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Paea en eaux troubles


Papeete, le 7 novembre 2019 – Dans son dernier rapport d’observations définitives sur la gestion de la commune de Paea publié hier, la chambre territoriale des comptes (CTC) tire la sonnette d’alarme sur la dégradation de la situation financière de la commune, ses lacunes sur l’eau potable et surtout la pollution persistante de sa station d’épuration dans le quartier Tiapa.
 
La situation de la commune de Paea en matière d’assainissement des eaux usées a particulièrement intéressé la chambre territoriale des comptes, dans son dernier rapport d’observations définitives publié hier sur la gestion de la commune de Jacquie Graffe. Obligation légale du fameux Code général des collectivités territoriales (CGCT), l’assainissement à Paea est assuré par des installations individuelles privées et une station d’épuration communale collective qui traite les effluents de 90 logements du quartier Tiapa. Pour les premières, la CTC relève que ces installations privées sont “laissées sans surveillance” puisque la commune n’a engagé “aucun projet de contrôle de conformité” alors qu’il s’agit pourtant d’une de ses “compétences obligatoires”. Le risque étant que d’éventuels “rejets des eaux polluées domestiques ne soient versés dans les cours d’eau et dans le lagon de Paea, ou ne viennent polluer les nappes souterraines d’eau douce”.
 
Mais c’est bien davantage le cas de la station d’épuration qui soulève les critiques de la chambre. La commune a confié son entretien à une société commerciale mais semble n’assurer aucun suivi de son activité. Les services municipaux ont en effet été incapables de communiquer à la CTC la date de mise en service de la station, ni de transmettre les rapports annuels produits par l’entrepreneur en charge de l’entretien. Ce n’est qu’après une demande auprès dudit entrepreneur que la commune a pu obtenir ces rapports, concluant à “une saturation des capacités de traitement de la station, qui rejette donc des eaux polluées excédentaires dans le milieu naturel récepteur”.

“Inaction de la commune”

Le rapport de 2017 fait ainsi apparaître un taux de conformité des eaux usées après traitement de “50% seulement”, ce qui “vient confirmer que cette station pollue le milieu naturel”. Un constat confirmé par le centre d’hygiène et de salubrité publique qui atteste de cette “situation environnementale dégradée” en raison d’un “trop plein de la station d’épuration”, indique la chambre qui rappelle que “ce rapport précise que les eaux, en mer et en eau douce, y sont de mauvaise qualité et rendues impropres à la baignade”.
 
Le rapport précise d’ailleurs, qu’à cet égard, la commune de Paea a fourni à la chambre un arrêté municipal interdisant la baignade en aval de la station daté de… 1995. Une interdiction de baignade permanente qui “confirme l’inaction de la commune sur ce dossier depuis près de 25 années”, conclut la CTC qui “rappelle” longuement au passage la “responsabilité du maire” face à des constats de pollution avérés du milieu naturel.

Toujours pas d’eau potable

Une large partie du rapport de la CTC sur la gestion de la commune de Paea concerne l’absence d’une eau potable sur la totalité de la municipalité. Le “taux de conformité” de l’eau potable à Paea a certes atteint 71% en 2016, mais pour retomber à seulement 39% en 2017. Comme dans plusieurs communes de Polynésie, l’absence de compteurs d’eau oblige la mairie à pratiquer une facturation au forfait “éloignée du coût réel du service”. Le budget annexe de l’eau est donc largement alimenté par des subventions qui grèvent le budget général de la commune.
 
La chambre constate également que le réseau de distribution ancien comprend des fuites “significatives”. Un schéma directeur d’alimentation en eau potable a été produit en mars 2016. Mais il n’a jamais été discuté en conseil municipal. A partir d’hypothèses de production et de consommation, ce document envisageait un taux de rendement compris entre 34 et 49 %. “Soit un résultat médiocre”, précise la chambre, “sur 100 litres d’eau produits ou achetés, seuls, en effet, 34 à 49 litres parviennent aux abonnés”. A cause d’un rendement aussi faible, la CTC note qu’entre 3,7 et 4,8 millions de mètres cube d’eau produits par la commune “ont été gaspillés chaque année” : “Entre 2014 et 2018, la commune a donc perdu l’équivalent d’au moins 2,5 années de production”.
 
La CTC note que “quelques progrès sont toutefois enregistrés” puisque des actions ont été engagées depuis 2017 “par l’amorce de travaux de remplacement de conduites, et par la pose des premiers compteurs ». La commune a indiqué avoir pour objectif de se doter d’un service moderne d’ici 2021, en offrant à tous, une eau potable facturée au réel.

Mauvaise pente financière

Alors que la situation financière de Paea était considérée comme “saine” dans le précédent rapport de la CTC de 2011, la chambre s’inquiète aujourd’hui pour la commune. Principal problème, l’épargne de la commune est faible et “défavorablement orientée”. L’épargne brute par habitants à Paea est ainsi inférieure de plus de la moitié à la moyenne des autres communes des îles du Vent. Sans possibilités de recettes supplémentaires, la commune devrait réduire ses dépenses pour assurer la pérennité de sa gestion. Pourtant, les charges de la commune augmentent, notamment au niveau des charges de personnel (60% des dépenses de la commune en 2018).
 
“Malgré ce contexte défavorable, la commune n’a pas hésité à engager certaines dépenses, en témoigne l’organisation d’un repas collectif dans un hôtel de la place en 2015”, relève la chambre. En effet, à l’occasion des 40 ans de la mandature du maire Jacquie Graffe, la municipalité a financé un feu d’artifice, des boissons, 2 300 repas, un brunch tahitien pour 450 personnes dans un hôtel et 400 plats pour un total de 5,1 millions de Fcfp…

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 7 Novembre 2019 à 16:58 | Lu 5216 fois