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Pacte de relance : la volonté de Papeete, la réponse de Paris


Le vice-président Nuihau Laurey mardi à l'assemblée de Polynésie.
Le vice-président Nuihau Laurey mardi à l'assemblée de Polynésie.
PAPEETE, mercredi 12 juin 2013. Depuis que fin mai au sortir d’une rencontre au Haut-commissariat entre Gaston Flosse et Jean-Pierre Laflaquière, l’expression de «pacte de relance» ou de «pacte de sortie de crise» a été lancée par le président du Pays, on ne savait guère ce que cela signifiait. Mis à part que le rapport Bolliet pour le redressement des finances de la Polynésie française, datant de septembre 2010, était enterré et classé aux archives par le nouveau gouvernement qui affirmait sa volonté de reprendre la main sur son destin. Le 3 juin dernier, visitant le futur centre d’accueil des SDF à Tipaerui, Gaston Flosse a livré un épitaphe plutôt expéditif de cette mission d’assistance à la Polynésie française menée par l’Inspection générale des finances, qui s’est traduit par l’écriture d’un rapport volumineux en trois tomes de plus de 800 pages : «Nous avons dit au haut-commissaire que nous ne voulions plus entendre parler du rapport Bolliet. (...) Nous sommes suffisamment grands pour savoir ce qu’il faut faire chez nous".

Exit donc, au moins pour le président Flosse, le carcan «technocratique» du plan de redressement lié au rapport Bolliet, voici venu le temps du pacte de relance, expression de la volonté propre du nouveau gouvernement. Au-delà de la sémantique qui change, la philosophie générale de ce nécessaire redressement des finances publiques de Polynésie évolue également puisqu’il est désormais fait allusion à plus de flexibilité. «La volonté du gouvernement est de nous inscrire dans un pacte rénové avec l’Etat, de dépasser le cadre exclusivement budgétaire. Le pacte qui a été proposé au Haut-commissariat doit donner de la lisibilité sur 5 ans» expliquait le vice-président Nuihau Laurey à la tribune du gouvernement ce mardi à l’assemblée de Polynésie française, interrogé lors des questions orales par une représentante de la majorité Tahoeraa.

Deux phases distinctes seraient ainsi programmées. D’abord des mesures de sorties de crise avec une baisse des dépenses publiques et «une réforme fiscale pour avoir des ressources financières disponibles afin de financer la relance du secteur public» poursuivait le vice-président en charge de l’économie. Entre le collectif budgétaire pour modifier le budget primitif 2013 du Pays (qui sera présenté à l’assemblée avant fin juin) et la préparation de ce plan de relance, Nuihau Laurey a du pain sur la planche. Mais il promet qu’il pourra présenter «un schéma cohérent dans trois semaines». Le 2e volet de ce pacte, s’attachera à mettre en œuvre les outils nécessaires à la relance économique. Nuihau Laurey va ainsi réclamer à l’Etat plus de flexibilité sur certains axes phares. Il rappelle notamment les difficultés liées au Contrat de projet, qui s’achève en 2013, dont seulement 20% des crédits disponibles ont été consommés. Il expose également que «depuis six mois il y a une quasi absence de l’investissement de l’Etat. C’est une situation qui doit absolument changer» insiste-t-il.

Selon Nuihau Laurey, le pacte de relance pourrait également aborder avec le gouvernement central d’autres sujets qui fâchent ou qui questionnent actuellement en Polynésie. Qu’en est-il exactement de la restitution des sites militaires délaissés par l’armée ? «On a pu ressentir un durcissement des conditions de restitution de ces terrains au cours des derniers mois» or, ces parcelles, ces espaces sont parfois essentiels pour installer des projets de relance économique dans certaines communes. Enfin, il faudra évoquer aussi avec Paris les indemnisations des victimes des essais nucléaires. «La loi Morin a ouvert très peu d’indemnisation pour l’instant. Ce sujet ne doit pas s’inscrire dans la polémique, mais nous devons obtenir des résultats probants pour la population touchée» développait le vice-président. Ce pacte de relance avec l’Etat qui ne se cantonnerait pas qu’à des questions purement économiques ou budgétaires sera «à signer avec l’Etat lors d’un déplacement en juillet à Paris auprès du ministère des outre-mer» précisait Nuihau Laurey.

Alors que Nuihau Laurey exprimait ce vœu d’une signature en juillet prochain du pacte de relance tel que souhaité par le gouvernement Flosse à l’assemblée de Polynésie, la réponse à distance et en avance du ministre des outre-mer était nettement plus mesurée. Interrogé lors de la séance du mardi 11 juin à l’assemblée nationale par le député Jean-Paul Tuaiva sur le soutien de l’Etat à la Polynésie française, Victorin Lurel, ministre guadeloupéen a fait une réponse de gascon. «Le Gouvernement conduit par Jean-Marc Ayrault respecte scrupuleusement un principe simple et cardinal : servir également tous les Français quels que soient leurs origines ou leurs territoires (…) Nous avons signé une convention portant plan d’assainissement et de redressement et nous avons immédiatement débloqué 50 millions d’euros qui avaient été votés, tenez-vous bien, en loi de finances rectificative de 2011. L’ancien gouvernement refusait de débloquer ces fonds-là. C’est aujourd’hui chose faite. Ce plan de redressement prévoyait aussi d’apporter la garantie de l’État pour que la Polynésie puisse avoir accès au crédit bancaire. La banque SOCREDO a accepté de financer l’assemblée et le pays pour un montant de 40 millions d’euros, avec la garantie de l’Agence française de développement qui était obstinément refusée auparavant. N’ayez crainte, ce Gouvernement restera impartial en Polynésie comme ailleurs». Dans cette déclaration, pas l’ombre de la moindre nouvelle aide financière supplémentaire de l’Etat à l’horizon.


Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 12 Juin 2013 à 10:05 | Lu 4122 fois