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Odyssey for Life, premières analyses en cours


Tahiti, le 3 octobre 2025 - Le programme scientifique Odyssey for Life porté par l’association Mata Tohora a officiellement démarré. Les premiers prélèvements ont eu lieu en septembre. En attendant les résultats, l’équipe progresse sur les recherches de financement et sur le volet éducatif de ce programme original.
 
À bord, elles sont trois : Agnès Benet, docteure en biologie marine, fondatrice de Mata Tohora et porteuse du programme scientifique Odyssey for Life, le docteur Laura Miralles, chercheuse à l'université d'Oviedo (Espagne) en biologie moléculaire et génétique des mammifères marins, et Patricia Arranz-Alonso, chercheuse à l'université de La Laguna, à Tenerife (îles Canaries, Espagne). Ce samedi 27 septembre au matin, elles ont embarqué sur un bateau leur matériel pour réaliser différents prélèvements et enregistrements pour étudier les baleines à bosse.

La science au service des cétacés

La saison des baleines a démarré depuis plusieurs semaines et, ce matin-là, des individus ont été aperçus non loin de la passe de Taapuna. L’équipée se met en route. “Il y a plusieurs objectifs scientifiques au programme Odyssey for Life”, expliquent les chercheuses. “Nous souhaitons connaître l’état de santé de la population de baleines à bosse qui viennent en Polynésie et préciser leur route migratoire, savoir s’il y a des liens avec d’autres populations, mieux cerner les impacts du changement climatique ou encore mesurer la pollution dans l’environnement.”

Pour ce faire, des prélèvements d’ADN, de souffle, d’eau mais aussi des enregistrements sonores doivent être réalisés. Tandis que le navire traverse le lagon vers la passe, Agnès Benet explique : “Odyssey for Life est une première dans le sens où personne encore n’a suivi les baleines qui viennent en Polynésie. À ce jour, aucune analyse de la santé des cétacés n’a été réalisée ici. Aucune donnée sur la trajectoire de la migration des baleines à bosse n’est enregistrée au départ de la Polynésie française, malgré les enjeux écologiques et économiques importants.” Les résultats permettront d’ajuster les politiques de sauvegarde et conservation en Polynésie et au-delà car le programme à une portée internationale.

Soudain, un souffle. À l’approche des mammifères marins – une mère, son petit et une escorte mâle –, l’équipage se met à l’œuvre. Des prélèvements d’eau de mer sont effectués pour récolter des échantillons d’ADN. “Toutes les espèces laissent des traces génétiques dans l’eau via des morceaux de peau, du mucus ou autres éléments organiques”, explique Laura Miralles. Suivant une nouvelle technique d’échantillonnage de l’eau de mer (programme Unesco lancé en 2021), une expérience a montré qu'à partir d'un seul échantillon d'un litre et demi d'eau de mer, il est possible de retrouver la signature génétique de 150 à plus de 800 espèces marines ayant fréquenté la zone. Les chercheurs mettent également à l’eau un hydrophone. Le navire se met à l’arrêt pour trente minutes afin de suivre le protocole établi.

Un indispensable volet pédagogique et éducatif

L’ensemble des prélèvements obtenus ce jour seront envoyés en laboratoire pour analyse. En attendant les résultats, Agnès Benet et Émeline Le Plain, conseillère principale d’éducation du lycée Paul-Gauguin, avancent sur la partie pédagogique du programme.

Depuis deux ans, Émeline Le Plain travaille avec les éco-délégués et Mata Tohora pour sensibiliser les élèves à la protection des cétacés. Depuis le lancement d’Odyssey for Life, un vaste programme est en route dans son établissement avec l’appui de la direction qui y voit une opportunité pédagogique à grande échelle. Il s’oriente selon quatre axes principaux déclinés sous différentes formes de communication avec les élèves comme relais dans l’ensemble du lycée. Il vise l’engagement citoyen pour la préservation des ressources marines, place l’égalité au cœur des sciences, et souhaite enrichir les pratiques pédagogiques et faire rayonner la recherche scientifique et écologique. Le tout reste supervisé par Agnès Benet qui garantit la validation scientifique.

Plusieurs actions sont prévues comme l’organisation de journées “Océan propre” ou des actions locales de nettoyage des plages en lien avec l’expédition, des rencontres avec l’équipe de chercheurs et la présentation du projet lors d’une conférence, la création de fiches-métiers illustrées, réalisées par les élèves et affichées au CDI, la mise en place d’un rendez-vous “Minute de l’océan” en story sur la page Facebook du lycée, des challenges “Trois gestes pour protéger les baleines” ou encore des sorties pédagogiques et des éco-missions.

La sortie touche à sa fin. Une nouvelle campagne de prélèvement aura lieu dans un an. Dans trois ans, un bateau mettra le cap sur l’Antarctique pour suivre en direct les baleines à bosse sur le chemin du retour. De nouveaux prélèvements seront effectués en route. L’ensemble des données, une fois exploitées, permettront d’avancer sur de nouvelles stratégies mondiales pour protéger ces mammifères qui restent, malgré leur taille et leur inoffensivité, fragiles et menacés.
 

Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 5 Octobre 2025 à 14:26 | Lu 1151 fois