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Nucléaire : les dessous de l'indemnisation de Chantal Tetua


La soixantaine, hémophile et rongée par des problèmes articulaires, Chantal Tetua, veuve de Teriitaria Aviu, subsiste avec le minimum vieillesse.
La soixantaine, hémophile et rongée par des problèmes articulaires, Chantal Tetua, veuve de Teriitaria Aviu, subsiste avec le minimum vieillesse.
PAPEETE, mardi 28 janvier 2014 – Chantal Tetua accepte l’indemnisation de près de 4 millions Fcfp (33 210 euros) que lui a accordé l’Etat, le 19 décembre dernier, en tant qu'ayant droit d’une victime des essais nucléaires français.

Moruroa e Tatou a dénoncé dans la matinée la clause de renonciation à toute action juridictionnelle demandée à l'indemnisée. L'association pour la défense des anciens travailleurs du nucléaire conteste en outre le prélèvement à la source de 32% de l'indemnisation brute au profit de la Caisse de prévoyance sociale en vertu d’une "convention jamais signée" entre le gouvernement de la Polynésie française et le ministère de la Défense, pour le remboursement partiel des frais engagés localement par la Caisse dans le cadre du traitement des malades du nucléaire.

La CPS a recensé 5 600 cas de cancers radio-induits en Polynésie française et estime avoir engagé entre 27 et 30 milliards Fcfp de dépenses pour le traitement de ces malades.

"Là, le ministère de la Défense et le comité d’indemnisation de la loi Morin, font comme si cette convention avait été signée", constate Bruno Barrillot, "et il me semble qu’il y a là-dessus une action juridique à engager", estime l’ancien délégué pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie française, aujourd’hui conseiller du sénateur Richard Tuheiava.

L’avocat Philippe Neuffer "trouve, de son côté, étonnant que la CPS n’ait pas renoncé à percevoir cette somme, préférant se retourner contre l’Etat".

Richard Tuheiava n’hésite pas à évoquer "une passation d’écriture sur le dos de la misère et de la détresse", "une atteinte aux droits de l’Homme". Le sénateur souverainiste dénonce l’engagement demandé au plaignant en échange du versement de l’indemnité, de renoncer à toute action juridictionnelle en cours ou future en vue de la réparation des mêmes préjudices.

"Je suis obligée d’accepter. J’en ai besoin pour me soigner. Si je dénonce je ne verrai jamais mon indemnisation", se borne à admettre Chantal Tetua.

La soixantaine, hémophile et rongée par des problèmes articulaires, Chantal Tetua, veuve de Teriitaria Aviu, subsiste avec le minimum vieillesse.

L’indemnité brute que lui a accordée par l’Etat dans ce dossier a en réalité été de 48 945 euros (5,8 millions Fcfp). Mais 15 735 euros (1,8 million) ont été prélevés à la source pour être versés à la Caisse de prévoyance sociale. Chantal devra s'accommoder de ce principe.

Quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi Morin pour la reconnaissance et à l'indemnisation des essais nucléaires français, 880 dossiers ont été déposés, 500 jugés recevables et 13 indemnisations accordées dont cinq à des ressortissants de Polynésie française, Chantal Tetua étant la dernière en date.

Après une dizaine d’années de procédure, la commission d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a décidé de recevoir la demande de cette veuve d’un ancien docker à Moruroa, décédé des suites d’une exposition prolongée à des rayonnements ionisants. Chantal Tetua a reçu le 19 décembre dernier, un courrier signé par Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, l’informant de l’attribution d’une "indemnité de 33 210 euros en réparation des préjudices de toute nature ayant résulté pour M. Aviu de sa présence sur les sites d’essais nucléaires".

Moruroa e Tatou s'est indignée des conditions d'octroi de l'indemnisation accordée à Chantal Tetua, dans le cadre de la loi Morin
Moruroa e Tatou s'est indignée des conditions d'octroi de l'indemnisation accordée à Chantal Tetua, dans le cadre de la loi Morin

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 28 Janvier 2014 à 14:19 | Lu 2733 fois