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Six ans pour un coup de couteau


Tahiti, le 23 février 2022 – Au terme de deux jours de procès devant la cour d'assises, l'ancien mécanicien poursuivi pour avoir involontairement donné la mort au petit ami de sa fille en le poignardant a été condamné à six ans de prison. Le drame avait eu lieu à Outumaoro le 28 décembre 2016. Lors de sa plaidoirie, son avocat a plaidé la légitime défense.

Le procès d'un père de famille pour des coups mortels, portés sur le compagnon de sa fille en décembre 2018 à Outumaoro, s'est achevé mercredi soir par une condamnation de l'accusé à six ans de prison. En ce deuxième jour de procès et après l'audition des experts et du médecin légiste, la parole avait été donnée à l'avocate de la famille de la victime, Me Esther Revault, qui s'est attelée lors de sa plaidoirie à démonter tous les potentiels arguments qui seraient soulevés plus tard par son confrère et conseil de l'accusé, Me James Lau. “L'accusé n'a pas évolué dans sa stratégie de défense et a posé des jalons qui consistent à conclure qu'il n'a rien fait de mal”.

Évoquant la thèse de la légitime défense alors que Me James Lau avait indiqué plus tôt qu'il allait la plaider, Me Revault l'a exclue en rappelant que l'accusé avait pris un couteau “avant même d'avoir vu la victime” et ce, alors qu'il savait qu'il s'agissait du compagnon de sa fille. Sur l'état de santé de l'accusé, qui est diabétique et a dû subir une greffe de rein il y a plusieurs années, l'avocate s'est indignée que l'on puisse croire que l'on est “susceptible de commettre les pires atrocités car on manque de sucre”. Enfin, sur le contexte dans lequel la victime avait été poignardée, Me Revault a exclu la thèse de l'accusé selon laquelle le jeune homme s'était “embroché” sur le couteau en soulignant que le couteau avait été “planté droit”, et qu'il avait fallu pour cela que l'accusé soit “solide sur ses appuis”. 
 
Une victime morte “seule”
 
Un “tyran domestique”, une “personnalité calculatrice qui cherche à échapper à ses responsabilités” : après la première charge portée par Me Revault, c'est l'avocat général qui a ensuite donné sa vision des faits tels qu'ils avaient pu se produire le 28 décembre 2016. “L'accusé a pris le couteau car il voulait avoir une explication avec la victime et l'intimider. Il n'avait aucune lésion et disait pourtant avoir été roué de coups”. Selon le représentant du ministère public, si la blessure mortelle du jeune Manava avait relevé d'un accident, l'accusé aurait tenté de le sauver. “La victime s'est vidée de son sang et lorsque l'accusé a retiré le manche du couteau sur lequel se trouvait de la chair, il ne lui a pas pour autant porté secours.” Alors que l'accusé encourait jusqu'à vingt ans de prison, l'avocat général en a finalement requis dix. 

“Usage disproportionné”
 
Tel qu'il l'avait préalablement annoncé, le conseil de l'accusé, Me James Lau, a axé la défense de son client sur la notion de légitime défense. Il a assuré qu'en raison de ses problèmes de diabète, l'accusé était “confus” le matin des faits. Il a surtout défendu la thèse selon laquelle c'est la victime qui avait agressé l'ancien mécanicien et que ce dernier, même s'il était armé d'un couteau, n'en n'avait pas fait un “usage disproportionné” puisqu'il ne s'en était pas servi pour attaquer la victime. 
 

Les experts à la barre

En ce deuxième jour de procès, l'expert-psychiatre et le psychologue ayant participé au dossier se sont relayés à la barre pour évoquer un accusé doué de “facultés intellectuelles normales” et “indemne de toute pathologie mentale”. Ils ont décrit un individu souffrant d'une “certaine rigidité” qui tenaient à ce que ses enfants “soient bien éduqués” en mettant cette rigidité sur le compte de l'enfance de l'accusé, dont les trois sœurs étaient tombées enceintes alors qu'elles n'étaient que des adolescentes. 

L'expert psychiatre, qui avait affirmé dans un premier temps que le discernement de l'accusé avait pu être altéré en raison de l'injection d'une trop forte dose d'insuline la veille des faits, est ensuite revenu sur ses déclarations. Le médecin a expliqué que durant l'instruction, il avait fait hospitaliser l'accusé dans son service afin de lui injecter la même surdose d'insuline à la même heure que le soir précédant le drame. Les analyses effectuées à l'aube le lendemain matin avaient permis de démontrer que l'accusé présentait une glycémie “parfaite”. “Ma deuxième conclusion allait à l'inverse de la première, c’est-à-dire que l'accusé était entièrement responsable le matin des faits”, a -t-il ainsi conclu.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 23 Février 2022 à 21:43 | Lu 1869 fois