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Traitement des boat-people par l’Australie : l’ONU retape du poing sur la table


Traitement des boat-people par l’Australie : l’ONU retape du poing sur la table
GENÈVE, vendredi 23 août 2013 (Flash d’Océanie) – Le Comité des Droits de l'homme de l'ONU, qui relève du Haut-commissariat aux Droits de l’Homme, s’est une nouvelle fois insurgé contre le traitement des demandeurs d’asile arrivés et interceptés à bord de bateau au large des côtes australiennes.
Ce coup de semonce onusien intervenait en référence à la situation particulière de 46 de ces réfugiés, auxquels le droit d’obtenir un visa a été dénié, malgré le fait qu’ils aient été reconnus comme étant de sincères réfugiés.
Ce comité onusien, composé de 18 experts indépendants, a affirmé jeudi par voie de communiqué que « la détention indéfinie, par les autorités australiennes, de 46 réfugiés pour des raisons de sécurité constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant, qui inflige un grave préjudice psychologique. »
Ce comité a par ailleurs une nouvelle fois demandé aux autorités australiennes de libérer les réfugiés ayant été détenus dans des camps de rétention « pendant au moins deux ans et demi, et de leur octroyer une indemnisation appropriée ».
42 des réfugiés sont des Tamouls de Sri Lanka, trois sont des Rohingyas du Myanmar et un est Koweitien.
Ils sont arrivés en Australie entre mars 2009 et décembre 2010.
À la suite du traitement qu’ils ont subi et n’ayant pas été en mesure de contester la légalité de leur détention devant la justice australienne, ils avaient porté plainte auprès du Comité des droits de l'homme
Dans cette affaire, le comité onusien a estimé que leur détention était « arbitraire » et constituait une « violation » des traités internationaux relatifs aux droits civils et politiques.
Ce pacte interdit aux parties signataires « d'infliger un traitement cruel, inhumain et dégradant » et l'Australie est tenue de « fournir des réparations à ces 46 personnes. Cela inclut leur libération et des compensations appropriées ».
De son coté, le gouvernement australien avait motivé sa réponse par le fait qu’il considérait ces individus comme une menace potentielle à la sécurité nationale.
Toutefois les détenus intéressés affirment ne jamais avoir eu connaissance de ces motifs et donc de la raison pour laquelle ils étaient soumis à cette détention.
« Ils ont donc été privés de recours en justice contre leur détention indéfinie », précise l’ONU.
Pour le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), ces personnes ont bel et bien été reconnues comme des réfugiés.
« (Ils) ne peuvent pas retourner dans leurs pays d'origine. Ils n'ont cependant pas obtenu de visa les permettant de rester en Australie puisqu'ils sont perçus comme un risque sécuritaire, et ils sont donc enfermés dans des centres de détention d'immigration », a expliqué le Haut-commissariat dans un communiqué.
Le HCDH, dans son verdict rendu le 25 juillet 2013, mais seulement publié cette semaine, rappelle par ailleurs un argument déjà avancé à plusieurs reprises par ses services, à savoir que les réfugiés ont subi des « préjudice psychologiques graves » et causés par l’accumulation de facteurs tels que «le caractère arbitraire de la détention, sa durée longue et indéfinie, le déni d'information et de droits de recours en justice, ainsi que les conditions difficiles de détention ».
Depuis août 2012, sur recommandation d’un comité d’experts nommé pour l’occasion, le gouvernement australien a par ailleurs réactivé ce qu’il est convenu d’appeler la « solution océanienne ».
Cette solution se matérialise par deux camps extraterritoriaux situés en Océanie, l’un sur l’île papoue de Manus, l’autre sur l’île de Nauru.
Ces derniers mois, sur fond de campagne électorale à l’approche des législatives devant se tenir le 7 septembre 2013, dans un contexte qui donne le parti travailliste au pouvoir régulièrement perdant dans les sondages, le gouvernement sortant a multiplié les annonces et les accords avec les gouvernements papou et nauruan.
Ces deux gouvernements ont ainsi, mi-juillet et début août 2013, accepté que désormais, tout demandeur d’asile intercepté en chemin vers l’Australie par bateau soit systématiquement déporté vers l’un ou l’autre de ces camps du Pacifique, où les protestations, actes d’automutilation, voire émeutes se succèdent à un rythme régulier.
Ce faisant, ces deux pays ont obtenu des augmentations substantielles de leurs enveloppes australiennes d’aide au développement.
Pour Nauru (État océanien peuplé de moins de dix mille habitants), l’enveloppe promise se situerait dans les parages de 330 millions d'euros pour des projets dans le domaine des infrastructures.

Pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le coût de la « solution papoue » se situerait aux alentours de 1,1 milliard de dollars australiens, sur les quatre années à venir, et 194 millions de dollars australiens en frais de fonctionnement pour le seul exercice 2013-2014, selon les provisions effectuées dans le budget courant de ce pays.
L’Australie entend récupérer une partie de ces frais par une réduction espérée des coûts de fonctionnements de ses camps de rétention situés sur l’île-continent, pour un montant espéré de 423 millions de dollars australiens d’ici à 2017.
Une autre manière de rediriger des ressources disponibles a été particulièrement critiquée par l’opposition australienne : il s’agirait de ralentir le rythme de croissance du budget de l’aide internationale au développement, en particulier pour cette région océanienne.

Deux autres pays océaniens auraient aussi été contacté ces dernières semaines par Canberra, pour héberger un camp du même type : les îles Salomon et Vanuatu.
Les gouvernements de ces deux archipels mélanésiens ont tous deux refusé.

Il y a quelques jours, un recours a été déposé au nom d’un demandeur d’asile déjà expulsé vers le camp de Manus.
Ce recours conteste de manière générale la légalité de l’installation de ce camp.
Le gouvernement australien, par la voix de son Attorney General Mark Dreyfus, affirme depuis que ce dossier n’as pas suffisamment de substance pour atteindre les salles d’audience de la Cour fédérale australienne.
« Il n’y aura aucune interruption de nos transferts, qui se poursuivent. La politique du gouvernement australien se poursuivra et sera pleinement appliquée », a-t-il indiqué le 19 août 2013, tout en rappelant que cette stratégie dure avait pour principal objectif de dissuader les passeurs (pour la plupart basés en Indonésie, grand voisin au Nord de l’Australie) et de faire passer le message selon lequel « il n’y a aucun avantage (pour les demandeurs d’asile et les passeurs) à continuer à vouloir atteindre les côtes australiennes ».
Le ministre de l’immigration et de la citoyenneté, Tony Burke, affirme pour sa part que cette stratégie, depuis sa mise en œuvre, commence à porter les effets dissuasifs escomptés dans les pays source et en Indonésie, chez les passeurs.


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L’ONU critique aussi la solution papoue

Traitement des boat-people par l’Australie : l’ONU retape du poing sur la table
Après la signature de la dernière édition de l’accord avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, une nouvelle fois, le Haut-commissariat de l’ONU aux Réfugiés (UNHCR) s’indignait une fois de plus en estimant, dans un langage très onusien, que cet accord « présente des défis en matière de protection »

Lors d’une conférence de presse le 26 juillet 2013 au Palais des Nations à Genève, le HCR s’est exprimé concernant les demandeurs d'asile arrivant en Australie par bateau.
Au regard des mesures annoncées par le gouvernement australien le 19 juillet 2013, « Nous reconnaissons que ces mesures sont prises dans le contexte d'une augmentation des arrivées de personnes exploitées qui entreprennent ce dangereux voyage en mer – avec notamment un nombre inquiétant de familles, d'enfants non accompagnés et d'autres personnes vulnérables.
Nous partageons la préoccupation de l'Australie face au danger mortel que représentent ces voyages et nous associons à son engagement à aborder les défis complexes que posent ces arrivées pour l'Australie et d'autres pays de la région.
Le HCR remercie les autorités australiennes et indonésiennes responsables de la recherche et du sauvetage de veiller à ce que les pertes humaines dans le cadre de ces voyages s'arrêtent là.
Le HCR souligne également la générosité dont fait preuve l'Australie dans le cadre de la réinstallation des réfugiés.
En ce qui concerne ces nouvelles mesures, le HCR est préoccupé par l'absence actuelle de normes pertinentes en matière de protection des demandeurs d'asile et des réfugiés en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
L'arrangement régional de réinstallation conclu entre l'Australie et le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée soulève de sérieuses questions en matière de sécurité qui n'ont jusque-là pas été abordées.
Sur la base de visites en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'évaluation du HCR conclut que le cadre juridique pour la réception et le traitement des demandeurs d'asile en provenance d'Australie présente des lacunes importantes et met notamment en évidence un manque de capacité et d'expertise nationales en matière de traitement et les mauvaises conditions physiques dans les installations de détention ouvertes et les installations de détention obligatoire et arbitraire.
Ces lacunes peuvent s'avérer préjudiciables au bien-être physique et psychosocial des personnes transférées, en particulier pour les familles et les enfants.

Si le HCR comprend que plusieurs problèmes sont pris en charge, il reste préoccupé par la perspective de transferts supplémentaires en vertu du nouvel arrangement régional en l'absence de garanties pertinentes en matière de protection, vers des installations qui resteront temporaires sur l'île de Manus dans un avenir prévisible.

L'arrangement envisage également une installation permanente en Papouasie-Nouvelle-Guinée des réfugiés reconnus, sans aucune perspective de réinstallation en Australie.
Sur la base de son expérience acquise en matière de soutien des réfugiés mélanésien et non mélanésien depuis plus de 30 ans, le HCR sait que l'intégration durable des réfugiés non mélanésiens dans la vie socio-économique et culturelle de la Papouasie-Nouvelle-Guinée va poser d'énormes défis et soulever des questions en matière de protection.

Le HCR considère que, dans le contexte des arrangements de transfert, l'Australie conserve une responsabilité partagée avec la PNG d'assurer le respect des normes juridiques pertinentes.
Ces normes doivent comprendre un accès à des solutions durables en Australie.
Par principe, le HCR recommande toujours que les pays offrent aux réfugiés la protection sur leur territoire, peu importe la manière dont ils sont arrivés.

La semaine dernière (mi-juillet 2013), le HCR a rencontré les représentants du gouvernement australien à Genève et Canberra, et continue de discuter avec l'Australie et la PNG des défis très importants politiques, juridiques et opérationnels auxquels ils sont confrontés pour garantir une protection adéquate aux demandeurs d'asile et aux réfugiés affectés par l'arrangement régional.

Dans l'ensemble, le HCR estime que des efforts de coopérations plus intenses devront être mis en œuvre afin de remédier aux enjeux complexes liés aux mouvements maritimes irréguliers.
L'objectif principal doit rester de trouver des manières pour compléter – plutôt que miner – les systèmes nationaux en matière d'asile sur la base des principes fondamentaux de la Convention de 1951 relative aux réfugiés.
C'est un élément important pour les pays impliqués, pour le système international en matière d'asile et pour toutes les personnes qui ont besoin d'une protection internationale. »

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Rédigé par PAD le Vendredi 23 Août 2013 à 05:57 | Lu 1083 fois