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Reconnaissance du fait nucléaire : « ces dispositions sont largement dépourvues de portée normative » (Conseil d'Etat)


Un tir d'essai nucléaire en 1970 en Polynésie française : les militaires regardent le champignon atomique se dissiper dans l'atmosphère (source : moruroa.org).
Un tir d'essai nucléaire en 1970 en Polynésie française : les militaires regardent le champignon atomique se dissiper dans l'atmosphère (source : moruroa.org).
PAPEETE, le 6 février 2019. Le projet de loi organique modifiant le statut d'autonomie de la Polynésie prévoit la reconnaissance de la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire française. Après avoir examiné ce texte, le Conseil d’Etat souligne que "ces dispositions sont largement dépourvues de portée normative".


Le projet de loi organique qui sera examiné mi-février au Sénat et qui a été examiné ce mercredi par la commission des lois prévoit la reconnaissance de la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire française. Le projet de loi propose qu'il soit inscrit que "La République reconnaît la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense de la Nation", que "l’État assure l’entretien et la surveillance des sites concernés des atolls de Mururoa (Moruroa, ndlr) et Fangataufa" et "accompagne la reconversion de l’économie polynésienne consécutivement à la cessation des essais nucléaires".

« Le Conseil d’Etat observe que ces dispositions sont largement dépourvues de portée normative et, en tout état de cause, que plusieurs des « principes » qu’elles énoncent sont redondants sur le plan juridique, dès lors notamment que le législateur ordinaire a d’ores et déjà défini les conditions de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (…) et que le code de la défense prévoit que « les anciens sites d'expérimentations nucléaires du Pacifique » relèvent du régime des installations et activités intéressant la défense nationale », souligne le Conseil d’Etat dans son avis rendu fin novembre. « Il constate en outre qu’elles ne se rattachent, même indirectement, à aucune des différentes catégories de règles ou de mesures énumérées par l’article 74 de la Constitution. Elles ne présentent donc pas, en tout état de cause, un caractère organique ». « Dans ces conditions, le Conseil d’Etat ne retient pas ces dispositions dans le projet de loi organique. Il demeure évidemment loisible au Gouvernement de rappeler ces principes dans l’exposé des motifs du projet. »

Mi-novembre, à l’assemblée, les représentants à l’assemblée avaient jugé cette assertion insuffisante. L'Etat "reconnaît le rôle que la Polynésie a joué dans l'histoire et la sauvegarde de sa liberté. La reconnaissance du fait nucléaire figurera en haut de notre statut", avait commenté le représentant du Tapura Huira'atira, Michel Buillard. "Nous en sommes heureux mais pas totalement satisfaits. Nous appuyons la demande du président du gouvernement pour que ces dispositions revêtent un caractère plus solennel, qu’elles soient plus complètes et plus précises."

Début novembre, les élus du Syndicat pour la promotion des communes avaient demandé d'ajouter que l'Etat se charge aussi de "la surveillance et la sécurisation" des Gambier et de Tureia. "La dépollution de tous les sites liés directement ou indirectement aux activités du Centre d’Expérimentation du Pacifique relève naturellement de la responsabilité de l’Etat", insistait le SPC dans son avis.

Le projet de loi organique sera débattu en séance publique le mercredi 13 février. Le gouvernement français ayant engagé la procédure accélérée le 12 décembre 2018, celui-ci pourra ne faire l’objet que d’une seule lecture au Parlement.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 6 Février 2019 à 10:18 | Lu 1061 fois