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Un collectif "pour" les projets à Moorea


Moorea, le 8 novembre 2021 - Un nouveau collectif “Faahotu ia Eimeho Nui” se présentant pour “la protection et la création de l’emploi et le développement de l’économie”, et porté notamment par le secrétaire général de O oe to oe Rima, Atonia Teriinohorai, a organisé samedi à Moorea une journée récréative et de promotion des projets immobiliers de l'île sœur… Les opposants aux projets restent dubitatifs.
 
“Faahotu ia Eimeho Nui”, c'est le nom du collectif nouvellement créé qui a organisé samedi sur la plage de Tooatea à Moorea une sorte de forum de l’emploi festif… mais sans employeurs. Le collectif annonçait qu'il souhaitait recenser les jeunes sans emplois à Moorea, en leur promettant ensuite d’être prioritaires si des projets économiques venaient à se concrétiser sur l’île sœur. Comme chaque journée ensoleillée, Tooatea était bondée. Entre les jeunes à la recherche d’un emploi, les touristes venus prendre un bain de mer et les différentes associations et collectifs pour ou contre les projets immobiliers de Moorea… l'assemblée et l'ambiance étaient particulièrement éclectiques.
 
O oe to oe rima pour le projet hôtelier de Temae
 
Le collectif Faahotu ia Eimeho Nui se présente en faveur de “la protection et la création de l’emploi et le développement de l’économie”. “Car il y a eu beaucoup d’emplois perdus”, défend le porte-parole du collectif et syndicaliste bien connu : Atonia Teriinohorai, secrétaire général de la confédération O oe to oe rima. Les personnes sans emploi de l’île sœur devaient donc émarger sur une “fiche d’inscription” en précisant leur identité, leur numéro de téléphone… et même leur nom de profil Facebook ! “À partir de là, dès qu’il y aura des entreprises qui vont être créées, ils auront la priorité, c’est cela le combat”, assure Atonia Teriinohorai, également originaire de Moorea.
 
C’est en effet l’objectif que s’est fixé le collectif créé il y a une semaine par “des amis, des copains qui ont perdu leur emploi”, indique le secrétaire général de O oe to oe rima. “Aujourd’hui au niveau de la CPS, ça se dégrade”, justifie Atonia Teriinohorai. Mais plus intéressant, le syndicaliste affirme notamment qu’il soutient le projet hôtelier du groupe Wane sur la plage de Temae. Et ceci, même si la plage risque d’être privatisée. “La loi stipule qu’on ne peut pas nous interdire d’aller à la plage, c’est un droit”, défend le syndicaliste.
 
“Qui est derrière tout cela ?”
 
Non invité à la fête, mais venu entendre ce nouveau collectif, le        était présent samedi à Tooatea. Membre du Cascem, Rahiti Buchin juge “désolant” de ne pas avoir été convié pour cette opération. Surtout lorsqu'il entend le message subliminal de “Faahotu ia Eimeho Nui” pour la promotion des projets immobiliers à Moorea. Il propose une consultation populaire pour connaître l'état d'esprit de la population de Moorea sur ces projets. “On verra si massivement la population est pour ou contre cette zone de développement prioritaire”, annonce Rahiti Buchin, précisant qu’il acceptera les résultats d'une telle consultation quels qu’ils soient. Ueva Maihi, fils du tāvana défunt de Moorea Teriitepaiatua Maihi, et membre du Cascem précise : “On veut bien qu’il y ait des projets à Moorea, mais que cela soit mesuré et qu’on en parle avec la population. (…) Mon papa s’est battu pendant plus de 30 ans pour préserver cette situation et je crois qu’aujourd’hui il doit se retourner dans sa tombe”.
 
Mais surtout, ce sont les moyens utilisés samedi par ce nouveau collectif qui ont étonné. Deux bus pour le transport, des chapiteaux, tables, chaises, une sono, une scène sur laquelle s’est produit le groupe de danse de Papetoai dirigé par une élue de la majorité du maire de Moorea, Evans Haumani, et enfin une distribution de 1 000 plats préparés… “La vraie question, c'est qui est derrière tout ça ? D’où vient tout ce financement pour un collectif qui s’est monté la semaine dernière ? Avec notre association, même en un an, on n’aurait pas réuni autant de fonds", interroge Ueva Maihi.
 
Questionné à ce sujet, le syndicaliste Atonia Teriinohorahi n'a pas été très éclairant… Il a d’abord assuré qu'il s'agissait de “financements du collectif”, avant de parler “des aides, on ne paie pas”, ou encore de matériel “offert par la famille, (…) c’est gratuit” et enfin en annonçant qu'il avait payé avec ses propres deniers... “Je ne suis pas riche mais j’ai quand même 80 000 Fcfp par mois”. “Je vais négocier avec eux, c’est mon rôle de négocier, je suis un négociateur. Et demain s’il y a des soirées c’est eux qui vont être pris”, s'est embrouillé Atonia Teriinohorai à propos du matériel de sonorisation mis à sa disposition…
 
Enfin, le porte-parole du nouveau collectif a affirmé qu'il travaillait en “partenariat” avec la commune de Moorea-Maiao. Propos pourtant démentis par le tāvana de Teavaro, Ronald Teariki : “Le collectif a tout fait par lui-même”.
 

Ronald Teariki, tāvana de Teavaro : “70% des foyers n’ont plus rien”

Vous êtes venu soutenir le collectif ?

“Je suis venu à l’invitation du collectif qui nous a demandé notre implication, surtout par rapport à tous les demandeurs d’emploi. Il faut savoir qu’à Moorea, depuis un an et demi, il y a 70% des foyers qui n’ont plus rien. Ils n’ont que du pain sur leur table pour pouvoir manger. C’est réconfortant aussi pour nous qu’un collectif appelle les jeunes qui n’ont pas de travail pour pouvoir les répertorier.”
 
Vous êtes pour la création d’emploi tout en étant vigilant à l'impact des projets ?

“Certainement. La décision finale reviendra à la commune qui la prendra avec sa population ainsi que le Pays, c’est sûr. On ne peut pas non plus tout accepter, il faut qu’on sache aussi ce qui va se faire.”
 

Alain Bonno, président de l’association des Habitants de Temae : “Il faut que ce soit des emplois durables”

“On n’a pas été invités, nous qui sommes contre ces projets. Le problème c'est qu'il n’y a toujours pas de concertation. C’est une espèce de diktat qui nous est imposé sur Moorea. L’emploi, on n’est pas contre, mais il faut que ce soit des emplois durables et qui permettent aux gens de pouvoir accéder au logement, d’acheter de la bonne nourriture et pas des PPN qui ne sont composés d’aucun aliment de l’île… (…) Si on nous ferme la mer, on nous ferme le garde-manger. Le garde-manger aujourd’hui est dans l’eau, dans la mer et sur la terre. Et les Polynésiens savent travailler avec”.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 8 Novembre 2021 à 15:18 | Lu 1497 fois