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Pilule contraceptive : je t'aime, moi non plus


La défiance envers les pilules contraceptives poussent les femmes à adopter d'autres méthodes. Photo : PHILIPPE HUGUEN AFP
La défiance envers les pilules contraceptives poussent les femmes à adopter d'autres méthodes. Photo : PHILIPPE HUGUEN AFP
Paris, France | AFP | samedi 01/09/2017 - "Je me sens plus complète", assure Carmen, qui a arrêté la pilule. Crainte d'effets secondaires, refus de prendre des hormones, motivations écolo... Si la pilule reste le contraceptif le plus utilisé, ce symbole de la libération sexuelle suscite aujourd'hui des questions, voire de la défiance, chez certaines femmes.

Carmen, 34 ans, a arrêté une première fois à 26 ans avant de reprendre quelques années plus tard. "Ca a duré trois mois et je me suis dit +c'est pas possible+. J'avais des règles tout le temps, moins de libido, je ressentais moins mon corps", raconte-t-elle à l'AFP.

Fait nouveau, des témoignages de ce genre fleurissent sur les forums internet. Et un livre polémique, "J'arrête la pilule" (éditions Les liens qui libèrent), paraîtra le 6 septembre.

Signé par Sabrina Debusquat, créatrice du blog consacré à la santé et aux questions de société "Ca se saurait", cet ouvrage fait le lien entre la pilule et de nombreuses affections: dépression, baisse de libido, carences en vitamines, voire certains cancers.

"Ce livre manque d'objectivité. Il est choquant car il n'utilise que les études qui appuient son propos", dit à l'AFP Geoffroy Robin, du Collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF).

"Par exemple, c'est réducteur de dire que la baisse de libido ne vient que de la pilule: il peut y avoir une part liée aux hormones mais il y a aussi un facteur psychologique", poursuit ce spécialiste de l'hormonothérapie.

- 'Angoisses' -

Pour le président du syndicat de généralistes MG France, Claude Leicher, les études sur la pilule et le cancer apportent "plutôt des éléments rassurants": "Il y a moins de cancers des ovaires et pas plus de cancers du sein" chez les utilisatrices.

"Ce livre a été écrit dans une perspective constructive et non polémique", se défend l'auteur dans l'ouvrage, mettant en avant "l'honnêteté de (ses) investigations" et les témoignages qu'elle a recueillis. Avec un objectif "féministe", elle plaide pour un partage plus égalitaire de la contraception entre l'homme et la femme.

Au-delà du débat autour de ce livre, les praticiens ont constaté ces dernières années que leurs patientes s'interrogeaient de plus en plus sur la pilule.

"Il y a des questions et des angoisses sur trois points majeurs: le poids, les cancers et le risque d'infertilité", remarque le docteur Robin, pour qui il est important "d'informer les patientes, de répondre à leurs questions".

Selon le docteur Leicher, ces questions portent sur "les hormones, leurs avantages et leurs inconvénients".

Le tournant a été la crise de 2012/2013: la révélation des risques cardio-vasculaires accrus liés aux pilules de 3e et 4e génération.

"L'un des effets de cette crise a été la diabolisation de toutes les pilules", note Véronique Séhier, co-présidente du Planning familial.

- 'Profilage' -

Selon une enquête de l'Ined (Institut national d'études démographiques) datant de 2014, la proportion d'utilisatrices de la pilule a baissé dans le sillage de cette crise. Elle est passée de 50% à 41% des femmes de 15 à 49 ans entre 2010 et 2013.

En 2013, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a estimé à 2.529 par an le nombre d'accidents thromboemboliques veineux (causés par des caillots dans les veines) liés à la pilule, dont 1.751 pour les pilules de 3e et 4e génération.

"Une bonne partie de ces accidents vasculaires est liée au fait qu'on n'a pas pris en compte les antécédents de ces femmes: l'obésité, la consommation de tabac, certains types de migraines, qui sont des facteurs de risques", estime le docteur Robin, pour qui ce "profilage" est essentiel.

"Après l'affaire de 2013, les médecins et les sage-femmes se sont beaucoup mis en question, interrogent beaucoup plus les femmes, sont beaucoup plus rigoureux", souligne-t-il.

Entre les différentes pilules, les stérilets, les implants hormonaux ou les préservatifs, "il y a un arsenal contraceptif très varié en France", rappelle le docteur Robin.

Selon lui, "il faut personnaliser pour trouver la bonne contraception" en fonction de chaque femme. En gardant en tête que "toutes les contraceptions ont des inconvénients et que la contraception parfaite n'existe pas".

pr-jlo/BC/fmi/dar

par Paul RICARD et Jessica LOPEZ

Rédigé par AFP le Samedi 2 Septembre 2017 à 08:37 | Lu 2835 fois