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Protection de l'emploi local : l'opposition regrette un "manque d'ambition"


PAPEETE, 24 juin 2019 - Le projet de loi pour la protection de l’emploi local a reçu un avis favorable, lundi en commission de l’assemblée. Les élus de l'opposition se sont abstenus en pointant les limites de ce texte qui prévoit d'être examiné en séance plénière le 8 juillet prochain.

Ce sera probablement l’un des derniers textes examinés durant la session administrative 2019, le 8 juillet prochain. Mais avec le projet de loi pour la promotion et la protection de l'emploi local, les représentants polynésiens seront consultés pour la troisième fois à propos d’un dispositif réglementaire permettant de favoriser les recrutements locaux. Un premier texte adopté en 2009 avait été retoqué par le Conseil d’Etat. En 2016, la proposition de loi portée par le représentant souverainiste Richard Tuheiava avait été laissée en attente après un avis défavorable du Conseil économique social et culturel. C’est pourtant avec un ensemble de mesures très comparable que se présente de nouveau ce texte, porté cette fois-ci, par le gouvernement Fritch. 

Présenté en commission du Travail, lundi après-midi, le projet de loi a reçu un avis favorable par 6 voix. Les trois représentants de l’opposition Tavini et Tahoera’a se sont abstenus. 

Le projet de loi définit une priorité d’embauche à compétence et qualifications égales en fonction de la durée de résidence. Le texte propose d’encadrer la protection de l'emploi local en fonction de l’ancienneté sur le territoire des salariés des secteurs d’activité considérés. 

Lorsque le pourcentage des salariés résidents depuis moins de 10 ans, 5 ans ou 3 ans, sera supérieur à 10% dans une activité professionnelle, cette dernière tombera sous le coup des mesures de protection. Le niveau de protection sera proportionné dans les conditions suivantes : plus la date d’attribution du numéro d’inscription de la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) sera récente, selon des seuils gradués (10 ans, 5 ans et 3 ans), plus la protection sera renforcée.

Et pour ce qui est du choix du taux de 10%, il est justifié par un constat statistique fait en 2018. Cette année-là sur 4900 primo-demandeurs d’emploi, 562 (soit 11,4 %) étaient fraîchement installés en Polynésie.

Ce seuil a été critiqué de manière unanime par l’opposition. La crainte partagée par les élus du Tahoera’a et du Tavini est que sous le radar de ces 10 % soient rassemblés tous les emplois exigeant des qualifications importantes, et promettant des rémunérations proportionnées. Les Polynésiens fraîchement diplômés ne bénéficieraient ainsi d’aucune protection particulière. Autre critique, portée par le Tahoera’a : ce texte ne s’intéresse qu’aux emplois du privé. Il ne concerne pas les emplois de la fonction publique. L’administration est pourtant l’un des premiers pourvoyeurs d’emplois du Pays.

Le 25 avril dernier, le Conseil économique social et culturel a voté pour à une très large majorité de 40 conseillers. S’il plébiscitait l’idée d’une "promotion de l’emploi local", plus que d'une "protection" en raison de l’insécurité juridique intrinsèque à ce terme, le CESC avait aussi constaté que le dispositif de protection prévu par le projet de loi pouvait être contourné. L’exemple calédonien laisse craindre un recours plus important à des entrepreneurs individuels plutôt qu’à des salariés dans le but poursuivi de s’affranchir des obligations du Code du travail.

Eliane Tevahitua : "Notre inquiétude est pour ces jeunes qui reviennent avec des bagages importants"

Ce texte permettra de résoudre un certain nombre de problème. Ce qui nous inquiète, c’est le quota de 10 %. En-dessous de ce seuil il y a beaucoup de métiers qui ne seront pas concernés par la protection. Cela nous inquiète, parce que très souvent on risque de se rendre compte que ce sont des métiers hyper-spécialisés, ou qui demandent des études supérieures poussées. Et dans ce cadre, cela voudra dire que des Polynésiens qui reviendront en possession d’un diplôme après de longues études ne trouveront pas forcément un emploi, parce qu’étant sous le quota de 10 %. Et leur métier ne bénéficiera pas des mesures de protection de l’emploi local.
Mais il y a tout de même un léger mieux. La protection s’appliquera principalement aux emplois demandant des qualifications professionnelles basiques. Notre inquiétude est pour ces jeunes qui reviennent avec des bagages importants. C’est pour cela que nous nous sommes abstenus. 

Vaitea Le Gayic : "Ce projet de texte manque d’ambition"

Je trouve qu’il manque plusieurs choses. C’est pour cela que le Tahoera’a s’est abstenu.
Notre première inquiétude porte sur le seuil des 10 % en-dessous duquel les entreprises ne sont pas concernées. Ce seuil est-il le bon ou faut-il l’abaisser ? 
Par ailleurs, ce texte ne s’intéresse qu’au secteur privé. Qu’en est-il du secteur public ? 
Ce projet de texte manque d’ambition et s’il faut qu’on protège l’emploi local et celui de nos enfants, je pense qu’il est nécessaire qu’il y ait une implication similaire dans le public. 
La troisième remarque que je fais concerne les sanctions administratives imposées aux employeurs contrevenant (le projet de loi prévoit une amende de 178 000 Fcfp : NDLR). Ces recettes ne sont pas fléchées pour l’instant. J’ai proposé qu’elles soient reversées au Fonds pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Il permettrait ainsi de contribuer à l’effort pour l’emploi et l’aide accordée aux jeunes. 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 24 Juin 2019 à 16:59 | Lu 2385 fois