaires en Océanie (programme ci-dessous). 

Robert Oliver, chef cuisinier, auteur et fondateur du projet “Pacific Island Food Revolution”, réputé pour son engagement en faveur de la cuisine des îles du Pacifique et la promotion de pratiques alimentaires durables.
 
Vous travaillez depuis longtemps à valoriser les cuisines du Pacifique. Quel regard portez-vous sur la Polynésie ?
Il y a ici une chance unique : la rencontre entre deux cultures culinaires majeures, la française et la tahitienne. Les Français comprennent la gastronomie, ses codes, sa valeur. S’ils appliquent ces principes à la cuisine indigène, la Polynésie peut devenir une destination culinaire de premier plan. Mais pas question de fusionner à tout prix. Avant de créer, il faut consolider la cuisine de base. Si on ne renforce pas les plats fondateurs, on affaiblit la culture et ce serait une tragédie.” 
 
Quels sont les principaux obstacles à une gastronomie durable et locale ?
“Au début, l’approvisionnement est le vrai défi. Les importations dominent depuis longtemps. Il faut créer des liens directs avec les producteurs et leur laisser le temps d’adapter leur offre. Un plan à dix ans changerait tout.”
 
Pourquoi la Polynésie pourrait-elle devenir une destination gastronomique ?
Comme partout, la cuisine reflète la nature et les gens du pays. Il n’y a aucune raison pour que Tahiti ne devienne pas une destination où l’on vient pour manger, comme la Thaïlande. Vous avez déjà les plats et les talents pour ça : il ne manque que la volonté.”
 
Comment intégrer les traditions familiales et communautaires dans cette dynamique ?
Tout commence par les enfants. Il faut leur donner envie de cuisiner. Pas les forcer. Quand la cuisine locale renaît, tout le reste suit : la santé, la transmission, la fierté culturelle. Le système alimentaire local, s’il fonctionne, répare le reste.”


Rédigé par Darianna Myszka le Mardi 25 Novembre 2025 à 15:55 | Lu 958 fois