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Quel avenir pour la fiction en Polynésie ?


TAHITI, le 6 février 2020 - Jeudi matin au Fifo, une table ronde a réuni des professionnels de l’audiovisuel pour parler des forces et des faiblesses de la fiction en Polynésie, faire un état des lieux de la situation et envisager des pistes de développement.

Du court au très long-métrage, en série ou non, diffusé en télé, en festival ou sur internet, ces dernières années, le tournage et la production de fictions a connu un bel essor. Mais quelles sont les perspectives d’avenir ? Quelles sont les forces et les faiblesses, les leviers et les freins, les possibilités de développement de la fiction localement ? Et comment attirer plus de tournages ? Telles sont les questions que les professionnels réunis lors de la table ronde consacrée à la fiction en Polynésie jeudi matin au Fifo se sont posées.

"Le dynamisme est visible depuis cinq ou six ans", constate Denis Pinson, président de l’Association tahitienne des professionnels de l’audiovisuel (ATPA). Il est également le producteur du film L’oiseau de Paradis de Paul Manate (Voir encadré). "On a entre un à trois tournages par an."

Hervé Boitelle, producteur, a poursuivi en ce sens : "Il y a un regain d’attrait pour la Polynésie. Meurtre à Tahiti en est un bel exemple. Depuis, je crois que l’on a réussi à montrer que l’on avait un pôle de techniciens qui tiennent la route et que le risque financier a beaucoup diminué ces dernières années". Le tournage de Coup de foudre à Bora Bora a été, dans ce contexte, rassurant à tous niveaux.

Un pool d’acteurs a aussi été constitué. Claire Schwob, directrice de casting argumente : "On a un vivier de comédiens capables de s’insérer dans différents rôles, de jouer correctement".

Mais, ceci étant dit, "tout n’est pas aussi beau, ni aussi simple qu’on veut bien nous le faire croire. Il y a une évolution, c’est certain, mais il manque encore beaucoup de choses", selon Marie-Eve Tefaatau, productrice. "Il y a un noyau de techniciens compétents, mais il est trop petit, il manque par ailleurs un cadre législatif et fiscal pour avancer. On est à un tournant, il faut s’y atteler maintenant ou la flamme va s’éteindre."

Il n’existe pas de fond dédié à la fiction en Polynésie. Le SCA (Soutien à la création audiovisuelle) est plafonné, ce qui freine le lancement de tournage de long-métrage. Des aides ponctuelles peuvent être apportées selon le projet et sa diffusion, mais cela reste anecdotique. Frédéric Chinfoo, représentant de Tahiti Tourisme qui a soutenu certains projets, le reconnaît lui-même : "Il n’y a pas de critère précis d’attribution de nos aides".

Il n’y a pas non plus d’aides aux projets qui n’ont pas de diffuseurs. Le SCA ne s’adressent qu’aux films qui ont déjà trouvé preneur. "En métropole, il existe un fond de création audiovisuel qui soutient l’écriture, la production et parfois la promotion de projets audiovisuels sans diffuseur, ce qui fait émerger des talents", rapporte Paul Manate. Quant aux aides métropolitaines mises en place pour le développement de l’audiovisuel dans les outre-mers, elles restent peu connues et donc peu demandées. Il manque également des formations pour encourager les plus jeunes à s’investir et assurer la montée en compétences des professionnels.

Enfin, pour ce qui est des tournages étrangers, en dehors des problématiques financières, un bureau d’accueil reste à créer. Il existait pourtant il y a une dizaine d’années et son existence est, à l’évidence, nécessaire. "Qu’est-ce qu’on attend ?", admet Hervé Boitelle qui répond en partie à sa question : "Nous sommes réunis en associations, nous, professionnels de l’audiovisuel et, depuis des années, nous nous battons pour structurer la filière". Leur combat n’est pas vain, mais il est chronophage.

La fiction en Polynésie a de beaux jours devant elle. "Il y a des décors, des gens, des histoires incroyables", répète Paul Manate. "Il y a une ambiance de travail unique !" Mais les professionnels du milieu ne s’en sortiront pas seuls.

Un projet de loi relatif à la communication audiovisuel a été enregistré en décembre dernier. Il intègre des données de tout le territoire français. Un rapport d’information fait au nom de la délégation aux outre-mer, sur la production audiovisuelle dans les outre-mer par Stéphane Claireaux et Maina Sage, avait été enregistré en juillet 2019 (disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale).

Quant au pays, des discussions sont en cours pour la mise en place d’un fond dédié à la fiction.

Quel avenir pour la fiction en Polynésie ?
Une avant-première mondiale à Tahiti

Paul Manate, enfant du fenua, évolue dans le monde de l’audiovisuel en métropole. Il a réalisé son dernier film L’Oiseau de paradis à Tahiti. Ce film a été tourné et produit sur le territoire. Il dure 90 minutes et raconte l’histoire d’un jeune assistant parlementaire métis de 25 ans, amoral, indolent et séducteur. Il s’appelle Teivi et, un jour, revoit Yasmina, une lointaine cousine aux pouvoirs mystiques. Cette cousine lui fait une étrange prédiction : "Tu vas mourir… je te sauverai."

Bientôt assailli par des malaises hallucinatoires, empêtré dans une affaire de corruption immobilière, Teivi doute et perd pied. Persuadé que Yasmina peut le guérir, il part à sa recherche et chemine jusqu'à la presqu’île, sauvage et fantasmagorique.

Ce film parle de Tahiti, intime et légendaire, métis et vivant. Il sera projeté gratuitement le samedi 8 février de 19 heures à 21h30 au grand théâtre de la Maison de la culture.

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 6 Février 2020 à 14:49 | Lu 606 fois