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Que serait la scène sans pari ?


TAHITI, le 20 janvier 2019 - Alexandre Delimoges s’installe au Petit théâtre du 24 au 26 janvier avec son spectacle "Gustave Eiffel en fer et contre tous". Avec cette pièce qu’il interprète, il a reçu le prix du meilleur auteur au festival d’Avignon en 2018. Il a accepté de répondre à quelques questions avant de monter sur scène.

Tahiti Infos : Comment se présente le spectacle, êtes-vous seul sur scène ? Interprétez-vous plusieurs personnages ?
Alexandre Delimoges : "Je suis seul en scène, face au public qui devient mon confident et avec qui nous discutons librement. Je lui demande même parfois de s’engager en me répondant. Au loin par la fenêtre, je suis aussi l’évolution de la construction de la Tour alors bloquée au 2e étage, soit à peu près la moitié de sa hauteur. D’un côté, derrière une porte, m’attend l’ouvrier Cheval qui est le porte-parole des charpentiers en grève sur la Tour. Il attend mon verdict, que je ne dévoilerai qu’à la fin de notre ‘discussion avec le public’. De l’autre côté, derrière une autre porte, ma fille Claire, qui est aussi mon assistante, travaille dans son bureau. Je la prends à partie de temps en temps lorsque je ne me sens pas bien. Elle est mon seul soutien personnel."

Tahiti Infos : Les ouvriers de la Tour se sont donc mis en grève ?
Alexandre Delimoges : "Il y en a eu deux en fait. Une en septembre 1888 à la suite de laquelle ils ont été augmentés, puis une autre en décembre 1888, mais là leur salaire n’a pas bougé. Je démarre mon spectacle par la seconde grève. Le fil rouge du spectacle est la résolution de cette grève : comment rendre ses ouvriers heureux de retourner au travail, sans les augmenter ? Eiffel a réussi ce pari, autant vous le dire. On le considère d’ailleurs aujourd’hui comme l’inventeur du management en France ! "

Tahiti Infos : Vous parlez par ailleurs du ressentiment à l’encontre de Gustave Eiffel, la France l’a jugé responsable de nombreux suicides, c’est bien ça ?
Alexandre Delimoges : "Oui, et cela a été confirmé par certains de ses descendants qui ont assisté aux spectacles. Cet épisode l’a véritablement traumatisé. Suite à son procès au cours duquel il a été condamné en premier lieu, puis a reçu un non-lieu, ce qui n’est pas exactement un acquittement, il a vendu son entreprise de construction et s’est lancé dans tout autre chose. L’aérodynamie par exemple, on lui doit une forte avancée dans l’aviation, le cinéma… Il étudiait du 3e étage de sa Tour où il s’était fait construire un bureau."

Tahiti Infos : Où avez-vous (re)trouvé les anecdotes de vies ?
Alexandre Delimoges : "Toutes les anecdotes sur sa vie et son travail sont vraies, ainsi que le contexte historique. Il a été très difficile de retrouver des anecdotes privées, d’autant que Gustave Eiffel était austère et centré sur son travail. Toute la documentation trouvée a été écrite par les descendants, du reste, ce qui ne garantit pas une lecture totalement fiable. Il existe beaucoup de livres sur Gustave Eiffel, et en particulier ses Mémoires. Ceci étant dit, et c’est là j’espère toute la modernité du spectacle, l’idée de base est de faire revivre une partie de la vie de Gustave Eiffel mais pas de le jouer fidèlement, historiquement, tel qu’il était. Je n’ai pas de barbe, je ne cherche pas à lui ressembler, j’utilise un parler très actuel et de l’humour, de la fougue, alors qu’il était tout le contraire."

Tahiti Infos : Pourquoi Gustave Eiffel ?
Alexandre Delimoges : "Au départ, je suis amoureux d’Histoire, des vies complexes qui ont modifié son cours souvent des révolutionnaires, des précurseurs incompris, des visionnaires. Je veux écrire plusieurs spectacles sur ce type de personnes. Par exemple je suis en ce moment même, en train d’élaborer mon prochain spectacle sur Akhenaton, qui a provoqué un ras de marée en Egypte au 14e siècle avant JC, quelques décennies (bizarrement) avant Moïse. Était-il fou, ce jeune monothéiste, comme on l’a fait croire ? Était-il fabuleux car époux de Nefertiti, père de Toutankhamon, premier prophète d’un dieu unique ?"

Pour revenir à Gustave Eiffel, j’ai trouvé ce personnage totalement méconnu et pourtant son nom est le nom le plus connu pour un Français, dans le monde ! Qui sait qu’il était moitié allemand, qu’il traîne sa sale réputation depuis 130 ans maintenant y compris dans sa ville natale (Dijon) qui a rasé toute trace de son passé, qu’il a été accusé d’espionnage ou qu’il a inventé le montage en kit comme Ikea le fera plus tard ? Qui sait les milliers d’esquisses, les appuis politiques, la guerre que lui ont fait les artistes connus du XIXe siècle, pour la construction de sa tour ? Il est un ‘mécompris’, un inconnu, à connaître ! Il est aussi évidemment emblématique de la Révolution Industrielle dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui : le train, le vélo, l’allumette, le frigo, le réveil matin, le monde ouvrier/les syndicats/les patrons, les bars/cafés).
"

Tahiti Infos : Comment considérez-vous cet homme que vous interprétez et qui occupe votre vie depuis plusieurs mois ?
Alexandre Delimoges : "Je pense qu’il mérite plus de considération et d’admiration que nous ne lui en portons. Son œuvre est immense : des ponts par milliers qui ont relié des terres jusque-là impossibles à relier, des écluses, des moulins en Egypte, des églises au Chili, des gares dans le monde entier, une poste à Saigon, le Bon Marché, l’Observatoire de Nice… Il était d’une exactitude et d’une droiture rares. Intelligent en diable. La seule notion que j’ai librement adaptée, c’est sa capacité à craquer et à montrer ses faiblesses.
Ceci dit, ne vous méprenez pas, en voyant le spectacle, on a en réalité plutôt tendance à le trouver odieux au départ et pendant un bon bout de temps, avant que l’équilibre ne se fasse
."

Le pitch

Plongez dans la Révolution industrielle du XIXe siècle avec ses grands hommes, ses formidables inventions et ses coups bas.
Décembre 1888. À 3 mois de l’inauguration de la Tour Eiffel, les charpentiers se mettent en grève. Comment Eiffel va-t-il gérer cette crise ? Au-delà de l’anecdote, que s’est-il passé pour que, à la fin du XIXe siècle, la France entière haïsse à ce point Gustave Eiffel ?
Découvrez Eiffel l’homme moderne, le visionnaire, le génie qui créa l’emblème de la France et qui lui redonna sa fierté de grande puissance mondiale. Découvrez l’homme impitoyable et juste qu’était Gustave Eiffel.


Pratique

Vendredi 24 et samedi 25 janvier à 19h30 et le dimanche 26 janvier à 17 heures, au Petit théâtre de la Maison de la culture.
Durée 75 minutes.
Tarif : 4500 Fcfp adultes - 3 500 Fcfp pour les moins de 18 ans.
En vente dans les Carrefour Punaauia, Faa’a et Arue, à Radio 1 et en ligne.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 20 Janvier 2020 à 14:02 | Lu 1063 fois