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Rejet des comptes de campagne : le maire de Mahina en danger


Patrice Jamet le 23 mars 2014 au soir du 1er tour des élections municipales 2014, fier d’être en tête avec plus de 30% des voix alors que sept autres listes se présentaient contre la sienne.
Patrice Jamet le 23 mars 2014 au soir du 1er tour des élections municipales 2014, fier d’être en tête avec plus de 30% des voix alors que sept autres listes se présentaient contre la sienne.
PAPEETE, le 6 août 2014- La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rendu fin juillet ses observations des comptes de campagne des élections municipales de mars 2014. En Polynésie française, quatre comptes ont été rejetés et transmis au tribunal administratif pour que des décisions soient prises d’invalidation possible de mandats. A Mahina, Patrice Jamet pourrait devoir se retirer.

Ce que redoutent le plus les élus ou même les candidats engagés dans une action politique : c’est l’invalidation d’un mandat en cours et l’inéligibilité. Or, ce sont bien ces deux menaces qui pèsent désormais sur le tavana Patrice Jamet à Mahina puisque la Commission nationale des comptes de campagne a rejeté ses comptes de campagne.
Que reproche-t-on exactement au maire de Mahina ? «Une simple irrégularité formelle » selon l’avocat du tavana, Me François Quinquis, bien décidé à se battre avec des arguments de poids lors de l’audience du tribunal administratif de Papeete qui aura à traiter de cette affaire. L’avocat espère pouvoir plaider début septembre, pour en finir une bonne fois pour toute avec cette menace, mais du côté du tribunal administratif on rappelle qu’il existe un délai de trois mois pour audiencer et on avance plutôt une date en octobre prochain.

L’irrégularité constatée à Mahina par la Commission nationale des comptes de campagne à propos de la tête de liste Ia Tura O Mahina est celle de ne pas avoir désigné de mandataire financier propre à la campagne des municipales, mais d’avoir transmis cette mission au mandataire financier du parti politique de Patrice Jamet (une association). Le tout était encadré par deux commissaires aux comptes et un expert comptable précise encore Me Quinquis pour appuyer toute la transparence des actions de son client et faire preuve de sa bonne foi : dans cette histoire il n’y a pas de dépassement des comptes de campagne ni de financement occulte. Sauf que l’article L 52-4 du Code électoral est clair : «Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée le mandataire financier ». Sans mandataire financier «officiel» désigné pour sa campagne des municipales 2014, Patrice Jamet risque donc gros.

En effet, la procédure est la suivante : la CNCCFP note les irrégularités constatées et saisit ensuite le tribunal administratif, lequel en tant que juge de l’élection peut déclarer l’inéligibilité du candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits. Cette inéligibilité est prononcée pour une durée maximale de trois ans et est applicable à toutes les élections futures. Lorsque le candidat visé par cette inéligibilité est déjà installé dans son fauteuil de maire, ce qui est le cas pour Patrice Jamet, le juge annule son élection ou le déclare démissionnaire d’office (article L. 118-3 du code électoral).

A noter que si cette situation venait à se produire à Mahina, l’annulation de l’élection et l’inéligibilité ne concerne que la tête de liste, le maire : la liste Ia Tura O Mahina conserverait ses 22 élus (sur 33) au sein du Conseil municipal. Si l’invalidation de Patrice Jamet était prononcée par le tribunal administratif de Papeete elle pourrait néanmoins être contestée en appel devant le Conseil d’Etat. En cas de confirmation définitive, elle entraînerait l’entrée au Conseil municipal de Mahina du dernier candidat non élu le 30 mars dernier issu de la liste de Patrice Jamet, puis des élections en interne parmi les 33 conseillers municipaux de la commune pour désigner un nouveau tavana.

A Papara, Clément Le Gayic insiste sur sa «saine gestion»

Clément Le Gayic
Clément Le Gayic
Si la situation du maire de Mahina est la plus délicate par ce rejet des comptes de la campagne par la CNCCFP, trois autres dossiers ont été transmis au tribunal administratif de Papeete. Il s’agit à Mahina encore de Denis Helme qui n’a pas obtenu de siège au conseil municipal ou bien à Huahine Fare de la candidate Arietta Temauu. Pour ces candidats malheureux, seule la menace d’inéligibilité –qui peut aller jusqu’au 3 ans- peut être douloureuse. Encore que le calendrier électoral ne prévoit pas de nouvelles échéances locales (territoriales ou municipales) avant 2018 pour l’assemblée territoriale et 2020 pour les municipales. Ce qui laisse le temps de faire oublier ce faux-pas.

La situation est plus problématique en revanche pour Clément Le Gayic, élu au conseil municipal de Papara avec quatre autres colistiers. Le tribunal administratif peut en effet annuler son élection et le rendre inéligible pour trois ans maximum.

«On me reproche de ne pas avoir fait viser ces comptes par un expert comptable ; en fait je l’ai fait mais l’expert a estimé qu’il y avait trop de mouvements en argent liquide et n’a pas voulu les approuver. Nous n’avons pas dépassé les comptes de campagne : nous pouvions aller jusqu’à 2,4 millions de Fcfp à Papara et notre liste a dépensé 1,8 million. Dont 1,3 million venait des colistiers eux-mêmes. Nous n’étions pas soutenus par un parti politique, chacun est venu avec ce qu’il pouvait» explique le conseiller municipal, qui estime néanmoins avoir «présenté une gestion saine de mes comptes de campagne». Tous les justificatifs ont été adressés selon lui à la CNCCFP pour prouver sa bonne foi.


Rédigé par M.L. le Mercredi 6 Août 2014 à 11:39 | Lu 1310 fois