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PIP: la responsabilité du certificateur TUV jugée en appel, des millions en jeu


Marseille, France | AFP | mardi 30/06/2015 - La cour d'appel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) doit se prononcer jeudi sur la responsabilité du certificateur des prothèses mammaires frauduleuses PIP, le géant allemand du contrôle TÜV Rheinland et celle de sa filiale TÜV France. En jeu: des millions d'euros de réparation à payer aux porteuses et aux distributeurs.

En première instance, le tribunal de commerce de Toulon avait estimé qu'"en sa qualité d'organisme +notifié+, (TÜV Rheinland) a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence, de vigilance dans l'exercice de sa mission" et condamné l'entreprise et sa filiale à "réparer les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP".

Elle avait demandé à TÜV de verser 3.000 euros par victime, au titre de provisions en attendant les expertises pour chacune d'entre elles. Ces provisions, contestées par TÜV, ont été confirmées par la cour d'appel.

Six distributeurs - bulgare, brésilien, italien, syrien, mexicain et roumain - réclamaient à TÜV 28 millions d'euros. Plus de 1.600 femmes porteuses de ces prothèses mammaires - quelque 1.500 Colombiennes, 70 Françaises et une cinquantaine de Britanniques - demandaient 16.000 euros chacune, au titre notamment du préjudice moral et d'anxiété, soit environ 25 millions d'euros.

Au total, 53 millions d'euros sont ainsi réclamés à TÜV, qui n'a jamais vérifié le contenu même des prothèses de l'usine Poly Implant Prothèse (PIP), remplies pendant des années d'un gel de silicone industriel non conforme en lieu est place du seul gel conforme, le Nusil, effectuant un simple contrôle documentaire.

L'affaire PIP avait éclaté au grand jour en 2010 après le retrait du marché de ces prothèses pour une large part frauduleuses. Environ 30.000 femmes sont concernées en France, mais aussi des milliers à l'étranger (à la veille de sa liquidation, PIP exportait 80% de sa production).

Le jugement de Toulon relève que "si la moindre inspection inopinée avait été effectuée par TÜV (dans l'usine) (...) la fraude aurait pu être facilement décelée, évitant ainsi l'ampleur du désastre".

En appel, l'avocat d'une partie des victimes, Me Laurent Gaudon, avait évoqué fin mars "la négligence crapuleuse de la part de TÜV" et son confrère représentant les distributeurs, Me Olivier Aumaître, avait accusé TÜV d'avoir "fait le ménage" dans les documents, pour faire disparaître la responsabilité du certificateur.

En défense de TÜV, Me Cécile Derycke, avait mis en avant le jugement pénal et les conclusions de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui avaient conclu à l'absence de responsabilité de la société allemande et de sa filiale française.


- "Montant à 9 chiffres"



La cour d'apppel a toute latitude vis-à-vis du jugement de première instance: elle peut confirmer la responsabilité de TÜV, l'infirmer totalement ou juger qu'il est responsable partiellement ou encore seulement sur une période donnée, prévient Me Aumaître. De même, elle peut revenir sur les provisions versées, ce qui pourrait contraindre les victimes à rembourser les 3.000 euros qu'elles ont touchés.

Les enjeux sont importants: aux six distributeurs et 1.700 femmes de la procédure de première instance se sont jointes quelques centaines de femmes supplémentaires en appel. Mais surtout, deux autres procédures, dans lesquelles près de 25.000 femmes réclament réparation, sont en cours devant le tribunal de Toulon, qui devrait regarder avec attention l'arrêt rendu jeudi.

"C'est un arrêt important, qui vient dans une longue série de décisions, après des développements au civil et au pénal, qui nous sont favorables pour la plupart", tempère Me Derycke, l'avocate du certificateur.

TÜV était partie civile dans le premier procès pénal dans lequel les dirigeants de PIP, notamment son fondateur, Jean-Claude Mas, ont été condamnés pour tromperie aggravée.

Les sommes en jeu sont en tout cas considérables. "En théorie, on peut atteindre des montants à 9 chiffres" de réparations à verser par TÜV, calcule Me Aumaître. "Sur le papier, 40.000 femmes fois 15.000 euros, ça fait 600 millions..."

Rédigé par () le Mardi 30 Juin 2015 à 06:11 | Lu 477 fois