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Ristourne fiscale à Tapie: non-lieu requis pour Eric Woerth


LUDOVIC MARIN / AFP
LUDOVIC MARIN / AFP
Paris, France | AFP | lundi 09/05/2022 - Le ministère public a requis un non-lieu pour l'ex-ministre du Budget Eric Woerth dans l'information judiciaire ouverte par la Cour de justice de la République (CJR) en 2019 sur un coup de pouce fiscal contesté accordé en 2009 à Bernard Tapie.

Selon un communiqué du parquet général près la Cour de cassation, qui fait office de ministère public auprès de la CJR, ce non-lieu a été requis vendredi.

"L'élément intentionnel de l'infraction de concussion ne paraît pas être suffisamment caractérisé", la preuve "d'une volonté d'accorder au contribuable un avantage indu" n'ayant pas été rapportée, précise le communiqué.

M. Woerth, président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale (ex-LR rallié à la majorité présidentielle), avait été mis en examen le 30 juin 2021 par des magistrats de la CJR, soupçonné d'avoir accordé un avantage fiscal indu à M. Tapie, décédé en octobre d'un cancer, après l'arbitrage controversé de son conflit avec le Crédit lyonnais.

La décision finale sur un non-lieu ou un éventuel renvoi en procès de M. Woerth appartient désormais à la commission d'instruction de la CJR, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.

"C'est une affaire technique dans laquelle il est apparu évidemment que le ministre n'avait rien à se reprocher", a commenté auprès de l'AFP Me Jean-Yves Le Borgne, avocat de M. Woerth.

"Il me paraît normal que le parquet général considère qu'il n'y ait pas de matière à poursuite pénale", a-t-il estimé, disant attendre la décision de la commission d'instruction "avec confiance".

Arbitrage avec le Crédit lyonnais 

Dans le cadre de l'arbitrage rendu en 2008 et annulé depuis au civil, Bernard Tapie s'était vu accorder 403 millions d'euros pour solder son litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas.

Une partie de l'argent a été versée à Groupe Bernard Tapie (GBT), une des holdings de l'ancien président de l'Olympique de Marseille.

Pour l'administration fiscale, l'argent versé à GBT devait être taxé au titre de l'impôt sur les sociétés (33,3%), mais le camp Tapie demandait l'application du régime, beaucoup plus favorable, des plus-values (1,67%).

Finalement, dans une lettre du 2 avril 2009, le cabinet ministériel d'Eric Woerth avait décidé de taxer deux tiers de l'indemnité à 1,67% et le tiers restant à 33,3%.

Pour examiner les éventuelles responsabilités d'autres personnes que le ministre, le parquet de Paris avait ouvert en mars 2016 une information judiciaire, à la suite d'une lettre du procureur général près la Cour des comptes, Gilles Johanet, transmise à Bercy puis à la justice.

Dans son courrier, ce haut magistrat s'interrogeait sur "les conditions très favorables d'imposition" accordées par Éric Woerth à Bernard Tapie.

Une source proche du dossier avait relevé à l'époque que la solution proposée par l'administration fiscale aurait entraîné un paiement de l'impôt de 100 millions d'euros et que GBT avait payé en définitive 11 millions d'euros.

Les faits de concussion susceptibles d'être reprochés à M. Woerth ayant été commis dans l'exercice de ses fonctions au gouvernement, les juges d'instruction parisiens saisis de l'affaire s'étaient déclarés incompétents. Une information judiciaire avait ensuite été ouverte en 2019 par la CJR.

Déjà poursuivi par la justice à plusieurs reprises mais jamais condamné, l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy avait déjà fait l'objet d'une enquête de la CJR pour la vente controversée de l'hippodrome de Compiègne (Oise) en 2010. 

Soupçonné de "prise illégale d'intérêts", l'ancien maire de Chantilly (1995-2017) avait obtenu un non-lieu fin 2014.

Il a par ailleurs été relaxé en 2015 de plusieurs accusations dans l'affaire Bettencourt.

M. Woerth est par ailleurs mis en examen depuis 2018 pour "financement illégal de campagne électorale", dans l'enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, dont il était trésorier.

Concernant l'arbitrage, la cour d'appel de Paris a jugé en novembre que celui-ci avait fait l'objet d'une "escroquerie" et condamné quatre prévenus, dont le patron d'Orange Stéphane Richard qui a quitté le groupe depuis.

le Lundi 9 Mai 2022 à 04:52 | Lu 255 fois