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Retour du bras de fer pour assouplir les pénalités de départ en retraite


PAPEETE, 3 juin 2019 - Le Conseil des retraites est saisi par le gouvernement dans le cadre d'une procédure d'urgence pour rendre un avis sur 39 projets d'articles liés à la réforme des retraites, applicable dès juillet prochain. L'instance compte proposer de surseoir pendant 6 mois à l'application de pénalités de départ pour cotisations insuffisantes.

Le Conseil d’orientation et de suivi des retraites (COSR) a réuni ses membres lundi matin pour une première séance de travail. La réunion a été suspendue peu avant 13 heures. Les travaux reprennent mardi matin avec à la clé, en fin de journée, un avis motivé rendu sur les projets de textes qui lui sont présentés. 

Ses travaux doivent se dérouler mardi, au moins une partie de la journée, en présence d’un actuaire de la Caisse de prévoyance sociale. Il sera chargé d’éclairer le Conseil des retraites sur les effets financiers des ajustements paramétriques que pourraient voter ses membres en contrepoint de ceux proposés par le gouvernement.

L’instance consultative est saisie depuis le 16 mai dernier, dans le cadre d’une procédure d’urgence. Faute d’avis avant le 5 juin, sa position sera réputée favorable. 

Trois projets d’arrêtés son soumis à son avis, soit au total 39 articles portant sur la fixation de paramètres dont l’application doit avoir lieu avant le 1er juillet prochain, date d’entrée en vigueur du système réformé d’assurance vieillesse polynésien.  

Retour du "ET-Ou"

Pour le syndicat A Ti’a I Mua, dont le représentant Dimitri Pitoeff préside aujourd'hui le Conseil des retraites, l'occasion est idéale de remettre au goût du jour la question du "Et-Ou", abandonnée au moment du vote de la loi du Pays, en septembre dernier. Au nombre des projets de textes soumis à l'avis du COSR, figure celui sur le taux d'abattement en cas de durée de cotisation inférieure au seuil légal de 35 ans. L'avis du Conseil des retraites devrait aller dans le sens d'une fixation de ce taux à 0 % de juillet à décembre prochain, pour ajourner l'effet de ce taux jusqu'au 1er janvier 2020 au moins.

Pour mémoire, le coût de l'amendement "Et-Ou", près de 18 milliards sur 20 ans, avait fait reculer le gouvernement et le Tapura Huiraatira au moment de voter la loi à Tarahoi, en septembre.

En clair la question du "Et-Ou" est celle-ci : au 1er juillet prochain, faudra-t-il travailler jusqu’à l’âge légal de 60 ans ET avoir cotisé au moins 35 ans pour prétendre à une retraite à taux plein, comme le prévoit aujourd’hui la loi réformant le système polynésien de retraites par répartition ? Ou, pourra-t-on prendre sa retraite indifféremment après 35 ans de cotisation (à taux plein, quel que soit son âge) ; ou à partir de l’âge de 60 ans sans avoir cotisé au moins 35 ans ?  

La loi prévoit que les conditions d’âge et de durée de cotisation soient exigées pour une retraite à taux plein. Mais comme le rappelait en avril dernier Dimitri Pitoeff, aujourd’hui président du COSR, "Un taux peut très bien être fixé à 0 %". Ce taux serait celui de l’abattement applicable en cas de départ à la retraite avant d’avoir atteint les 420 mois (35 ans) de cotisation. Pas de taux, pas de pénalité : on revient au système du "Ou", alors que le "Et" est inscrit dans la loi. De son côté, le gouvernement prévoit d’appliquer dès juillet un taux de 0,5 % par trimestre manquant, soit 2 % par année de cotisation manquante.

Or, selon les estimations faites par A Ti'a I Mua, les ressortissants du régime de la tranche A n’ont cotisé en moyenne que 33,25 ans lorsqu’ils atteignent l’âge de 60 ans. Lorsqu'ils sont également ressortissants de la tranche B, leur durée de cotisation à cet autre régime est de 21,5 ans. Dans ces conditions, avant le 1er juillet, un nouveau retraité "moyen" percevrait 164 920 Fcfp de pension au titre de la tranche A et 54 003 Fcfp en fonction du nombre de points acquis dans la tranche B. Après le 1er juillet, selon Dimitri Pitoeff, dans l’hypothèse où la pénalité de départ à la retraite à l’âge de 60 ans, sur la base de -0,5 % d’abattement par trimestre d’anticipation, un retraité moyen (33,2 ans de cotisation) devrait renoncer à -3,5 % (-6 076 Fcfp) sur sa pension en tranche A et -25,5 % (-13 771 Fcfp) sur sa pension de retraite B. Au total, la pénalité serait de -19 847 Fcfp (-9,07 %) par mois.

Sur ce projet d’article-là, le COSR devrait rendre un avis majoritairement défavorable, avec le soutien des syndicats de salariés, de retraités et la voix prépondérante de son président. Le report de l'entrée en vigueur d’un éventuel taux d’abattement autre que zéro devrait être demandé au 1er janvier 2020, avec 6 mois supplémentaires pour observer les effets de la mesure suggérée sur les chiffres de la retraite.

Dimitri Pitoeff prévoit de s’exprimer en conférence de presse en fin de semaine, pour justifier la position du Conseil des retraites à ce sujet. 

La date clé du 1er juillet

La réforme des retraites entre en vigueur à partir de juillet prochain. Elle s’emploie à réviser l’économie d’un système déficitaire depuis maintenant près de 10 ans et qui accuse un déficit cumulé de plus de 36 milliards de francs, abondamment prélevé sur les réserves financières de la Caisse des retraites. 

C’est une réforme paramétrique dont le but est de repousser de quelques années l'horizon de viabilité du système. Dans les grandes lignes, la réforme prévoit qu’à partir du 1er janvier 2020, l’âge légal pour prendre sa retraite soit progressivement repoussé de 60 à 62 ans jusqu’en 2023, à raison de 6 mois d'allongement par an. La durée de cotisation sera allongée de 35 à 38 ans entre 2020 et 2023, à raison de 9 mois d'allongement par an. 

Mais dans le détail, dès le 1er juillet prochain tous les paramètres en application jusqu’à présent tombent. La loi sur les retraites attend qu’ils soient remplacés par de nouveaux, pour éviter une situation de vide juridique qui serait préjudiciable au système. C’est dans ce contexte que le COSR est saisi, ces jours-ci. L’instance paritaire est composée de 13 représentants de la société civile : 5 délégués des organisations patronales ; 5 représentants des syndicats de salariés ; 2 représentants des organisations de retraités et un délégué de la jeune chambre économique de Tahiti.

Et, compte tenu de l’enjeu lié aux 39 projets d’articles qui sont soumis à son avis, ce Conseil des retraites devrait profiter de la tribune qui lui est donnée pour se manifester, quand bien même le l'instance consultative est-elle mise au pied du mur dans le cadre de cette procédure d’urgence. Une situation que le COSR pourrait même retourner à son profit, dans l'immédiat. 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 3 Juin 2019 à 15:37 | Lu 24118 fois