Tahiti Infos

Sébastien Lecornu : ​“Nous souhaitons qu’Air Tahiti Nui continue à voler”


Tahiti, le 11 mai 2021 – Le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a accordé une interview à Tahiti Infos pour préciser certains points de son discours sur la réouverture des frontières, évoquer l'avenir d'Air Tahiti Nui et la signature à venir de la convention Santé.
 
Pourquoi avoir autorisé dès à présent l'ouverture des frontières aériennes aux touristes en provenance des États-Unis, mais attendre une vaccination suffisante de la population polynésienne avant d'ouvrir aux touristes en provenance de métropole alors que l'hexagone engage sa sortie de confinement ?

“Il faut trouver le bon équilibre entre protection sanitaire et reprise économique. Aujourd’hui, la progression de la vaccination et la baisse du taux d’incidence dans certains pays, et plus précisément aux États-Unis, nous permettent une relance économique progressive tout en préservant la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Une réouverture encadrée par un protocole sanitaire strict, auquel je me suis bien entendu soumis, ainsi que mes conseillers, en arrivant au fenua. Évidemment, comme l’a affirmé le haut-commissaire, ces mesures sont réversibles en fonction de l’évolution de la situation sanitaire en Polynésie française et dans les pays concernés. Pour une ouverture plus large, y compris aux touristes français, nous devons nous assurer que la vaccination avance aussi bien en Polynésie que dans l’Hexagone.”
 
En juillet 2020, la décision de rouvrir les frontières avec un protocole sanitaire strict en Polynésie française avait été prise pour permettre de relancer localement l'économie touristique. S'en était suivie une introduction du virus et une première vague épidémique pour les hôpitaux polynésiens. Aujourd'hui les restrictions aux frontières sont maintenues pour éviter l'introduction du variant au préjudice de l'activité touristique. Pourquoi ce changement de stratégie ?

“La différence par rapport à juillet dernier, c’est qu’il n’y avait pas de variants. Notre priorité a toujours été la protection de nos concitoyens. Aujourd’hui, nous avons une solution pour envisager de sortir de la crise sanitaire, c’est la vaccination. Mais nous n’y sommes pas encore, donc nous devons maintenir les restrictions aux frontières. Même si, comme vous l’avez remarqué, nous les allégeons un peu.”
 
 

“Suffisamment de doses en Polynésie”

Si l'objectif est d'atteindre au plus vite les 70 à 80% de vaccination en Polynésie française pour permettre la réouverture des frontières, l'État garantira-t-il à court terme l'arrivée de vaccins en nombres suffisants au fenua pour une telle couverture vaccinale ?

“Il y a aujourd’hui suffisamment de doses en Polynésie française ! Nous avons déployé, avec le Pays, la logistique nécessaire pour livrer assez tôt des doses de vaccin Pfizer, qui, comme vous le savez, nécessite une conservation particulière. Depuis, nous livrons régulièrement des doses de ce vaccin comme du Janssen. Depuis le début de la campagne de vaccination, 122 050 doses ont été livrées. Elles ne sont aujourd’hui pas toutes utilisées. Nous aurons la capacité de vacciner toute la population polynésienne. Donc je ne laisserai pas installer l’idée qu’on n’atteint pas ce taux de vaccination parce que l’État n’aurait pas livré assez de doses. Elles sont là. Les centres de vaccination et les vaccinodromes mis en place avec les maires sont là. Les personnels soignants et bénévoles sont là. Maintenant c’est à chaque Polynésien et Polynésienne de choisir, ou pas, de se faire vacciner.”
 
L'État entend-il effectivement entrer au capital d'Air Tahiti Nui pour venir en aide à la compagnie aérienne ? A quelle hauteur pourrait-il le faire et à travers quel organisme ?

“Avec Bruno Le Maire, nous souhaitons qu’Air Tahiti Nui continue à voler. Mais laissez-moi le rappeler, nous n’avons aucune inquiétude sur la trésorerie de la compagnie d’ici la fin de l’année. Un prêt garanti par l’État d’un montant de 67 millions d'euros (9 milliards de Fcfp) a ainsi déjà été accordé. Sur le long terme, nous devons regarder comment garantir la pérennité de l’entreprise. Pour cela, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui a pour mission d'aider les entreprises à élaborer et mettre en œuvre des solutions permettant d'assurer leur développement, accompagne Air Tahiti Nui pour leur apporter les réponses les plus adaptées à sa situation. Nous suivons de près la situation.”
 
Le président Édouard Fritch a d'ores et déjà annoncé qu'une telle montée au capital ne se “ferait pas sans conditions” et sans “efforts” de la part de la compagnie. Faut-il comprendre que l'État souhaite qu’Air Tahiti Nui réduise ses charges ?

“L’État comme le gouvernement polynésien ont tous les deux réaffirmé leur volonté de soutenir Air Tahiti Nui et partagent le même objectif : trouver les moyens les plus adaptés pour assurer la pérennité de la compagnie. Pour le soutien de l’État, il est encore trop tôt pour en définir les modalités et les contours. L’accompagnement du CIRI que je mentionnais est justement en cours. Leur première mission est de bien appréhender la situation dans laquelle se trouve l’entreprise. Un audit indépendant a été demandé afin d'évaluer précisément le besoin de financement.”
 

“Le PGE évoluera en juin”

Les dernières projections économiques de l'Institut d'émission d'outre-mer annoncent que l'économie polynésienne devra encore compter en 2021 sur les aides publiques de crise, et notamment les aides à l'emploi. L'État maintiendra-t-il le niveau de ses aides (Prêts garantis et fonds de solidarité notamment) pour la Polynésie française cette année ?

“Le gouvernement a d'ores et déjà annoncé la prolongation du prêt garanti par l’État jusqu'au 31 décembre et le maintien du fonds de solidarité à l'identique pour le mois de mai. À partir de juin, il évoluera pour s'adapter aux nouvelles conditions de reprise d'activité. L'idée est bien celle d'une extinction progressive des aides qui ne mette pas en danger les entreprises. Nous ne voulons pas qu'après une période de protection il y ait tout à coup un dégel brutal qui se solde par des milliers de faillites. Ces aides viennent compléter évidemment les aides à l'emploi que le Pays pourrait mettre en place.”
 
Où en est le dossier de la nouvelle convention santé-solidarité et sait-on quand cette convention sera finalisée et signée ?

“Cette crise nous a évidemment rappelé que la santé devait être au cœur de nos priorités. C’est pourquoi je tenais à ce que cette convention entre l’État et le Pays aboutisse rapidement. Je signerai le protocole d’accord ce jeudi sur les îles Marquises. Ce partenariat dans le domaine de la santé, que le haut-commissaire a négocié pour le compte du gouvernement, permettra de concrétiser des projets pour un montant de 13,2 millions d'euros (1,575 milliard de Fcfp) dont 4 millions d'euros seront consacrés à de l'investissement dans le champ hospitalier, sanitaire et médico-social. A titre d’exemple, une enveloppe de coopération avec le CHU de Bordeaux de plus de 3 millions d'euros permettra de contribuer à la préfiguration d’un futur Institut du cancer.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 12 Mai 2021 à 17:22 | Lu 5138 fois