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Tahiarii Yoram Pariente, guide éclairé


TAHITI, le 7 juillet 2021 - Après avoir parcouru le monde et amassé nombre de connaissances, Tahiarii Yoram Pariente est retourné à la source, sa source. Il s’est installé sur la terre de ses ancêtres, des ascendants directs de la dernière bataille de résistance polynésienne à Raiatea. Depuis, il évolue au milieu de la nature qui l’entoure et de la culture qui le berce. Deux piliers qu’il partage avec les plus curieux.

"Longez une rivière d’eau claire et explorez la vallée de Tepuhapa à l’ouest de Raiatea à la découverte de pétroglyphes, mémoire de l’ancienne civilisation polynésienne. Découvrez les histoires du clan des Tainuu, ancêtres de cette vallée mystique à travers une jungle tropicale abondante. Durée : 2 heures ; niveau de difficulté : 1. Possibilité de baignade dans des bassins des rivières. Multitude de fougères et nombreuses variétés de bambous à découvrir." Cette description est celle du prochain rendez-vous donné par l’agence de voyage Polynesian Escape. Il s’agit d’un tour nature organisé dans quelques jours à Raiatea.

Polynesian Escape est une société spécialisée dans l’organisation d’excursion et d’aventures en Polynésie. Elle a été fondée en 2017 par Tahiarii Yoram Pariente, un chercheur, navigateur, conférencier, ambassadeur culturel.

Descendant des Tainuu

"Je suis un cocktail de fruit", lance-t-il en préambule. Il est descendant direct de résistants, des ancêtres ayant participé à la dernière bataille de résistance polynésienne contre la France en 1897, à Raiatea. La terre de ses ancêtres se trouve au point le plus à l’ouest de l’île sacrée. Elle était au clan Tainuu dont "les membres ont été faits prisonniers, mais mon arrière, arrière grand-mère a pu s’échapper." Sa mère est héritière du clan et de son histoire. Tahiarii, lui, est né à Papeete en 1975.

Il a grandi à Cherbourg, en métropole, la terre de son père adoptif. "Je revenais régulièrement en Polynésie, mais j’ai été arraché d’ici pour grandir chez les Gaulois", raconte-t-il. Jusqu’à l’âge de ses 12 ans, il a fait des allers-retours entre la France et la Polynésie. Puis, à 12 ans, il est revenu à Tahiti. Sa mère, hôtesse de l’air, l’a fait voyager dans de nombreuses îles. Il a également séjourné très souvent en Nouvelle-Zélande. Il parle de ce fait anglais et français, selon les situations, sans avoir à se poser de questions.

Rester soi-même

Il a étudié en Polynésie, à l’université. Au départ, il était question d’informatique, puis de commerce. Il a étudié en Australie, entre 1996 et 1999. Danseur de ‘ori tahiti, mannequin, il a visité le monde dans ses jeunes années. "C’était grisant, mais j’étais conscience que cela avait ses limites. Je savais que je ne deviendrai pas un top du milieu, ils se comptent sur les doigts d’une main. J’ai défilé avec eux, pour les plus grands couturiers, mais cela devait s’arrêter là." Il ne regrette aucunement cette période de vie, au contraire. Les voyages et rencontres lui ont "ouvert l’esprit". Son expérience de mannequin et danseur lui a permis "d’apprivoiser la scène, le public, les foules". Aujourd’hui, il peut s’exprimer devant un public de touristes ou stagiaires sans avoir le trac, en restant lui-même. Il reste authentique qu’il se trouve face "à un roi ou à un paysan", confie-t-il. Il n’a aucune crainte à dire ce qu’il pense.

En 2003, il a séjourné en Nouvelle-Calédonie, "mais ça ne m’a pas plu". En 2004, il était à Bora Bora. "De retour en Polynésie, la panacée était pour ceux qui avait réussi à devenir directeur de quelque chose, de porter une chemise et d’avoir des cartes de visites à distribuer." Tahiarii Yoram Pariente a monté sa société d’informatique. Elle a tenu quatre ans. Quatre années pendant lesquelles il a partagé sa vie entre ses obligations professionnelles et ses divers engagements culturels et associatifs.

En janvier 2008, il a rencontré Francis Cowan, un des derniers grands navigateurs. En effet, le vent le poussait doucement, mais surement, à rejoindre Hawaii pour apprendre la navigation traditionnelle. Il était encouragé dans sa démarche par le maître navigateur des îles Cook Tua Pittman. Lui-même avait appris ce qu’il savait dans l’archipel hawaïen. "En 2007, sur le marae Taputapuātea, des connexions s’étaient faites lors de diverses rencontres." Tahiarii Yoram Pariente, qui sentait venir une crise économique, se disait qu’il était temps de vivre sa passion. Avec 100 dollars en poche, il a rejoint Hawaii. "Riche de ma lignée, je suis allé à Hokoluea."

Récupérer le savoir de ses ancêtres

En arrivant, "j’ai dû, en quelque sorte, m’imposer. Je suis arrivé en disant : 'Je viens récupérer le savoir de mes ancêtres de Raiatea.'" Tahiarii Yoram Pariente a été accueilli, choyé, nourri, logé et "éduqué". Pendant dix ans ou presque, il a navigué en Océanie, revenant ponctuellement en Polynésie française. Il s’est nourri de la culture océanienne, a partagé son histoire. En cours de route, il est rentré en métropole (à Cherbourg) pour passer un diplôme de navigation, le BC 200. Un diplôme qu’il a obtenu en 2009. L’année suivante, il a pris la mer à bord de la pirogue Te Matau a Maui, parcourant plus 3 300 miles nautiques au sein de la flotte Tavaru. Cette flotte comptait sept pirogues. "J’ai traversé les océans avec la lune et les étoiles et j’ai vécu ma culture… S’il y a une chose que je retiens, c’est que je ne peux l’expliquer, mais je peux aider à la ressentir et à la vivre."

Durant cette expédition depuis la Nouvelle-Zélande jusqu'à Rarotonga via Tahiti, il a pratiqué l'art du chemin des étoiles ('avei'a) et de l'orientation non-instrumentale. Il a également vécu deux ans à Londres "où il y a une grande communauté maori", signale-t-il. Il a parfait ses connaissances des objets en fréquentant les musées européens, ainsi que ceux d’autres pays du monde. Il est d’ailleurs souvent invité à restaurer d'anciens artefacts. Il a "bourlingué" en Ukraine, en Ecosse, en Turquie, libre. "Je n’avais pas de compte en banque, pas de téléphone, pas d’attaches".

En 2015, il a eu 40 ans. "Je me suis dit que, doucement, je devais rentrer." Son objectif en 2008, en partant pour Hawaii, était en effet d’aller chercher des connaissances pour les ramener un jour sur la terre de ses ancêtres. Il lui a fallu pour cela réintégrer le système, se fixer. "J’étais un peu décalé." Il a travaillé pour des ONG dans un premier temps. Il a suivi une année de licence en linguistique pour parfaire sa connaissance de la langue tahitienne.

Monter une école de voile

En 2018, il a été contacté pour devenir directeur de la Tetiaroa Society alors qu’il envisageait de devenir guide de randonnée. Il a accepté la mission. "Une expérience enrichissante" à laquelle il a mis un terme lorsque ses valeurs ont été bousculées. "Cela a été néanmoins une transition dont j’avais besoin." Il a pu mettre à profit ses connaissances culturelles, scientifiques, maritimes… Il a intégré ensuite le comité de pilotage du diplôme de guide de randonnée aquatique, a assuré des formations de guide lagonaire. Un jour, enfin, il a pu poser ses valises sur la terre de ses ancêtres, au pied du marae familial. C’était il y a quelques mois. Il y construit sa maison.

Avec sa société Polynesian Escape, il propose des excursions, aux touristes et, de plus en plus, aux résidents. À Raiatea, il y a quelques années, il a rencontré Alexandre, de Viper Va’a. "Il allait mettre à l’eau la pirogue qu’il avait fabriquée. Il cherchait quelqu’un qui savait naviguer." Les deux hommes, complémentaires, ont tôt fait de se comprendre et de s’entendre. L’un fabrique des embarcations originales que l’autre pilote. Ensemble, ils partagent et transmettent leurs savoirs et savoir-faire. "Mon rêve ?", conclue Tahiarii Yoram Pariente, "monter à terme une école de voile, un centre ou une sorte d’académie".

Contacts

[email protected]
FB : Polynesian Escape

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 7 Juillet 2021 à 16:57 | Lu 3049 fois