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Retraites: Macron brandit la dissolution, marque d'autorité comme aveu de faiblesse


Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 29/09/2022 - En agitant la menace de la dissolution pour faire passer sa réforme des retraites, Emmanuel Macron veut tenter de garder la main sur son second quinquennat, en dépit d'une majorité plus émancipée et d'une opposition à l'Assemblée renforcée.

Après un premier quinquennat très vertical, le candidat à sa réélection avait pourtant promis une nouvelle méthode, toute de concertation et d'écoute, s'il était reconduit. Au président de tracer le cap, à la Première ministre de le concrétiser.

Mais après un débat enflammé jusqu'au sein des rangs macronistes sur le meilleur moyen d'engager la réforme des retraites, qui menaçait d'empoisonner la rentrée, le chef de l'Etat a sifflé la fin de la récréation lors d'un dîner de plus de trois heures avec Elisabeth Borne et les principaux cadres de la majorité mercredi à l'Elysée.

"On est en train d'expérimenter une situation inédite: un président réélu après un mandat de plein exercice et borné par la règle des deux mandats successifs", qui lui interdit de se représenter en 2027, résume Dominique Reynié, professeur à Sciences-Po Paris, interrogé par l'AFP.

Avec une double contrainte: la perte de la majorité absolue aux législatives de juin et un parti présidentiel, Renaissance, qui peine à s'enraciner dans le paysage politique.

M. Macron "ne pouvant être réélu en 2027 (...) les députés sont presque mécaniquement orientés vers l'autonomisation", analyse Dominique Reynié. Sans compter l'ouverture du bal des ambitieux pour la succession de M. Macron - Bruno Le Maire, Edouard Philippe, Gérald Darmanin... - qui peuvent amener les uns et les autres à vouloir se démarquer pour soigner leur existence politique.

"Chiche" 

Si le Modem de François Bayrou, allié historique d'Emmanuel Macron, s'est montré le plus vocal, des députés macronistes ont aussi ouvertement mis en garde le président contre la tentation d'engager dès l'automne la réforme via un amendement gouvernemental au budget de la Sécurité sociale.

L'exécutif s'est finalement rallié à l'idée d'une grande concertation jusqu'à Noël, sur tous les aspects de la réforme, et d'un projet de loi au début 2023. Une marque d'ouverture doublée d'un geste d'autorité: le chef de l'Etat s'est aussi dit prêt à dissoudre l'Assemblée nationale en cas de vote d'une motion de censure contre le gouvernement.

"C'est une façon de dire aux parlementaires, presque sans exception : +J'ai été réélu président, je n'ai qu'une majorité relative, vous me pensez faible mais vous l'êtes plus que moi+", décrypte Dominique Reynié.

Sur fond de grande instabilité géopolitique et économique, le spectre de la dissolution comporte toutefois des risques pour M. Macron: n'encourt-il pas de renforcer ses opposants, notamment aux extrêmes ? 

"Chiche!", a d'ailleurs répliqué Marine Le Pen sur Twitter. "Ce n’est pas 89 députés RN qu’il aura face à lui mais 150 à 200 !", promet le député RN Christophe Barthès.

La Nupes se montre tout aussi bravache. La dissolution, "c'est surtout pour les macronistes que c'est une menace", a estimé jeudi l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, jugeant qu'il s'agissait pour son camp d'une "opportunité".

"Un problème de cohérence" 

Pour Emmanuel Rivière, directeur des études internationales de l'institut Kantar Public, le chef de l'Etat a "plus un problème de cohérence que d'autorité".

"Il a clairement dit durant la campagne qu'il s'agirait désormais de gouverner autrement, de réinterroger la verticalité", rappelle le politologue. 

"In fine c'est lui-même qui a tranché sur les retraites, probablement pas dans le sens qu'il envisageait initialement", pointe-t-il.

Mais même s'il bénéfie d'un "niveau de soutien honorable" dans l'opinion - avec 38% de confiance selon le dernier baromètre Kantar - l'arme de la dissolution "va de plus en plus être le (seul) pouvoir qui lui reste", dit-il.

C'est d'ailleurs "plutôt l'arme dont on parle mais ne se sert pas", considère Emmanuel Rivière.

Egalement visés, Les Républicains, partenaires potentiels sur un certain nombre de réformes, refusent tout autant le "chantage".

"Le prince capricieux, c’est le prince impuissant. Il y a bien longtemps que les petits coups de menton ne nous impressionnent plus", lanc Aurélien Pradié, candidat à la présidence des LR.

le Jeudi 29 Septembre 2022 à 06:04 | Lu 484 fois