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Un 5-Mars en demi-teinte


C'est aussi ça le 5-mars, le bal des dames au chapeau.
C'est aussi ça le 5-mars, le bal des dames au chapeau.
Tahiti, le 5 mars 2024 – Alors que l'Église protestante célébrait ce mardi l'arrivée de l'évangile, soit 227 ans d'histoire en terre mā'ohi, cette dernière dresse un bilan mitigé quant à son évolution et doit dorénavant faire face à de nouvelles problématiques, notamment concernant la jeunesse et la foi.
 
“Nous sommes là aujourd'hui car c'est une date importante, non pas pour l'Église protestante uniquement, mais pour le peuple mā'ohi surtout”, a assuré le pasteur et président de l'Église protestante mā'ohi, François Pihaatae, à l'ouverture des célébrations de l'arrivée de l'Évangile qui ont eu lieu au temple Evaneria de Taunoa ce mardi. “Cette date du 5 mars 1797, il faut le rappeler, était une prophétie annoncée par Vaita, tahu'a de Ra'iātea, qui disait déjà à l'époque qu'une pirogue sans balancier allait venir et tout changer en terre mā'ohi, et que des oiseaux sacrés de l'océan, des manu mo'a, les évangiles donc, viendraient avec cette nouvelle parole : la parole du Seigneur.”
 
227 ans plus tard, à cette même date, l'Église protestante mā'ohi accueille au sein de ses paroisses des fidèles, certes, mais des Mā'ohi fiers de leur langue surtout : “La grande réussite de ce processus qu'a été l'évangélisation, c'est la traduction de la Bible en tahitien. C'est vraiment ce qui a permis la préservation de la langue mā'ohi. Et c'est pourquoi, aujourd'hui encore, l'Église protestante assure fermement être toujours la garante de la protection de la langue polynésienne”, affirme François Pihaatae.
 
Une jeunesse absente
 
En revanche, si l'Église protestante, cette grande dame, a su jouer un rôle primordial dans la préservation de la langue locale, elle peine aujourd'hui à garder ses enfants sous son toit. En effet, alors que māmā 'ū et pāpā 'ū ont fait le déplacement jusqu'au temple Evaneria, ce mardi, afin de commémorer l'arrivée de l'Évangile en Polynésie, force était de constater l'absence évidente de la jeunesse à ces célébrations.
 
“Nous avons toujours eu beaucoup d'intérêt pour la jeunesse de l'Église. Et nous avons toujours œuvré pour cette jeunesse. En revanche, c'est une réalité, la jeunesse actuelle ne participe plus autant à la vie de l'Église, comme cela a pu être le cas avant”, témoigne Claude Tetuaiteroi, évangéliste de la paroisse Evaneria de Taunoa. “Aujourd'hui, il y a beaucoup de distractions, avec notamment internet, les réseaux sociaux et les écrans. L'Église protestante n'a, pour le moment, pas ces moyens à disposition. Donc très certainement qu'il y a un manque au sein de l'organisation de l'Église concernant les besoins de cette jeunesse. En tout cas, c'est mon humble avis. Mais nous gardons espoir, nous continuons à nous mobiliser pour cette jeunesse en espérant qu'elle retrouve son identité spirituelle.”
 
Choisir entre Dieu ou Ta'aroa
 
Et outre la jeunesse qui se détourne petit à petit du chemin de Dieu, l'Église fait également face à d'autres problématiques relatives à la foi. En effet, en 227 ans, la parole enseignée a beaucoup évolué et de profonds changements ont été observés au sein de l'Église. Claude Tetuaiteroi ne cache pas son chagrin : “La parole du Seigneur n'est plus la même qu'il y a 227 ans. Elle n'est plus authentique, unique. Aujourd'hui, au sein de l'Église protestante, on distingue deux groupes de personnes : les conservateurs, fidèles à la parole originale, et les autres qui se sont orientés vers Ta'aroa. C'est très difficile aujourd'hui de réunir tout le monde sous une même bannière.”

Juste derrière le mur de l'église, la jeunesse s'adonne à un tout autre culte : celui des écrans !
Juste derrière le mur de l'église, la jeunesse s'adonne à un tout autre culte : celui des écrans !

Rédigé par Wendy Cowan le Mardi 5 Mars 2024 à 14:34 | Lu 3172 fois