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Pénurie de médecins aux Tuamotu


"Cela fait six mois qu’on n’a plus de médecin” affirme Maxime Hauata @Vaite Urarii Pambrun
"Cela fait six mois qu’on n’a plus de médecin” affirme Maxime Hauata @Vaite Urarii Pambrun
Tahiti le 24 juillet 2025 – “Démissions”, “arrêts maladie”, “burn-out”, “malaise”, “tensions managériales”… les taote au sein de la Subdivision Santé des Tuamotu-Gambier n’en peuvent plus. “Cela fait six mois qu’on n’a plus de médecin”, dénonce Maxime Hauata de Anaa.
 
Maxime Hauata s’est rendu ce jeudi matin à la subdivision santé des Tuamotu-Gambier (SSTG), à Papeete, pour le renouvellement d’une ordonnance. Mais il n’y avait aucun médecin. Les patients ont été reçus par les infirmiers, nous indique-t-il.
 
Et cet administré de Anaa assure que le problème ne date pas d’hier : “Cela fait six mois qu’on n’a plus de médecin”, affirme-t-il. La SSTG est habituellement animée par 12 médecins dont six basés à Papeete et six dans les atolls. Mais à l’heure actuelle, il n’y a plus qu’un médecin à Tahiti, un à Fakarava et deux en postes à Rangiroa. Et encore est-ce “pour l’instant”, nous dit-on.
 
“Trois taote ont démissionné, trois autres sont en arrêt et un n’a pas renouvelé son contrat”, nous explique une source. “Alors on a des médecins qui font des vacations”. En cause : le “gros malaise au sein du dispensaire des Tuamotu Gambier”, nous glisse-t-on.
 
Une autre source confirme que ce problème est lié “à l’ambiance de travail. Ils sont tous en burn-out (…). Les tensions managériales n’arrangent rien non plus”. Et dans ce contexte, toujours selon nos informations “le Pays a du mal à recruter (…) et dans les îles la situation est pire”.

Aucune visite médicale depuis six mois

Maxime Hauata assure qu’aux Tuamotu-Gambier seuls “Rangiroa et Fakarava ont des médecins alors que Makemo, Hao et Rikitea n’en ont plus depuis des mois”. Les administrés des Tuamotu doivent aussi faire face aux mêmes problèmes qu’au SSTG de Tahiti, alors que des médecins basés dans les îles éloignées ont “démissionné et d’autres ont arrêté car leur contrat ne leur convenait plus, au niveau du logement, de leur rémunération et de l’éloignement aussi”, rapporte l’administré de Anaa.
 
D’un autre côté, on nous explique que contrairement à ce qu’on pense, “travailler dans les îles, ce n’est pas de tout repos (…). Les médecins ne tiennent pas tout simplement parce qu’ils n’ont plus de vie. Ils font du H24. Ils n’ont pas de week-end (…). On dirait que tout est fait pour démotiver ces médecins dans les îles”.
 
Et on nous assure que cette situation “ne va pas s’arranger” car, selon nos informations, le directeur par intérim de la santé et ancien divisionnaire des Tuamotu a pour “projet de rapatrier tous les médecins à Tahiti puis de mettre en place le système du ‘Flying doctor’, basé sur le modèle Australien [C’est une des mesures proposées par l’Igas en 2019 pour diminuer le coût des évasans et assurer la prise en charge des patients, NDLR]”.

“Ils sont tous au courant”

“Depuis le début de l’année, il n’y a pas eu de visite ni de tournée médicale aux Tuamotu, à part les dentistes et les sages-femmes qui continuent à tourner dans chacun des atolls”, ajoute une autre source. En effet, en temps normal, sur les six médecins basés à Papeete, trois doivent tourner dans les îles “car les patients des atolls doivent être vus par un médecin une à trois fois par an” et ça n’a vraisemblablement pas été le cas. Quant à l’option de la télémédecine : “Déjà que la connexion à Papeete n’est pas au top alors imaginez aux Tuamotu, ce n’est pas la peine”.
 
Et Maxime Hauata de s’agacer contre l’apparent immobilisme du ministre de la Santé, Cédric Mercadal, des élus pa’umotu de l’assemblée et des tāvana : “Je leur en ai déjà touché un mot : ils sont tous au courant. Certains ont tendu l’oreille et d’autres n’ont rien voulu entendre.”
 
Aussi appelle-t-il les maires à se lever. “Aux Marquises, ils ne sont que cinq tāvana mais ils font bouger les choses. Nous on en a 17, et ils ne font rien. Pareil à l’assemblée : on a six élus et ils ne font rien. Aux Marquises, ils sont trois et ça bouge.”
 
Maxime Hauata tire cependant son chapeau aux infirmiers qui se retrouvent seuls dans les îles éloignées au service de la population. “Ils sont courageux mais on les déconsidère. Il faudrait qu’ils soient plus reconnus. Ces derniers ne comptent pas leurs heures et font même plus que ce qu’un infirmier peut faire”, reconnait-il.
 
Et il y a même, selon lui, certains médecins retraités qui seraient prêts à porter main forte, “mais ils ne pourront pas venir tous les jours. C’est au gouvernement à régler ce problème”.
 
Il a d’ailleurs rappelé les propos du leader indépendantiste Oscar Temaru en 2011 puis 2019 concernant la possibilité de la venue de médecins cubains au Fenua pour faire face aux déserts médicaux. Et dans le contexte actuel, selon lui, “c’est le moment de changer les lois”, estime-t-il.

Contactés au sujet de la situation déplorable de la couverture santé dont pâtissent une grande partie des résidents pa’umotu, ni le ministre de la Santé, ni les élus à l’assemblée de cette circonscription pas plus que le président du syndicat intercommunal à vocation multiples des Tuamotu-Gambier n’ont souhaité répondre à nos sollicitations.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 24 Juillet 2025 à 19:47 | Lu 3885 fois