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Un collectif italien envoie un bateau témoigner du drame des migrants


Rome, Italie | AFP | jeudi 04/10/2018 - A rebours de la politique anti-migrants du gouvernement italien, un collectif d'associations, d'intellectuels et de politiques a annoncé jeudi avoir affrété un bateau parti patrouiller au large de la Libye, où les secours aux migrants ont été quasiment suspendus.

Cette annonce intervient le jour où l'Aquarius, principal navire humanitaire encore actif en Méditerranée centrale mais menacé de perdre son pavillon panaméen, est rentré à Marseille (sud de la France).
Battant pavillon italien et long de 37 mètres (contre 77 mètres pour l'Aquarius), le Mare Jonio n'est pas conçu pour secourir et convoyer des migrants en perdition, même s'il est équipé pour.
Sa mission principale sera de "surveiller, témoigner et dénoncer" ce qui se passe dans cette zone "frontière" transformée "en cimetière", ont expliqué les membres du collectif "Mediterranea" lors d'une conférence de presse.
Cet ancien remorqueur acheté et réaménagé par le collectif est parti mercredi soir du port d'Augusta, dans l'est de la Sicile, et faisait route jeudi vers le sud.
Alors qu'un rapport d'experts a fait état d'une moyenne de huit morts par jour en septembre au large de la Libye, le collectif veut "vaincre la peur et le mépris avec la solidarité et l'humanité", a expliqué Ada Talarico, membre de "Mediterranea".
"Nous voulons nous sauver nous-mêmes d'un présent et d'un avenir de haine et d'intolérance", a-t-elle ajouté.
Pour le collectif, le pavillon italien représente une force, dans la mesure où le navire est de fait territoire italien, mais signifie aussi que les autorités italiennes peuvent l'aborder à tout moment.
"Le niveau de risque dépend du soutien que les Italiens nous apporteront", a assuré Alessandra Sciurba, une autre membre du collectif.
 

 - Appel aux dons -

 
L'essentiel du budget actuel, évalué à 700.000 euros, a été réuni grâce à un prêt de la Banca Etica, pour lequel des associations et des parlementaires de gauche se sont portés garants.
Pour rembourser le prêt, le collectif a lancé jeudi un appel aux dons sur internet.
Le Mare Jonio doit être accompagné d'un plus petit bateau avec à bord des représentants des associations participantes et des journalistes, et coordonnera son action avec l'Astral, un voilier de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms, reparti d'Espagne il y a quelques jours pour mener une mission similaire.
Mercredi, l'Astral était au large de Lampedusa, pour commémorer le 5e anniversaire du naufrage qui avait fait au moins 366 morts le 3 octobre 2013 au large de la petite île italienne, la plus proche des côtes libyennes.
Ce drame avait plongé l'Italie dans le deuil et provoqué le lancement de la vaste opération militaire de secours Mare Nostrum, avant qu'une succession d'autres naufrages ne pousse l'Union européenne et des ONG à envoyer des navires de secours.
Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 15.000 migrants sont morts ou disparus en Méditerranée centrale depuis le naufrage de Lampedusa. Dans le même temps, l'Italie a vu plus de 600.000 migrants débarquer sur ses côtes, tandis que ses voisins fermaient leur frontière.
En 2017, le gouvernement italien de centre gauche a conclu des accords controversés en Libye pour freiner les départs et a cherché à limiter l'action des ONG. Mais depuis juin, le nouveau ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), refuse l'accès aux ports italiens aux navires -- civils comme militaires -- portant secours aux migrants.
Si certaines ONG ont été accusées d'aide à l'immigration clandestine, M. Salvini fait pour sa part l'objet d'une enquête pour séquestration, pour avoir refusé de laisser débarquer des migrants secourus par les garde-côtes italiens.
Le très populaire ministre a cependant annoncé jeudi un grand pas en avant dans sa politique de fermeté: le président Sergio Mattarella a signé son décret-loi sur la sécurité et l'immigration, qui entre immédiatement en vigueur mais devra être validé dans les deux mois par le Parlement.
Ce texte très controversé prévoit la quasi-suppression des permis de séjour humanitaires -- qui représentaient 60% des permis accordés ces dernières années --, une suspension de la demande d'asile en cas de délit, une réduction drastique des fonds disponibles pour l'accueil et l'intégration et le regroupement des demandeurs dans de grands centres.

le Jeudi 4 Octobre 2018 à 06:14 | Lu 576 fois