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Pour le Tavini, l’Unoc, c’est du toc


Tahiti le 11 juin 2025. Alors que se tient à Nice la troisième conférence des Nations Unies sur l’Océan (Unoc 3), le Tavini a pris la parole ce mercredi pour dénoncer un ersatz de forum lors duquel "la voix de la Polynésie française est portée par la France."
 
 
C’est peu dire que le Tavini n’est pas convaincu par l’Unoc qui se tient en ce moment même à Nice et à l’occasion duquel la Polynésie française est avantageusement mise en avant. Même pas un mot de la part d’Oscar Temaru et Antony Géros sur les annonces de la protection de la Zone économique exclusive de la Polynésie française par Moetai Brotherson. Pas un mot non plus sur la délégation de 103 personnes partie sur place, à part pour critiquer un déplacement coûteux pour pas grand-chose.

Non, le Tavini, par la voix de son président et de son vice-président, a préféré prendre à rebours cet Unoc "qui n’est même pas un organe décisionnel". "Nous devrions être là-bas et parler de notre propre voix", expliquait mercredi Tony Géros depuis le siège du parti indépendantiste. "Moi, j’ai refusé d’y aller malgré l’invitation du maire de Nice (Christian Estrosi, ndlr.) justement parce que là-bas, c’est l’État qui parle à notre place, et que ce n’est qu’un forum de discussion. C’est de l’entre-soi diplomatique des puissances maritimes."

Effectivement, l’Unoc, comme le comité des 24 sur la décolonisation d’ailleurs, ne sont que des forums de discussions qui ne sont pas en mesure de faire déboucher de solutions concrètes. Ces forums sont basés sur la volonté des nations présentes de tenir les engagements exprimés.

​Du blue washing

La présence en nombre de la Polynésie français ne parvient cependant pas à complètement faire oublier que la gestion de l’espace maritime polynésien n’est pas du seul ressort du Fenua. Sur ce thème, comme bien d’autres, le Tavini critique la teneur des échanges. "Sans la Polynésie française, la France n’est pas deuxième puissance maritime mondiale", poursuit le président de l’assemblée de la Polynésie. "La France n’a toujours pas reconnu la souveraineté du peuple polynésien sur son espace maritime." Et Tony Géros de sortir une formule dont il a seul le secret : "L’Unoc, ce sont des discours verts pour des pratiques grises. C’est un discours environnemental de façade… c’est du ‘blue washing’."

Dans le communiqué remis à la presse avant la conférence, les mots étaient encore plus durs. "La parole polynésienne est muselée, confisquée, diplomatiquement neutralisée." Le retour de Moetai Brotherson en Polynésie française pourra nous en dire plus sur ce muselage dont il aurait donc été victime lors de son déplacement.

Des Polynésiens milliardaires

Pour contrer cet Unoc en toc, le président de l’assemblée de la Polynésie a déjà dégainé une nouvelle arme : une proposition de résolution tendant à reconnaître le rôle stratégique de la Polynésie française dans la gouvernance internationale des océans et à réaffirmer son droit à une représentation directe dans les enceintes décisionnelles océaniques mondiales. Une porte d’entrée de plus pour pouvoir prêcher l’indépendance à l’international.

Cette proposition de résolution sera soumise à l’assemblée de la Polynésie française après le retour d’expérience de la délégation polynésienne. Elle stipule entre autres que "la Polynésie française constitue le socle fondamental de la puissance maritime française et revendique à ce titre un statut stratégique océanique spécifique", et appelle à l’"officialisation de la Polynésie française comme puissance insulaire océanique."

Elle demande aussi "l’institution d’une politique de protection contre l’extractivisme marin non durable", en mettant en place un moratoire sur l’exploration minière des grands fonds. Un moratoire qui serait pour le Tavini de courte durée puisque comme le soulignait mercredi encore Oscar Temaru : "On va exploiter ces ressources jusqu’à ce que chaque famille polynésienne soit milliardaire."

La résolution demande enfin que soit mise en place une économie bleue souveraine et durable et que la Polynésie puisse avoir accès aux travaux de recherche sur les océans.

Moi, président…

En marge de cette conférence de presse sur l’Unoc, Tahiti infos a sollicité une réaction de Tony Géros sur le rejet par le tribunal administratif de sa résolution lui permettant d’ester en justice contre l’État. "Je m’y attendais", a-t-il répondu calmement. "Je vois maintenant s’il est utile de faire appel."

Un autre recours, en son nom propre, et non plus au titre de président de l’assemblée a déjà été déposé.

Le Conseil d’État puis le tribunal administratif de la Polynésie française ont déjà tranché la question. Ces recours ne peuvent être déposés que par Moetai Brotherson, qui pour sa part, s’y refuse. "Moi, président, j’aurais déposé ces recours", a pour sa part affirmé Tony Géros.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mercredi 11 Juin 2025 à 16:12 | Lu 3360 fois