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Nucléaire : Une table ronde a minima démarre à Paris


La délégation Reko Tika compte finalement une vingtaine de personnalités, élus et parlementaires polynésiens emmenés par le président du Pays, Édouard Fritch. (Photo : Geoffroy Van Der Hasselt-AFP).
La délégation Reko Tika compte finalement une vingtaine de personnalités, élus et parlementaires polynésiens emmenés par le président du Pays, Édouard Fritch. (Photo : Geoffroy Van Der Hasselt-AFP).
Paris, le 30 juin 2021 - Organisée par la présidence de la République, à Paris, la table ronde sur les conséquences des essais nucléaires rassemble plusieurs ministères et de nombreux experts mais ne se fixe pas d'objectif précis. Le ministère de la Santé a déjà prévenu qu'un changement des règles d'indemnisation des victimes n'est pas à l'ordre du jour.
 
“Partager”, “faire reculer les incertitudes et les incompréhensions”, “objectiver ce qui s'est passé”, “progresser sur la connaissance”, “rétablir la vérité, faire reculer les fantasmes” : à la veille de la table ronde sur les conséquences des essais nucléaires, les éléments de langage du gouvernement français ne sont pas révolutionnaires, ils portent bien davantage dans le champ lexical de la communication politique.
Réunis à l'hôtel de Matignon –le lieu d'exercice du pouvoir par le Premier ministre, chef du gouvernement français– plusieurs ministres se succèderont face à la délégation Reko Tika. Cette dernière, arrivée dans la capitale française il y a quelques jours, compte finalement une vingtaine de personnalités, élus et parlementaires polynésiens emmenés par le président du Pays, Édouard Fritch. La totalité du spectre politique du fenua, ou même des associations de victimes, n'est pas représentée. Pour évoquer les conséquences des essais nucléaires, ceux qui ont fait le déplacement discuteront avec le ministère des Armées, de la Santé et de l'Outre-mer. Trois séquences, appelées “modules” par les organisateurs, se succéderont entre le jeudi 1er juillet et le vendredi 2 juillet.
 
“Faire reculer les incompréhensions”
 
Il s'agira d'évoquer, dans un premier temps jeudi, l'ouverture des archives et l'accès aux données sur les 193 tirs nucléaires effectués entre 1966 et 1996. Le ministère des Armées fait savoir qu'il n'y a, à ce sujet, “pas de tabou” même si “certaines données ne pourront pas être rendues accessibles tout de suite parce qu'elles sont protégées par le secret-défense et qu'il existe un devoir juridique et moral de ne pas les diffuser”. L'ouverture des archives est pour l'instant prévue pour être réservée à un public restreint : chercheurs, historiens, familles de victimes.
 
Le deuxième temps de la discussion, vendredi matin, est aussi le plus sensible, le plus douloureux : l'indemnisation des victimes, citoyens de Polynésie française atteints de maladies radio-induites et ayants droit de victimes décédées. Les services du ministère de la Santé, co-organisateur de la table ronde, préviennent d'emblée : “Nous allons dresser un état de la connaissance scientifique robuste pour objectiver et faire reculer les incertitudes et les incompréhensions. Il nous semble que les critiques portent sur l'accès au dispositif du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Nous allons réfléchir à un meilleur accès au droit et aux conditions matérielles de dépôt des dossiers qui seront examinés selon les critères du Civen”.
Pour l'instant, dans la parole du ministère de la Santé, aucune avancée ou réforme de la Loi Morin, n'est à attendre, tant au niveau du critère du millisievert que plus généralement de la philosophie d'indemnisation des victimes des essais. Quant aux effets transgénérationnels des essais, ils sont pour l'instant, toujours de l’avis du ministère de la Santé, qualifiés de “supposés”.
 
En attendant Macron…
 
Un dernier temps de discussion doit avoir lieu dans l’après-midi, vendredi, autour du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Il s'agira d'évoquer les effets sur le territoire des essais nucléaires. La question des atolls de Moruroa et Fangataufa mais aussi la reconversion économique des archipels après plus de trente ans de manne nucléaire et d'argent public abondant doivent être abordées. “La question n'est pas nouvelle mais elle se pose avec toujours autant d'importance”, reconnaissent les services du ministère des Outre-mer.
 
Et le président de la République Emmanuel Macron dans tout cela ? “Il prendra la parole et rencontrera la délégation polynésienne”, répondent les services de l'État. Une conférence de presse est prévue vendredi 2 juillet, à l'issue de la table ronde. Elle constitue le seul objectif précis du cycle de discussions parisiennes. Aucun relevé de conclusions ou aucune déclaration commune ne sont prévus pour l'instant. Il y a fort à parier que le point presse final sera le lieu et le moment de communication politique mais aussi celui de l'annonce officielle des dates et du sens du voyage présidentiel en Océanie, à la fin du mois de juillet.

Rédigé par Julien Sartre, à Paris le Mercredi 30 Juin 2021 à 17:45 | Lu 1571 fois